Cour d’appel de Versailles, le 26 juin 2025, n°24/05889

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Rendue par la cour d’appel de Versailles le 26 juin 2025, la décision tranche un contentieux locatif relatif à l’acquisition d’une clause résolutoire et à l’octroi de délais de paiement. Le litige naît d’un bail d’habitation conclu avec un bailleur social, assorti d’un commandement visant clause résolutoire pour des impayés croissants. La juridiction de première instance, par ordonnance du 16 juillet 2024, a constaté la résiliation de plein droit, ordonné la libération des lieux et condamné le locataire au paiement provisionnel, tout en refusant d’accorder des délais au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. Le locataire a interjeté appel, limitant ses prétentions à l’octroi de délais de paiement sur trois ans et à la suspension de la clause résolutoire. Le bailleur social a conclu à la confirmation, soutenant que la condition légale de reprise du loyer courant faisait défaut au jour de l’audience, et que la dette avait augmenté entre-temps.

La question de droit posée tient aux conditions d’application de l’article 24, V et VII, de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 2023. Plus précisément, il s’agit de déterminer si le locataire, ayant effectué des versements partiels et tardifs, peut être regardé comme ayant repris le versement intégral du loyer courant avant l’audience, et comme se trouvant en situation de régler sa dette locative, ouvrant droit à des délais et à la suspension de la clause résolutoire. La cour répond négativement, confirmant l’ordonnance et ajoutant le rejet des demandes de délais et de suspension.

I. Le sens de la décision

A. La condition de reprise intégrale du loyer courant

La cour rappelle la lettre de l’article 24, V, en retenant l’exigence cumulative d’une reprise intégrale du loyer courant avant l’audience et d’une capacité de règlement. La motivation s’appuie sur des constatations comptables précises, exposant l’augmentation de la dette après l’ordonnance et la nature discontinue des paiements. Elle relève que, malgré un versement significatif en février 2025, la chronologie révèle une irrégularité persistante du loyer courant. La cour cite ainsi que “le loyer courant n’est donc pas payé régulièrement, malgré les efforts de l’intéressé”, tirant de cette appréciation factuelle l’inadéquation de la situation au cadre légal spécifique.

La solution se comprend par la rigueur propre au dispositif de l’article 24, qui conditionne l’accès au délai de grâce à une reprise intégrale préalable. La cour traite le paiement ponctuel et supérieur au loyer comme insuffisant dès lors que la régularité mensuelle fait défaut. L’extrait “la dette a plus que doublé depuis la délivrance du commandement” souligne l’aggravation postérieure, révélatrice d’une absence de stabilisation. L’arrêt ne se limite pas à une lecture littérale, il vérifie la réalité d’une reprise effective, continue et complète, préalable à l’audience.

B. L’appréciation de la capacité de règlement de la dette

L’article 24, V, renvoie aussi à la situation du locataire “en état de régler sa dette locative”, ce que la cour examine à partir des revenus, de l’emploi et des charges du foyer. La juridiction ne méconnaît pas les efforts accomplis, mais retient une perspective économique prudente. Elle écrit que “la situation financière ne laisse pas entrevoir d’augmentation de revenus au sein du foyer”, ce qui affecte l’appréciation d’ensemble de la capacité de remboursement.

La cour fait donc jouer la double exigence du texte, en refusant de dissocier l’exigence de reprise du loyer courant de l’exigence de solvabilité minimale. Elle en déduit logiquement qu’“il ne peut être fait droit à la demande de délais de paiement” et, partant, à la suspension de la clause. Cette articulation, ferme mais lisible, confirme que la suspension n’est pas un effet automatique du seul effort de paiement, mais le résultat d’une combinaison stricte de conditions légales.

II. Valeur et portée

A. Une interprétation exigeante mais cohérente du dispositif légal

La décision s’inscrit dans une lecture exigeante de l’article 24, V et VII, conforme à la finalité de responsabilisation attachée au régime. La reprise du loyer doit être intégrale et antérieure à l’audience, non intermittente ni partielle. En réaffirmant que “le loyer courant n’est donc pas payé régulièrement”, la cour fixe un standard probatoire clair, centré sur la continuité des règlements et leur adéquation mensuelle. Cette option, rigoureuse, protège la sécurité contractuelle, tout en s’alignant sur l’économie du texte qui subordonne la grâce à une normalisation préalable.

Cette rigueur n’est pas déconnectée des réalités sociales. L’arrêt prend soin de considérer les ressources et leur trajectoire, puis d’écarter la demande parce que les éléments objectifs ne permettent pas d’anticiper une amélioration. La phrase “la situation financière ne laisse pas entrevoir d’augmentation de revenus” effectue ce contrôle de plausibilité. La solution, en somme, refuse un étalement qui déplacerait le risque économique sur la partie bailleresse alors que les conditions légales ne sont pas solidement réunies.

B. Portée pratique et perspectives jurisprudentielles

La portée est double. D’une part, elle balise la preuve utile devant les juridictions du fond après la réforme de 2023. Les locataires doivent établir une reprise intégrale, régulière et antérieure à l’audience, par relevés et quittances cohérentes mois par mois. Les paiements ponctuels supérieurs au loyer ne suffisent pas s’ils n’effacent pas l’irrégularité structurelle. D’autre part, elle guide les bailleurs sociaux sur la contestation des délais, en mettant l’accent sur la progression de la dette et la projection crédible des revenus.

L’arrêt confirme également le maniement du VII de l’article 24. La suspension de la clause résolutoire suit les délais accordés, mais suppose la condition préalable de reprise intégrale, laquelle faisait ici défaut. La cour en tire la conséquence attendue, en précisant qu’il y a lieu d’ajouter au dispositif le rejet des demandes de délais et de suspension. En ce sens, la formule “il ne peut être fait droit à la demande de délais de paiement” résonne comme un rappel méthodique des filtres posés par la loi, de nature à stabiliser la pratique contentieuse à court terme.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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