La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2025, une décision précisant les contours de la notion de communication au public. Un organisme de gestion collective des droits d’auteur réclame des dommages-intérêts à l’exploitant d’un immeuble composé de dix-huit appartements loués. Le litige porte sur la mise à disposition de téléviseurs munis d’antennes d’intérieur permettant aux locataires de capter diverses émissions protégées. Le tribunal de district de Potsdam interroge la Cour sur la qualification juridique de cette mise à disposition au regard du droit de l’Union. La juridiction européenne estime que cette pratique constitue une communication au public si les locataires peuvent être considérés comme un public nouveau.
I. La caractérisation d’un acte de communication délibéré
A. L’intervention intentionnelle de l’exploitant
La Cour rappelle que la notion de communication au public associe cumulativement un acte de communication d’une œuvre et sa diffusion vers un public. L’exploitant réalise un acte de communication lorsqu’il intervient délibérément pour donner accès à une œuvre protégée en toute connaissance de cause. Cette intervention est jugée déterminante puisque, en l’absence de ce matériel, les clients ne pourraient normalement pas jouir des œuvres ainsi diffusées. La mise à disposition d’appareils de télévision constitue une prestation de service supplémentaire dont l’exploitant entend retirer un bénéfice économique. Cette qualification d’acte de communication reste indépendante des moyens techniques mis en œuvre pour assurer la réception des signaux.
B. L’indifférence de la technique de transmission employée
La Cour souligne que le choix entre une antenne centrale et une antenne individuelle n’affecte pas la qualification juridique de l’acte. Une telle distinction contreviendrait au principe de neutralité technologique qui impose de traiter de manière identique les différents moyens de diffusion. La jurisprudence constante affirme que la technique de transmission utilisée importe peu dès lors que l’accès aux œuvres est volontairement facilité. Bien que « la simple fourniture d’installations physiques ne constitue pas en soi une communication », l’installation active d’équipements change fondamentalement cette nature juridique. L’exploitant d’un immeuble agit ainsi comme un utilisateur transmettant sciemment des signaux pour valoriser sa prestation auprès d’un public cible.
II. L’exigence de la présence d’un public nouveau
A. Le critère du nombre indéterminé de destinataires
Pour relever de la directive, les œuvres doivent être communiquées à un nombre indéterminé et suffisamment important de destinataires potentiels. La Cour précise que cette notion comporte un seuil de minimis excluant les cercles de personnes trop restreints ou bien insignifiants. Il convient de tenir compte du nombre de personnes accédant parallèlement à l’œuvre, mais aussi de celles y accédant successivement. Les dix-huit appartements de l’immeuble constituent une base matérielle permettant d’envisager la présence d’un public au sens du droit d’auteur. La qualification finale dépend toutefois de la nature exacte du lien unissant les occupants de l’immeuble à l’exploitant de celui-ci.
B. La distinction entre locataires résidentiels et touristiques
L’œuvre doit être transmise à un public nouveau, n’ayant pas été pris en compte lors de l’autorisation de la communication initiale. Les locataires de courte durée sont assimilables aux clients d’un hôtel et forment ainsi un nombre indéterminé de destinataires potentiels. Ils constituent un public nouveau car ils ne pourraient jouir de l’œuvre sans l’intervention spécifique effectuée par l’exploitant de l’immeuble. À l’inverse, des locataires résidentiels permanents ne sauraient être qualifiés de public nouveau au sens de la directive européenne de 2001. La solution dépend donc de la nature de la location, distinguant l’usage privé et stable de l’usage commercial et touristique.