La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt rendu le 8 mai 2019, apporte des précisions majeures sur la qualification des obligations en matière de copropriété. Deux copropriétaires domiciliés en Irlande possèdent un appartement situé dans un immeuble en Bulgarie, acquis par un contrat de vente conclu en mai 2008. Le syndic de cet immeuble demande le paiement des contributions financières annuelles votées par l’assemblée générale pour assurer l’entretien courant des diverses parties communes. Le Rayonen sad Razlog se déclare initialement incompétent au motif que les défendeurs résident à l’étranger et que les règles de compétence spéciale ne s’appliquent pas. Saisie d’un recours, l’Okrazhen sad – Blagoevgrad sursoit à statuer pour interroger la Cour sur la nature contractuelle ou délictuelle de ces dettes de copropriété. L’obligation de contribuer aux charges de copropriété, résultant d’une décision adoptée à la majorité des membres, relève-t-elle de la matière contractuelle au sens du droit européen ? La Cour affirme qu’un tel litige relève de la matière contractuelle et doit être qualifié de prestation de services pour déterminer la loi applicable au contrat. L’analyse porte d’abord sur la qualification contractuelle de l’obligation de paiement avant d’aborder la détermination de la loi applicable selon la nature de la prestation.
I. L’identification d’une obligation relevant de la matière contractuelle
A. L’exigence d’un engagement librement consenti entre les parties
L’application de la compétence spéciale suppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre dans un cadre juridique précis. La juridiction européenne rappelle que « la notion de « matière contractuelle » […] ne saurait être comprise comme visant une situation dans laquelle il n’existe aucun engagement librement assumé ». Cette définition stricte permet d’exclure les obligations imposées par la loi sans aucune manifestation de volonté préalable de la part de la personne désormais débitrice. L’identification d’un tel engagement est indispensable car la compétence juridictionnelle se fonde uniquement sur le lieu d’exécution de l’obligation servant de base à la demande. Cette exigence de liberté dans le consentement garantit la prévisibilité des règles de compétence et assure une protection adéquate aux parties lors d’un éventuel litige transfrontalier.
B. L’adhésion volontaire au régime juridique de la copropriété immobilière
Bien que la loi impose parfois la participation à une copropriété, l’entrée dans ce groupement résulte d’un acte d’acquisition volontaire de parts de l’immeuble concerné. La Cour considère que « chaque copropriétaire consent à se soumettre à l’ensemble des dispositions de l’acte réglementant la copropriété concernée » en devenant propriétaire de son logement personnel. Le caractère contraignant des décisions prises à la majorité n’altère pas la nature contractuelle de l’obligation, même pour les membres s’étant opposés au vote initial. Les liens entre les copropriétaires sont assimilés à ceux existant entre les membres d’une association, créant ainsi des relations étroites de même type que des contrats. La reconnaissance du fondement contractuel de l’obligation permet désormais de s’interroger sur la catégorie de contrat applicable pour déterminer la loi régissant le litige.
II. La détermination du régime applicable à l’obligation financière
A. L’exclusion des actions fondées sur les droits réels immobiliers
Le règlement européen prévoit une compétence exclusive pour les litiges en matière de droits réels, mais cette catégorie doit faire l’objet d’une interprétation restrictive. La juridiction souligne que cette compétence « englobe non pas l’ensemble des actions qui concernent des droits réels immobiliers, mais seulement celles » visant à déterminer l’étendue du droit. Une demande de paiement de charges d’entretien ne tend pas à protéger les prérogatives attachées au titre de propriété ou à contester la possession du bien. L’action du syndic repose sur les droits de la copropriété au versement des contributions financières nécessaires à la gestion courante de l’immeuble et des équipements. L’éviction de la matière réelle conduit nécessairement à rechercher si l’obligation financière peut être rattachée à la fourniture d’une prestation de services déterminée.
B. La consécration de la qualification de prestation de services
La notion de service implique qu’une partie effectue une activité déterminée en contrepartie d’une rémunération, conformément à une jurisprudence constante en matière de commerce civil. La Cour précise qu’un litige portant sur l’entretien des parties communes « doit être regardé comme concernant un contrat de prestation de services » au sens du règlement. Les contributions financières versées par les copropriétaires constituent la contrepartie monétaire des services de gestion et de maintenance assurés par le groupement ou par des tiers. Cette qualification permet de désigner la loi applicable au contrat à défaut de choix exprimé par les parties, en retenant la résidence habituelle du prestataire. L’application du droit des contrats assure une cohérence globale avec les règles de compétence judiciaire tout en facilitant le recouvrement des dettes au sein de l’Union.