La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 7 avril 2022, examine la conformité d’une réglementation fiscale nationale aux libertés de circulation. Une société civile de placement immobilier française, soumise à un régime de transparence fiscale, a réalisé des investissements dans des sociétés immobilières mutuelles en Finlande. L’administration fiscale finlandaise a refusé d’accorder l’exonération des revenus locatifs pour l’exercice 2020, invoquant une modification législative réservant ce bénéfice aux seuls fonds contractuels. Le tribunal administratif de Helsinki, saisi par la société requérante, a formé un renvoi préjudiciel portant sur l’interprétation des articles 63 et 65 du traité. La question centrale porte sur la possibilité d’exclure un fonds étranger de l’avantage fiscal au seul motif que sa structure juridique est statutaire et non contractuelle. La Cour conclut que les articles susvisés s’opposent à une telle législation nationale dès lors que les situations des différents organismes de placement sont objectivement comparables. L’analyse portera sur l’identification d’une entrave aux libertés économiques avant d’étudier le rejet des justifications fondées sur la spécificité des formes juridiques.
I. La caractérisation d’une restriction à la libre circulation des capitaux
A. La prépondérance de la libre circulation des capitaux sur l’établissement
La Cour examine la mesure au regard de l’article 63 du traité, car l’investissement immobilier sans gestion active sur place relève du mouvement de capitaux. Le juge relève que « les mouvements de capitaux comprennent les opérations par lesquelles des non-résidents effectuent des investissements immobiliers sur le territoire d’un État membre ». La liberté d’établissement s’efface ici car la société ne dispose d’aucun établissement stable en Finlande pour gérer ses actifs de manière autonome et permanente. L’objet principal de la réglementation finlandaise concerne le régime fiscal des revenus de placements financiers effectués par des organismes de placement collectif de capitaux.
B. L’existence d’un traitement discriminatoire fondé sur la forme juridique
Une restriction existe dès lors qu’un État accorde aux organismes non-résidents un traitement moins favorable que celui réservé aux organismes de placement collectif résidents. La loi finlandaise réserve l’exonération aux fonds contractuels, forme obligatoire pour les fonds locaux, ce qui désavantage de fait les structures étrangères de forme statutaire. La Cour souligne que « la libre circulation des capitaux serait privée de ses effets » si un fonds étranger perdait un avantage fiscal selon sa forme juridique. Cette exigence formelle dissuade les investisseurs étrangers de placer leurs capitaux sur le marché immobilier finlandais en raison d’une charge fiscale plus onéreuse.
II. Le rejet des justifications liées à la disparité des législations nationales
A. Une comparabilité objective assise sur la neutralité fiscale
La comparabilité des situations s’apprécie au regard de l’objectif de la loi, lequel vise à éviter la double imposition des revenus tirés des investissements immobiliers. Un fonds statutaire transparent se trouve dans une situation analogue à un fonds contractuel puisque tous deux tendent à assurer l’imposition au niveau des porteurs. Le juge affirme qu’un organisme non-résident bénéficiant d’un régime de transparence fiscale « se trouve dans une situation comparable à un fonds d’investissement résident de forme contractuelle ». La différence de protection des investisseurs, invoquée par le gouvernement, ne constitue pas un critère pertinent pour distinguer les entités au regard de l’exonération.
B. L’inefficacité des raisons impérieuses d’intérêt général invoquées
Les arguments relatifs à la sécurité juridique ou à la cohérence du régime fiscal ne permettent pas de valider la restriction constatée par la Cour. Le lien direct entre l’avantage fiscal et un prélèvement compensateur n’est pas établi, privant ainsi de fondement la justification tirée de la cohérence fiscale. La Cour écarte également les inconvénients administratifs, rappelant qu’ils « ne sont pas à eux seuls suffisants pour justifier un obstacle à la libre circulation des capitaux ». La solution réaffirme la primauté des libertés de circulation sur les particularismes nationaux de structuration juridique des véhicules d’investissement collectif au sein de l’Union.