Par un arrêt rendu le 31 décembre 2024, la Cour administrative d’appel de Toulouse se prononce sur la légalité d’un permis d’aménager contesté par un voisin.
Une société a obtenu, le 5 mai 2022, une autorisation pour créer un lotissement de sept lots sur le territoire d’une commune du Vaucluse. Le propriétaire d’une parcelle voisine a formé un recours gracieux, puis une requête en annulation devant le tribunal administratif de Nîmes. Les premiers juges ont rejeté sa demande le 28 novembre 2023, ce qui a conduit l’intéressé à interjeter appel devant la juridiction supérieure. L’appelant soutient que l’auteur de l’acte était incompétent et que le dossier de demande demeurait insuffisant au regard des exigences du code de l’urbanisme. Il invoque également la méconnaissance des règles de distance entre les constructions, ainsi que des problèmes d’accès et de desserte par les réseaux publics. La question posée à la Cour est de savoir si l’absence de transmission de la délégation de signature suffit à annuler définitivement l’autorisation d’urbanisme. Les juges décident de surseoir à statuer afin de permettre une régularisation de ce vice de forme par l’autorité municipale compétente.
I. L’irrégularité formelle liée à l’absence de caractère exécutoire de la délégation
A. La sanction de l’incompétence de l’auteur de l’acte
L’exercice des compétences municipales en matière d’urbanisme repose sur une délégation de fonctions qui doit respecter des conditions de publicité et de transmission strictes. En l’espèce, le permis d’aménager a été signé par un adjoint au maire dont la délégation n’avait pas été transmise au représentant de l’État. La Cour rappelle que les actes pris par les autorités communales sont exécutoires dès leur transmission au préfet, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales. Les juges constatent que « l’arrêté en cause ne comporte pas la mention de sa transmission » et que la commune ne produit aucun commencement de preuve. Cette omission prive l’acte de son caractère exécutoire à la date de signature de l’autorisation d’urbanisme contestée par le requérant voisin. Par conséquent, « le permis a été pris par un auteur incompétent », ce qui entache la légalité externe de la décision administrative initiale.
B. L’incidence procédurale de l’absence de défense de l’administration
Le litige se caractérise par le silence prolongé de la commune et de la société bénéficiaire malgré les mises en demeure adressées par la juridiction. L’article R. 612-6 du code de justice administrative prévoit que la partie défenderesse est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête d’appel. Cette présomption simplifie l’établissement de la matérialité des faits sans pour autant dispenser le juge administratif de vérifier la réalité du dossier produit. La Cour précise toutefois que l’acquiescement est « sans conséquence sur leur qualification juridique au regard des textes » sur lesquels repose l’autorisation de lotir. Le juge conserve la maîtrise de l’application du droit et doit s’assurer qu’aucune règle d’ordre public ne fait obstacle à la solution envisagée. Cette rigueur garantit que le silence d’une partie ne puisse pas conduire à une annulation automatique sans un examen juridique approfondi du dossier.
II. La validation des dispositions d’urbanisme et la possibilité de régularisation
A. La conformité du projet aux règles de fond du plan local d’urbanisme
L’examen de la légalité interne conduit la Cour à écarter l’ensemble des griefs relatifs à la méconnaissance du règlement du plan local d’urbanisme. L’appelant critiquait l’implantation des constructions ainsi que les conditions d’accès pour un lot spécifique séparé du reste du projet par un rocher. Les juges considèrent que « le règlement du lotissement projeté permettra d’assurer par lui-même le respect » des distances minimales prescrites entre les futurs bâtiments. Le projet architectural et paysager est jugé suffisant car il contient les informations nécessaires pour apprécier l’insertion du lotissement dans son environnement naturel. Concernant la défense contre l’incendie, la Cour relève qu’un dispositif d’alimentation en eau est prévu via une servitude spécifique longeant la partie rocheuse. L’absence de violation des règles de fond renforce la présomption de validité du projet d’aménagement malgré le vice de compétence relevé précédemment.
B. L’application du mécanisme de régularisation en cours d’instance
L’identification d’un vice de compétence n’entraîne plus nécessairement l’annulation immédiate de l’autorisation d’urbanisme grâce aux dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. Le juge administratif peut surseoir à statuer lorsqu’il estime que l’illégalité constatée est susceptible d’être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif. Cette faculté vise à stabiliser les situations juridiques et à éviter la destruction de projets conformes aux règles d’occupation des sols en vigueur. La Cour administrative d’appel de Toulouse invite ainsi la commune à remédier à l’incompétence du signataire dans un délai de deux mois. La décision de sursis suspend l’instance sans trancher définitivement le sort de la requête, sous réserve de la production d’une mesure de régularisation. Ce mécanisme illustre la volonté du juge de privilégier la poursuite des opérations d’urbanisme lorsque les erreurs commises sont purement formelles ou procédurales.