Cour d’appel administrative de Paris, le 2 avril 2025, n°24PA03209

La cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 2 avril 2025, précise les conditions de régularité de la procédure de rectification des contributions sociales. Le litige trouve son origine dans la cession d’un bien immobilier parisien réalisée le 30 décembre 2015 par un couple résidant alors en Belgique. Suite au décès de l’époux en 2017, l’administration fiscale notifie à la veuve une proposition de rectification portant sur l’intégralité de la plus-value immobilière. Le tribunal administratif de Paris prononce la décharge partielle des impositions le 14 juin 2021, limitant cette mesure à la quote-part personnelle de la requérante. Après une cassation prononcée par le Conseil d’État le 16 juillet 2024, l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel pour statuer sur la part du défunt. La juridiction doit déterminer si l’administration peut valablement notifier une rectification à un seul ayant droit pour des contributions sociales régies par des règles spécifiques. Les juges considèrent que l’absence de renvoi explicite aux règles de l’impôt sur le revenu interdit l’application du principe de l’imposition commune des époux. La procédure est jugée irrégulière car la proposition de rectification n’indique pas la qualité d’ayant droit de la destinataire pour le compte de la succession. Il convient d’analyser l’affirmation de l’autonomie procédurale des prélèvements sociaux (I) avant d’apprécier la portée de cette solution protectrice pour les cohéritiers (II).

I. L’irrégularité procédurale tirée de l’absence d’imposition commune des contributions sociales

A. L’autonomie des contributions sociales par rapport à l’impôt sur le revenu

L’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale dispose que la contribution sociale sur les plus-values est recouvrée selon les règles du prélèvement spécifique. La cour administrative d’appel de Paris relève que le législateur n’a pas étendu à ces prélèvements le principe de l’imposition commune prévu par le code général. En l’espèce, les contributions sont « assises, contrôlées et recouvrées selon les mêmes règles » que le prélèvement mentionné à l’article 244 bis A du même code. Cette règle interdit à l’administration de traiter les époux comme un foyer fiscal unique pour l’établissement des contributions sociales dues sur une plus-value immobilière. Par suite, la notification de la proposition de rectification à la seule épouse pour la part de son conjoint défunt constitue une méconnaissance des règles d’assiette. La dualité des régimes juridiques entre l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux impose ainsi une distinction stricte des redevables lors de la phase contradictoire.

B. L’inopposabilité des règles de notification aux ayants droit

L’administration fiscale invoquait l’article 204 du code général des impôts permettant de notifier valablement une proposition de rectification à l’un quelconque des ayants droit du défunt. La juridiction administrative rejette cette argumentation en soulignant que le législateur n’a pas rendu ces dispositions applicables aux contributions sociales en litige dans la présente affaire. L’arrêt précise que l’administration ne pouvait se borner à notifier le document à la veuve sans mentionner sa qualité de personne notifiée pour le compte de la succession. Le non-respect de ce formalisme prive la contribuable d’une information essentielle sur l’étendue de ses obligations fiscales et sur la nature de la procédure suivie. Cette décision confirme que les dérogations procédurales admises en matière d’impôt sur le revenu ne peuvent être étendues par analogie aux prélèvements de nature sociale.

II. La protection rigoureuse du contribuable face au recouvrement de la dette d’autrui

A. La sanction nécessaire d’un formalisme protecteur des héritiers

La solution retenue souligne l’importance du respect des garanties individuelles lors de la mise en œuvre d’une procédure de rectification touchant une succession déjà ouverte. Les juges sanctionnent l’imprécision de la proposition de rectification qui ne permettait pas d’identifier clairement le débiteur légal des cotisations supplémentaires de contributions sociales réclamées. L’irrégularité relevée par la cour entraîne la décharge des impositions restant en litige sans qu’il soit besoin pour la requérante d’apporter la preuve d’un grief. Cette rigueur formelle protège les héritiers contre les tentatives de recouvrement globalisé qui feraient fi de la division des dettes successorales entre les différents cohéritiers. La cour administrative d’appel de Paris garantit ainsi une application stricte de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales dans le domaine des prélèvements sociaux.

B. Les perspectives d’un régime juridique morcelé pour les prélèvements sociaux

Cette décision consacre une divergence notable entre les règles de fond de l’impôt sur le revenu et les modalités de contrôle des contributions sociales sur capital. L’administration fiscale devra désormais identifier précisément chaque héritier ou mentionner explicitement la qualité de mandataire pour régulariser les impositions dues par une succession immobilière. Cette complexification des tâches de contrôle pourrait inciter le législateur à harmoniser les procédures de notification pour éviter des décharges fondées sur des erreurs purement formelles. La portée de l’arrêt invite également à une vigilance accrue des praticiens lors de la réception d’actes administratifs adressés à un conjoint survivant sans distinction juridique. Enfin, la solution renforce l’autonomie du droit des contributions sociales dont le régime procédural s’écarte progressivement du droit commun de l’imposition directe des revenus.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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