Cour d’appel administrative de Paris, le 14 mars 2025, n°23PA01085

Par un arrêt rendu le quatorze mars deux mille vingt-cinq, la Cour administrative d’appel de Paris se prononce sur la légalité d’une décision de préemption.

Un établissement public foncier a exercé son droit sur une parcelle bâtie afin de réaliser des logements sociaux dans un secteur urbain dense.

Le tribunal administratif de Melun a annulé cet acte le trente et un janvier deux mille vingt-trois et a enjoint la rétrocession du bien.

L’établissement public a alors relevé appel de ce jugement en soutenant que la réalité de son projet d’aménagement était suffisamment établie par ses études.

La juridiction doit déterminer si la présentation d’une étude de faisabilité globale suffit à justifier l’acquisition forcée d’une parcelle individuelle spécifique.

L’étude de la décision révèle d’abord l’importance de la formalisation du projet avant d’examiner l’exigence de certitude pesant sur l’exécution de l’opération urbaine.

I. La formalisation nécessaire d’un projet d’aménagement au moment de la préemption

A. La validité de la motivation par renvoi aux documents de planification

Le juge administratif rappelle que la décision de préemption doit mentionner l’objet de l’opération d’aménagement poursuivie au moment de sa signature.

Les collectivités « justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement » conformément au code.

La motivation peut s’effectuer par référence à un programme local de l’habitat si ce renvoi permet d’identifier précisément la nature de l’action prévue.

Cette souplesse permet aux autorités publiques de définir les contours exacts de l’opération après l’exercice du droit de préemption sur le terrain concerné.

B. L’appréciation de la réalité du projet au regard des caractéristiques du bien

L’établissement public invoquait une stratégie foncière globale visant la construction de cinquante-deux logements dont une part significative de logements à caractère social.

Cette volonté s’inscrivait dans une convention d’intervention foncière étendue à l’ensemble du territoire communal pour répondre aux besoins locaux en matière d’habitat.

La parcelle préemptée ne se situait cependant pas dans un secteur spécifiquement identifié par le programme initial comme devant faire l’objet d’une mutation.

Le juge souligne l’importance d’une analyse préalable permettant de rattacher l’acquisition à une opération d’aménagement concrète et déjà sérieusement envisagée par la collectivité.

La réalité d’une intention politique ne suffit pas sans une démonstration technique de sa faisabilité effective dans le temps.

II. L’exigence de certitude quant à l’exécution effective de l’opération urbaine

A. Le caractère incertain de la réalisation de l’îlot dans un délai raisonnable

L’exigence de certitude constitue le second pilier du contrôle juridictionnel afin d’éviter que la préemption ne serve à constituer des réserves foncières perpétuelles.

L’établissement public produisait une étude de faisabilité portant sur un îlot composé de huit parcelles distinctes pour démontrer le sérieux de son intention.

Pourtant, seule une autre parcelle de cet ensemble avait été acquise par la personne publique deux ans après la décision de préemption initiale.

La Cour administrative d’appel de Paris estime que l’administration « ne peut toutefois être regardée comme justifiant de la réalité du projet envisagé ».

L’insuffisance des acquisitions foncières réalisées sur l’îlot concerné rend la concrétisation de l’immeuble projeté trop incertaine aux yeux des magistrats de l’appel.

B. La confirmation de l’injonction de rétrocession au profit des acquéreurs évincés

La solution retenue impose que le projet d’aménagement soit réalisable « de manière certaine et dans un délai raisonnable » pour valider la préemption.

L’annulation de l’acte entraîne l’obligation pour le titulaire du droit de proposer le bien aux acquéreurs évincés selon les prix du marché actuel.

Cette protection juridictionnelle garantit le respect du droit de propriété face à des intentions administratives dont le calendrier de réalisation reste trop flou.

La décision confirme ainsi la rigueur du contrôle exercé sur le détournement possible de l’outil de préemption vers une simple réserve foncière injustifiée.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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