Cour d’appel de Saint – Denis, le 25 juillet 2025, n°23/01610

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La Cour d’appel de Saint-Denis, le 25 juillet 2025, statue sur un bail d’habitation conclu en 2017, rapidement affecté par des désordres majeurs. Le preneur, après signalements restés sans effet utile, a saisi les autorités compétentes, lesquelles ont relevé en 2021 un état d’insalubrité et une non-décence caractérisés. Un jugement de 2023 a refusé la nullité et la résolution mais a prononcé la résiliation à compter de sa date, avec une modeste indemnisation du preneur. En cause d’appel, le preneur sollicite la nullité pour dol ou contenu illicite, à tout le moins la résolution, avec restitution des loyers sur la période litigieuse. Les ayants droit du bailleur concluent au rejet et demandent l’expulsion. La question est double, touchant d’abord la validité originaire du bail, puis l’inexécution en cours d’exécution et ses effets, notamment quant à la restitution des loyers et à l’expulsion. La cour confirme le refus de nullité, accueille la résolution judiciaire pour inexécution grave, en fixe l’effet à la signification de l’arrêt, ordonne l’expulsion et rejette la restitution des loyers antérieurs.

I. Le sens de la décision

A. Le rejet de la nullité pour dol au regard de la charge de la preuve

La cour rappelle le cadre légal du dol en retenant, conformément au texte, que « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. » Elle souligne la charge probatoire pesant sur le demandeur à la nullité, spécialement faute d’éléments concomitants à la conclusion du bail, en l’absence d’état des lieux d’entrée. Les éléments produits, tous postérieurs, ne démontrent ni manœuvres ni réticence dolosive au jour de la conclusion. La cour tranche nettement que « Le jugement querellé doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande de nullité pour dol du contrat de bail litigieux. » Le contrôle se concentre ainsi sur l’instant de formation et sur la preuve d’un vice du consentement, strictement exigée.

La cour écarte également la nullité pour contenu illicite, faute d’établir une indécence originaire en 2017, les constats sérieux n’étant intervenus qu’en 2021. Elle rappelle l’économie de l’article 1178 du code civil, en rappelant que « Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé. » Or une telle sanction, particulièrement radicale, suppose la preuve d’un vice affectant la validité lors de la formation, non la révélation d’un état dégradé survenu ou constaté plus tard. En creux, la voie de l’inexécution apparaît plus pertinente, dès lors que l’atteinte à la décence et à la salubrité se manifeste en cours d’exécution.

B. L’absence d’illicéité originaire et la portée des constats postérieurs

La décision distingue clairement le temps de la formation de celui de l’exécution. Les classements d’urbanisme et les constats d’insalubrité, intervenus postérieurement, ne suffisent pas à renverser l’examen de validité initiale. La cour marque que l’indécence, si elle est avérée au vu de rapports circonstanciés, concerne l’exécution de l’obligation de délivrance et d’entretien, non la validité du consentement initial faute de preuve. La méthode est prudente et conforme au droit positif, car la sanction de nullité ne saurait suppléer une carence probatoire sur la date de formation. Ainsi, la voie adéquate devient la résolution pour inexécution, calibrée sur l’intensité et la durée des manquements constatés en 2021 et suivants.

II. La valeur et la portée

A. L’inexécution grave, la résolution judiciaire et la fixation de ses effets

La cour rappelle d’abord l’arsenal de l’inexécution en citant l’article 1217, selon lequel « Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. » Elle articule ensuite la loi du 6 juillet 1989 et l’article 1721 du code civil, pour affirmer que « Ainsi, le bailleur doit être considéré comme le garant des vices affectant le bien loué à l’égard du locataire. » Les pièces versées caractérisent une atteinte grave et prolongée à la salubrité et à la décence, ainsi qu’un manquement à l’obligation de délivrance et d’entretien. La cour accueille donc la résolution judiciaire du bail pour inexécution suffisamment grave, tout en ajustant sa temporalité. Elle motive enfin avec précision que « Il convient de fixer à la date de la signification du présent arrêt la date de la résolution judiciaire du bail aux torts du bailleur ou de ses ayants droit. » Cette fixation tient compte du maintien dans les lieux et de l’économie des restitutions invoquées.

Cette solution d’équilibre reconnaît la gravité des manquements, tout en préservant la sécurité juridique liée à l’occupation prolongée. Le refus d’antérioriser la résolution à une date passée évite une requalification rétroactive trop massive des loyers en restitution, dans un contexte de jouissance effective, bien que diminuée. La décision s’inscrit ainsi dans une logique de proportion et de maîtrise des effets, plutôt que dans une sanction rétroactive aux conséquences excessives.

B. Les conséquences pratiques: expulsion, loyers et frais

La cour statue ensuite sur l’issue possessive et financière. Dès lors que le contrat est résolu, l’occupant devient sans droit ni titre; la juridiction retient en conséquence que « La demande d’expulsion est donc bien fondée et il y sera fait droit sans qu’il soit nécessaire d’autoriser le recours à la force publique actuellement. » L’expulsion est ordonnée, avec un calibrage mesuré quant aux modalités d’exécution. La restitution des loyers antérieurs est rejetée, la cour jugeant qu’il n’existe aucun motif pour restituer des sommes payées au titre d’une jouissance maintenue jusqu’à la fin de 2021. Les modestes indemnités allouées en première instance au titre des troubles de jouissance et du préjudice moral sont confirmées, faute d’appel incident sur ces montants, la décision retenant l’état d’insalubrité et l’indécence sans ouvrir plus avant le volet indemnitaire.

La répartition des frais suit la solution de fond, conforme au droit commun des dépens et des frais irrépétibles. L’arrêt apporte une clarification utile en matière de baux d’habitation, en distinguant finement la nullité, strictement cantonnée à la formation, et la résolution, ajustée aux inexécutions graves et durables. Il consacre une réponse proportionnée aux déficiences structurelles d’un logement devenu indécent, en conciliant protection du preneur et stabilité des effets financiers d’une occupation prolongée.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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