Cour d’appel de Nîmes, le 10 juillet 2025, n°24/01322

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La Cour d’appel de Nîmes, 1re chambre, 10 juillet 2025, statue sur l’appel d’un jugement du tribunal judiciaire de Privas du 30 novembre 2023 relatif à la garantie des vices cachés à propos d’un tracteur d’occasion. L’acquéreur avait subi des pannes répétées de démarreur, entraînant immobilisation et investigations techniques. Une expertise judiciaire a révélé un mauvais montage de la transmission, antérieur à la vente et imputable au vendeur professionnel. En première instance, diverses condamnations indemnitaires ont été prononcées. En appel, la juridiction confirme la qualification de vice caché, réduit la restitution du prix, confirme les réparations et le préjudice de jouissance, déclare irrecevable la demande de gardiennage et rejette l’achat de remplacement faute de preuve.

La question posée tient d’abord à la recevabilité d’une action en garantie lorsque le défaut a été techniquement corrigé avant l’assignation au fond. Elle porte ensuite sur la caractérisation du vice caché imputable au vendeur professionnel, sur l’étendue de l’action estimatoire, sur la prise en compte de la durée de l’expertise dans l’évaluation du préjudice de jouissance, ainsi que sur l’irrecevabilité d’une prétention nouvelle en appel. La cour énonce que « la circonstance selon laquelle le vice aurait été réparé avant l’assignation au fond est sans effet sur la recevabilité de l’action », retient l’antériorité et le caractère caché du défaut, applique une restitution de 25 % du prix, confirme l’indemnisation de jouissance chiffrée à 300 euros par mois sur la période d’immobilisation, déclare « irrecevable » la demande de gardiennage et écarte l’achat de remplacement non justifié.

I. Les conditions de la garantie des vices cachés appliquées au fait générateur technique

A. Antériorité et occultation du défaut, malgré une correction ultérieure limitée
La cour rappelle la finalité de l’article 1641 du code civil en soulignant l’ouverture de l’action dès la vente, indépendamment d’une réparation intervenue avant l’assignation. Elle affirme ainsi que « la circonstance selon laquelle le vice aurait été réparé avant l’assignation au fond est sans effet sur la recevabilité de l’action, ouverte dès la conclusion de la vente ». Cette précision distingue nettement la condition d’antériorité du vice de son éventuelle disparition matérielle, et concentre le contrôle sur l’existence, au jour de la vente, d’un défaut rendant la chose impropre à sa destination.

L’expertise judiciaire établit une cause unique et antérieure des désordres, due à un « mauvais montage de la transmission […] le disque amortisseur de transmission ayant été monté à l’envers », le tout non apparent lors de l’acquisition, puisque « il a été nécessaire de procéder au désassemblage du tracteur pour les découvrir ». La cour souligne le lien causal précis entre ce montage fautif et la casse répétée du démarreur, puis l’impossibilité d’utilisation normale. Le caractère caché s’apprécie objectivement, sans exiger d’investigations lourdes de l’acheteur au moment de la vente.

B. Impropriété à la destination et imputabilité au vendeur professionnel
La juridiction retient que le tracteur « présentait une résistance à l’avancement et ne pouvait plus démarrer », ce qui caractérise l’impropriété à la destination. Elle ajoute que l’erreur de montage « constitue une malfaçon constitutive d’un vice caché », quel que soit l’état ultérieur du bien après l’intervention de l’expert. Le dispositif correctif a permis un usage normal, mais cette circonstance n’efface ni la qualification juridique du vice, ni le droit aux remèdes.

Le vendeur est professionnel et a, selon la cour, procédé lui-même à l’intervention fautive avant la vente. L’article 1645 fonde alors la responsabilité aggravée du vendeur connaisseur du vice. La clause d’exclusion de garantie ne reçoit aucun effet libératoire face à une malfaçon antérieure imputable au professionnel. La solution s’inscrit dans la jurisprudence qui neutralise les stipulations exonératoires lorsque la cause du vice réside dans une intervention du vendeur lui-même.

II. L’économie des remèdes: action estimatoire, préjudices prouvés et discipline procédurale

A. L’action estimatoire et la restitution proportionnée du prix
La cour rappelle que l’article 1644 impose, en cas de conservation de la chose, une restitution partielle du prix à hauteur de la dépréciation réelle. Elle rejette toute assimilation à un remboursement des réparations, et vise l’objectif de « ramener le prix du bien à la valeur à laquelle il l’aurait effectivement acquis s’il n’avait pas été vicié ». Appliquant ce principe, elle juge que « la restitution de la moitié du prix d’acquisition est excessive et seul un pourcentage de 25 % y sera appliqué ».

Le taux retenu repose sur une appréciation concrète: le vice a gravement entravé l’usage, mais une remise en conformité a rétabli le fonctionnement. La proportion de 25 % évite un enrichissement injustifié de l’acquéreur, tout en sanctionnant la dépréciation née du défaut antérieur. Cette modulation illustre la fonction exacte de l’action estimatoire, distincte des postes indemnitaires autonomes.

B. Les chefs indemnitaires autonomes et les irrecevabilités en appel
Sur le préjudice de jouissance, la cour s’aligne sur l’expert et retient que « la durée des opérations d’expertise doit donc être prise en compte dans son évaluation ». Elle valide le chiffrage de 300 euros par mois sur la période d’immobilisation, en relevant la succession d’opérations nécessaires à l’identification du vice et à la démonstration de sa cause. L’évaluation respecte le principe de réparation intégrale, sans redondance avec la restitution du prix.

Les coûts de réparation, le remplacement du premier démarreur et la cotisation d’assurance sont confirmés, l’appel n’ayant pas été assorti de moyens pertinents au sens de l’article 954 ancien du code de procédure civile. À l’inverse, la demande de gardiennage est « déclarée irrecevable » comme prétention nouvelle en appel au regard de l’article 564. Enfin, l’achat d’un tracteur de remplacement est écarté, l’unique document produit étant lacunaire, ce qui ne satisfait pas à l’article 9 du code de procédure civile. Les dépens et frais irrépétibles suivent la succombance, l’équité justifiant l’allocation d’une somme au titre de l’article 700.

Par cet arrêt, la Cour d’appel de Nîmes soutient une lecture ferme et mesurée de la garantie des vices cachés. Elle combine une qualification rigoureuse du vice imputable au vendeur professionnel et un ordonnancement précis des remèdes, proportionnés et strictement encadrés par les règles de preuve et de procédure.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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