Cour d’appel de Basse-Terre, le 24 juillet 2025, n°24/00625

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Rendue par la Cour d’appel de Basse-Terre le 24 juillet 2025, l’arrêt infirme une ordonnance de référé du 3 mai 2024. Le litige porte sur la sollicitation d’une expertise in futurum relative à une servitude de passage, ainsi qu’une demande de provision. La juridiction d’appel précise le cadre de l’article 145 du code de procédure civile, rectifie l’office du juge des référés et encadre strictement la mission confiée à l’expert.

Les faits tiennent à des travaux entrepris sur des parcelles contiguës à un fonds prétendument dominant, les appelants alléguant une réduction de l’assiette de la servitude. En référé, une expertise avait été sollicitée pour établir, avant tout procès, la réalité des atteintes et éclairer la responsabilité. Le premier juge a dit n’y avoir lieu à référé, rejetant l’ensemble des demandes, incluant la provision, et allouant des frais irrépétibles.

En appel, les demandeurs au référé ont persisté dans leur requête probatoire, en visant l’article 145 du code de procédure civile. L’intimé a contesté l’existence, l’assiette et la largeur alléguées de la servitude, tout en proposant subsidiairement une mission restreinte et une charge des frais d’expertise à l’adversaire. La clôture est intervenue et l’affaire a été retenue à bref délai.

La question tranchée est double. D’une part, la juridiction devait déterminer s’il existait un motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction avant tout procès, et dans quelles limites. D’autre part, elle devait apprécier si une provision pouvait être accordée sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, à défaut d’une obligation non sérieusement contestable. La solution reconnaît le motif légitime, ordonne une expertise circonscrite, refuse la provision et répartit les dépens par moitié.

I. Le rétablissement du référé probatoire dans son cadre normatif

A. Le rappel de l’office du juge et du motif légitime

La cour replace d’abord le débat dans la lettre de l’article 145. Elle cite expressément que « En application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées. » Elle ajoute, dans le sillage de l’article 146, que « L’article 146 précise qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. »

Ce rappel sert une critique ferme de la motivation de première instance. La cour relève que « le juge des référés saisi d’une demande d’expertise […] n’a pas explicitement répondu à cette demande d’expertise mais a considéré in fine que les demandes se heurtaient à une contestation sérieuse, comme s’il lui avait été demandé d’ordonner une mesure en urgence. » En réaffirmant la finalité probatoire autonome du référé, la décision évite l’importation inappropriée du critère de la contestation sérieuse au stade de l’article 145.

B. La caractérisation du motif légitime et la délimitation de la mission

La juridiction d’appel retient l’existence d’éléments objectifs justifiant une mesure. Les pièces attestent de travaux récents et de l’existence d’une servitude grevant ou bénéficiant à des parcelles identifiées, de sorte qu’une vérification technique préalable s’impose. Ce constat débouche sur la solution suivante, nettement formulée : « Il y a lieu d’ordonner une expertise mais dans les termes fixés au dispositif. »

La cour censure toute dérive vers une expertise-jugement. Elle rappelle un principe méthodologique utile, en indiquant que « l’expert peut seulement évaluer un dommage et donner un avis sur le préjudice allégué. » Elle exclut, au même titre, les investigations étrangères à l’espèce, en limitant l’examen à l’assiette et à la praticabilité de la servitude sur les seules parcelles concernées. La mission se concentre sur la localisation, les atteintes éventuelles, les coûts de remise en état, et des avis techniques sur la régularité urbanistique.

II. La provision refusée et les enseignements pratiques

A. L’exigence probatoire de l’article 835 et l’absence d’obligation non contestable

La cour articule le régime du référé probatoire avec celui de la provision. Elle rappelle que « Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » Elle mentionne aussitôt l’autre volet du texte, à propos de la provision : « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier. »

L’application concrète demeure stricte. Les demandeurs entendent d’abord établir les atteintes à la servitude et leur imputabilité par une mesure d’instruction préalable. En l’état, aucune obligation d’indemniser n’apparaît non sérieusement contestable. La provision est donc logiquement écartée, conformément au critère textuel et à l’économie du référé probatoire.

B. Les conséquences procédurales: mission, consignation et dépens

La portée de l’arrêt est opérationnelle. L’expertise est confiée à un technicien inscrit, avec consignation préalable et délai de dépôt de six mois, afin de circonscrire le temps et le coût de la mesure. Les opérations se déroulent sur la plate-forme dédiée, les observations contradictoires étant recueillies et visées dans le rapport, conformément aux prescriptions procédurales rappelées.

La répartition des frais traduit une équité de résultat. La décision fait masse des dépens de première instance et d’appel et les répartit par moitié. Aucune indemnité n’est allouée au titre de l’article 700, ce qui renforce la neutralité d’un arrêt axé sur l’administration de la preuve. L’ensemble confirme une ligne directrice claire, conciliant accès à la preuve utile et maîtrise du procès.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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