La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 9 février 2023, un arrêt fondamental relatif à la protection des consommateurs en matière immobilière. Cette décision précise les modalités de réduction du coût total du crédit lorsqu’un emprunteur décide de procéder à un remboursement anticipé de sa dette.
Un litige oppose un établissement de crédit à une association de défense des consommateurs au sujet de la validité d’une clause contractuelle standardisée. Cette disposition prévoit que les frais de traitement indépendants de la durée du prêt ne font l’objet d’aucun remboursement en cas de paiement prématuré.
L’Oberster Gerichtshof d’Autriche, saisi par le prêteur en dernier ressort, décide le 19 août 2021 de surseoir à statuer afin d’interroger la juridiction européenne. La juridiction nationale demande si le droit de l’Union s’oppose à une pratique excluant les frais fixes de la réduction due au consommateur.
Le problème juridique consiste à déterminer si l’article 25 de la directive 2014/17 impose une réduction proportionnelle de tous les frais sans distinction de nature. Il convient de savoir si le caractère non récurrent d’un coût justifie son maintien intégral à la charge de l’emprunteur lors du remboursement.
La Cour répond que la directive doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale limitant la réduction aux seuls frais périodiques. Cette solution est toutefois subordonnée au respect de conditions strictes garantissant que ces frais fixes ne rémunèrent pas l’utilisation future du capital prêté.
L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’autonomie du régime des crédits immobiliers avant d’envisager la validation strictement encadrée de l’exclusion des frais fixes.
I. L’autonomie du régime des crédits immobiliers face à la réduction des coûts
A. Une définition extensive mais encadrée du coût total du crédit
La notion de coût total du crédit pour le consommateur bénéficie d’une définition particulièrement large au sein de la législation de l’Union européenne. Elle englobe l’ensemble des intérêts, des commissions et des taxes que l’emprunteur doit acquitter au titre du contrat de financement immobilier résidentiel.
Cette définition inclut tous les frais connus du prêteur, à l’exception notable des frais de notaire et des droits liés à l’enregistrement foncier. Le législateur européen a ainsi souhaité garantir une transparence maximale sur les charges pesant effectivement sur le budget des ménages lors de l’acquisition.
Cette définition large doit toutefois être confrontée aux réalités techniques des prêts garantis par une hypothèque sur un bien immobilier à usage résidentiel.
B. L’écart marqué avec la jurisprudence relative au crédit à la consommation
La solution retenue par les juges européens s’écarte de la jurisprudence antérieure qui s’appliquait exclusivement aux contrats de crédit à la consommation classiques. La Cour souligne que les contrats immobiliers présentent des particularités justifiant une approche différenciée pour la protection efficace des intérêts économiques des emprunteurs.
L’existence d’une fiche d’information standardisée permet désormais d’identifier précisément la nature récurrente ou ponctuelle de chaque frais facturé au client dès la conclusion. Ce document précontractuel obligatoire réduit la marge de manœuvre des établissements financiers et facilite le contrôle juridictionnel de la répartition des coûts du crédit.
Cette autonomie du régime immobilier conduit à limiter le remboursement aux seules prestations dont l’exécution dépend encore de la durée résiduelle du contrat.
II. La validation conditionnelle de l’exclusion des frais fixes
A. Le critère de l’exécution intégrale des prestations de service
Le droit à réduction vise exclusivement à adapter le contrat aux circonstances nouvelles nées du remboursement prématuré du capital emprunté par le particulier consommateur. Il ne permet pas de remettre en cause le paiement de prestations déjà totalement fournies par le prêteur au moment de la signature du contrat.
Les frais payés pour des services intégralement exécutés sont considérés comme indépendants de la durée du crédit et ne peuvent donc pas être réduits. La Cour précise que « ce droit ne saurait inclure les frais qui […] sont mis à charge du consommateur […] au titre de prestations déjà exécutées ».
Le maintien de ces charges fixes reste néanmoins soumis à une exigence de réalité qui impose un contrôle rigoureux de la part des tribunaux nationaux.
B. La mission de contrôle du juge national contre les risques de fraude
Le juge national doit vérifier que les frais fixes ne constituent pas objectivement une rémunération déguisée du prêteur pour l’utilisation temporaire du capital prêté. L’établissement financier supporte la charge de prouver le caractère non récurrent des coûts imputés pour éviter tout contournement abusif de la protection des consommateurs.
L’article 41 de la directive impose en effet de veiller à ce que les mesures de transposition ne soient pas contournées par le libellé des contrats. La loyauté contractuelle exige que les frais facturés correspondent à des services réels et indépendants du temps écoulé entre le versement et le remboursement.