Cour d’appel de Colmar, le 16 juin 2025, n°24/02891

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Rendue par la Cour d’appel de Colmar, troisième chambre civile, le 16 juin 2025, la décision tranche un litige né d’une vente conclue hors établissement portant sur une installation photovoltaïque financée par un crédit affecté. Après un premier jugement ayant refusé la nullité des contrats tout en prononçant une déchéance partielle des intérêts, les consommateurs ont interjeté appel. Le débat portait sur l’insuffisance des informations précontractuelles essentielles, l’indétermination des délais d’exécution, les effets d’une éventuelle confirmation et, corrélativement, sur l’annulation de plein droit du crédit affecté et la responsabilité du prêteur lors du déblocage des fonds.

Les juges du fond infirment la solution initiale et retiennent la nullité du contrat principal, faute d’identification précise des biens et d’un délai d’installation utile. Ils jugent ensuite l’annulation de plein droit du crédit affecté, et condamnent l’établissement prêteur à restituer l’ensemble des sommes perçues au titre du capital, intérêts et frais, en présence d’une faute au déblocage. La demande de réparation d’un préjudice moral est rejetée. L’arrêt énonce d’abord que « Conclu le 12 avril 2018, le contrat litigieux est régi par les dispositions des articles L. 111-1 et suivants et L 221-5 et suivants du code de la consommation. » Il précise, s’agissant du délai, que « Ce délai, qui n’a pas été spécifiquement défini, est manifestement trop vague pour être de nature à renseigner utilement le consommateur sur la date d’exécution finale du contrat qui correspond à la mise en fonctionnement de l’installation. » Enfin, il conclut que « Au regard de l’imprécision du bon de commande quant à la description des produits et à l’absence de délai de livraison et d’installation, la nullité du contrat est encourue. »

I. Le sens de la solution d’annulation

A. L’exigence d’informations substantielles en contrat hors établissement
Le raisonnement s’ancre fermement dans l’économie des articles L. 111-1 et L. 221-5 du code de la consommation, dont la fonction est de garantir un consentement éclairé. L’arrêt rappelle que « Conclu le 12 avril 2018, le contrat litigieux est régi par les dispositions des articles L. 111-1 et suivants et L 221-5 et suivants du code de la consommation. » La Cour constate l’absence d’identification suffisante des équipements et l’indétermination d’une date d’exécution, éléments qui conditionnent la décision d’acheter dans ce contexte.

La motivation met l’accent sur l’utilité concrète de l’information, non sur une formalité abstraite. Elle relève que la clause type « à définir entre 2 et 8 semaines » ne répond pas à l’exigence de clarté, précisant que « Ce délai, qui n’a pas été spécifiquement défini, est manifestement trop vague ». Cette appréciation concrète guette l’effectivité du droit et conforte la sanction de nullité relative attachée à la méconnaissance des prescriptions légales.

B. La confirmation écartée par défaut de connaissance et d’intention
La Cour refuse d’y voir confirmation par l’exécution, tenant une ligne constante en matière de nullité relative. Elle énonce que « Il est de droit constant que la nullité qui découle de l’irrégularité formelle du contrat au regard des dispositions régissant les contrats conclus hors établissement est une nullité relative et que cette nullité ne peut affecter la validité d’un contrat qui, ensuite, a été volontairement exécuté. » Le rappel du régime de l’article 1182 du code civil est net et opératoire.

Le standard probatoire est explicité sans équivoque : « Il résulte de l’article 1182 du code civil que la confirmation d’un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l’affectant et l’intention de le réparer. » Aucune connaissance utile du vice n’étant démontrée, l’intention de renoncer ne peut être inférée d’une exécution matérielle. La solution conforte la protection du consentement et réfrène toute assimilation hâtive entre jouissance temporaire et renonciation juridique.

II. La portée sur les restitutions et le crédit affecté

A. Les restitutions et la charge des frais consécutifs à l’annulation
L’arrêt rappelle le principe cardinal des effets rétroactifs de l’annulation, conformément au code civil. La Cour cite le texte de référence : « Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé. » Elle en déduit des restitutions réciproques, ainsi que l’obligation de reprise de l’installation, avec la charge des frais techniques de dépose et de remise en état, imputée au vendeur en liquidation.

Ce choix de répartition épouse la logique causale de l’induction du coût par l’annulation. Il évite de faire peser sur les consommateurs un fardeau économique indu, lié à la configuration intégrée des panneaux. La solution concilie l’effectivité des restitutions avec la conservation de l’immeuble, à un coût rationnellement mis à la charge de la partie à l’origine de l’opération.

B. L’annulation de plein droit du crédit affecté et la faute du prêteur
Sur le crédit affecté, la Cour applique le mécanisme légal d’interdépendance. Elle rappelle, en des termes généraux, que « Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. » Le visa de l’article L. 312-55 du code de la consommation soutient une articulation cohérente entre vente annulée et financement privé d’objet.

La Cour précise ensuite la grille d’imputation des restitutions lorsque le prêteur a fautivement débloqué les fonds. Elle énonce que « En cas de résolution ou d’annulation d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu’il finance, la faute du prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, ne dispense l’emprunteur de restituer le capital emprunté que si celui-ci justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute. » La liquidation du vendeur empêchant toute récupération du prix, le préjudice est direct et caractérisé, justifiant la restitution par le prêteur des sommes perçues.

La solution allie rigueur textuelle et finalité protectrice. Elle insiste sur le devoir de contrôle formel préalable du prêteur lors du décaissage, sans étendre indûment son office au-delà des vérifications exigibles. Elle offre, en pratique, une allocation efficiente du risque d’insolvabilité du vendeur lorsque le financement a été libéré au mépris d’irrégularités manifestes.

Sens, valeur, portée. L’arrêt fournit une mise en œuvre pédagogique des exigences d’information précontractuelle et des délais d’exécution, désormais appréhendés au prisme de l’utilité réelle pour le consommateur. Il clarifie le régime probatoire de la confirmation des nullités relatives, en excluant toute renonciation tacite non éclairée. Il consolide l’interdépendance des contrats de vente et de crédit affecté, en articulant la sanction de nullité avec un régime de restitutions adapté aux situations de défaillance du vendeur. L’équilibre atteint est convaincant, car il responsabilise le prêteur dans sa sphère, protège utilement le consommateur et n’altère pas la sécurité des opérations financées dès lors que les contrôles formels requis sont respectés.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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