La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 27 avril 2022, examine la validité d’une obligation d’information imposée aux plateformes numériques. Cette affaire traite de l’articulation entre la libre prestation des services et les prérogatives fiscales des États membres. Une réglementation régionale impose une taxe touristique forfaitaire et oblige les intermédiaires à communiquer, sur demande écrite, les données des exploitants et les nuitées. L’inobservation de ce devoir d’information expose les prestataires à une amende administrative d’un montant de dix mille euros.
Saisie par une plateforme d’intermédiation, la Cour constitutionnelle de Belgique a formé un renvoi préjudiciel pour déterminer si une telle mesure relève du domaine fiscal. Le juge national s’interroge également sur la compatibilité de cette contrainte avec l’interdiction des restrictions à la libre prestation de services. Le litige porte ainsi sur l’application de la directive relative au commerce électronique et de l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La Cour juge que l’obligation de transmission de données est exclue du champ de la directive et respecte les principes fondamentaux du marché intérieur.
I. L’exclusion des mesures de collecte d’informations du champ de la directive
A. Le lien d’indissociabilité entre l’obligation d’information et la taxe
L’administration destinataire des données est exclusivement fiscale et la mesure s’insère dans un dispositif global de taxation des hébergements touristiques. Les informations demandées permettent d’identifier précisément le redevable effectif ainsi que l’assiette de l’imposition locale. Selon le juge européen, ces dispositions sont « indissociables, quant à leur nature, de la réglementation dont elles font partie ». Elles servent directement à l’établissement et au recouvrement de la créance publique sans régir l’activité d’intermédiation elle-même.
La Cour souligne que les renseignements portent sur « les données de l’exploitant et les coordonnées des établissements d’hébergement touristique ». Ces éléments constituent le support nécessaire à l’exercice du pouvoir d’imposition par les autorités compétentes de l’État membre. L’obligation déclarative n’est qu’un accessoire indispensable du système de taxation dont elle garantit l’efficacité et la fiabilité.
B. La portée extensive de l’exception relative au domaine de la fiscalité
L’article premier de la directive 2000/31 exclut explicitement le « domaine de la fiscalité » de son champ d’application matérielle. Cette notion doit recevoir une interprétation large conformément à la jurisprudence constante relative aux compétences réservées des États. Elle englobe tant les règles de fond fixant le montant de l’impôt que les règles procédurales destinées à son contrôle. La directive n’a donc pas pour objet d’harmoniser les obligations déclaratives liées aux prélèvements obligatoires.
Cette exclusion garantit que les services de la société de l’information ne puissent échapper aux contrôles fiscaux légitimes sous couvert de simplification. Le juge précise que les modalités de recouvrement ne peuvent être dissociées du système de taxation auquel elles se rattachent directement. La souveraineté fiscale demeure ainsi protégée face au développement des nouveaux modes de prestation de services numériques.
II. La conformité de la charge administrative à la liberté de prestation de services
A. Le caractère indistinctement applicable de la réglementation nationale
La mesure législative s’applique à tous les intermédiaires immobiliers sans distinction liée à leur lieu d’établissement ou à leur mode d’exploitation. Elle ne porte pas spécifiquement sur les conditions d’accès à l’activité de service mais intervient postérieurement à sa réalisation effective. La Cour affirme qu’une telle réglementation n’est pas discriminatoire et n’entrave pas directement la libre circulation des services. Son objet unique demeure « l’exacte perception des taxes se rapportant à la location des biens ».
Le constat d’une utilisation plus fréquente de ces données auprès des plateformes numériques reflète seulement leur part importante sur le marché actuel. Cette circonstance ne caractérise pas une discrimination indirecte puisque la règle demeure identique pour l’ensemble des opérateurs économiques concernés. L’égalité de traitement est respectée dès lors que la charge repose sur chaque intermédiaire en proportion de ses transactions.
B. La proportionnalité des coûts induits par la transmission des données
L’obligation de communiquer le nombre de nuitées et d’unités d’hébergement peut engendrer des frais de recherche et de stockage pour les entreprises. Toutefois, ces données sont intrinsèquement liées à l’activité de mise en relation et sont généralement mémorisées par les systèmes informatiques. Le coût supplémentaire occasionné par la transmission à l’administration fiscale apparaît donc particulièrement réduit pour un opérateur numérique diligent. La charge administrative ne constitue pas une entrave prohibée au sens de l’article 56 du traité.
Les mesures dont le seul effet est d’engendrer des coûts administratifs mineurs n’affectent pas la prestation entre les États membres. La conservation des informations par l’intermédiaire facilite également la transparence et la sécurité juridique pour les utilisateurs de la plateforme. Cette exigence de collaboration avec les autorités publiques est jugée proportionnée aux objectifs d’intérêt général poursuivis par la législation fiscale.