Cour de justice de l’Union européenne, le 24 juin 2025, n°C-351/23

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 6 octobre 2025, précise l’articulation entre l’exécution extrajudiciaire et la protection des consommateurs. Un particulier souscrit un contrat de prêt garanti par une hypothèque sur son logement familial auprès d’un établissement de crédit professionnel. Une procédure d’exécution forcée extrajudiciaire est engagée, aboutissant à la vente du bien immobilier à une société de gestion immobilière adjudicataire. Cette transaction intervient alors qu’une action judiciaire visant la suspension de l’exécution pour clauses abusives demeure pendante devant les tribunaux nationaux. La société adjudicataire sollicite l’expulsion du consommateur, lequel conteste la validité du transfert de propriété par une demande reconventionnelle en nullité. La juridiction de renvoi interroge la Cour sur la compatibilité d’une réglementation nationale permettant la poursuite de l’exécution malgré une demande de suspension. Les articles 6 et 7 de la directive 93/13 s’opposent-ils au maintien d’une exécution forcée immobilière en l’absence de contrôle juridictionnel effectif ? La Cour juge que le droit de l’Union fait obstacle à une telle législation nationale dès lors que l’expulsion menace le logement familial. L’applicabilité de la protection européenne aux procédures d’expulsion précède nécessairement l’examen de l’impératif d’un contrôle juridictionnel effectif et de ses garanties.

I. L’applicabilité de la protection européenne aux procédures d’expulsion immobilière

A. L’inclusion des recours reconventionnels dans le champ de la directive La Cour affirme que la directive 93/13 s’applique à une procédure judiciaire d’expulsion initiée par la société adjudicataire d’un bien immobilier familial. Le juge européen considère que l’action reconventionnelle contestant la légalité du transfert de propriété relève directement du champ d’application du droit de l’Union. Cette protection est activée dès lors que l’acquéreur a été préalablement informé de la procédure pendante relative au caractère abusif des clauses contractuelles. La solution garantit que l’exécution extrajudiciaire d’une sûreté hypothécaire ne puisse pas purger définitivement les irrégularités contenues dans le contrat de prêt initial.

B. Les conditions de diligence imposées au consommateur moyen Le bénéfice de cette protection suppose que le consommateur ait fait preuve d’une diligence raisonnable dans la défense de ses intérêts fondamentaux. L’arrêt précise que le justiciable doit avoir « fait usage des voies de droit dont l’enclenchement pouvait être raisonnablement attendu de la part d’un consommateur moyen ». Cette exigence de diligence permet d’équilibrer la protection de la partie faible avec la sécurité juridique nécessaire aux transactions immobilières réalisées par adjudication. Le juge national doit vérifier l’existence d’indices concordants quant au caractère potentiellement abusif des clauses contractuelles à la date de la vente concernée. L’identification de ces critères subjectifs conditionne l’effectivité du contrôle juridictionnel et justifie une analyse rigoureuse des conditions de l’exécution extrajudiciaire.

II. L’exigence d’un contrôle juridictionnel effectif face à l’exécution extrajudiciaire

A. L’incompatibilité des législations nationales limitant les mesures provisoires Le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale permettant la poursuite d’une exécution forcée malgré une demande de mesure provisoire en cours. La Cour censure les systèmes juridiques qui ne prévoient aucune possibilité d’obtenir « la nullité de la même exécution en raison de l’existence de clauses abusives ». Une telle lacune législative prive le consommateur de toute protection réelle contre les conséquences irréversibles d’une vente forcée de son logement. L’efficacité des procédures extrajudiciaires ne saurait primer sur le droit fondamental de contester la validité juridique d’une dette hypothécaire devant un juge.

B. La primauté du droit au logement et à un recours effectif Cette décision s’inscrit dans une lecture protectrice des articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La protection du logement familial et le droit à un recours effectif imposent au juge national une vigilance particulière lors des exécutions forcées. L’arrêt renforce l’effet utile de la directive en interdisant toute procédure qui ferait obstacle à la suspension judiciaire d’une expulsion potentiellement injustifiée. Les autorités nationales doivent désormais garantir que l’examen du caractère abusif des clauses contractuelles puisse intervenir avant que la perte du logement ne devienne définitive.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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