Cour d’appel administrative de Nantes, le 11 juillet 2025, n°22NT01664

La cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 11 juillet 2025, une décision précisant les conséquences de l’échec d’une procédure de régularisation d’urbanisme. Un maire avait accordé un permis de construire pour une maison individuelle en février 2018, puis une autorisation modificative en décembre 2019. Les propriétaires de la parcelle voisine ont obtenu l’annulation de ces deux arrêtés devant le tribunal administratif de Caen par un jugement de mars 2022. Saisie de l’appel, la juridiction de second degré a identifié deux vices de fond relatifs à l’implantation du bâtiment et à la plantation d’arbres. Elle a ordonné un sursis à statuer de six mois afin de permettre au pétitionnaire de notifier une mesure rectifiant ces irrégularités administratives. Le litige porte sur l’issue de l’instance lorsque le délai de régularisation s’est écoulé sans qu’aucune modification du projet ne soit transmise aux magistrats. La cour constate l’absence de mesure corrective et prononce l’annulation définitive des permis de construire litigieux en confirmant la position des premiers juges. Cette solution impose d’étudier le fonctionnement du sursis à statuer avant d’apprécier la rigueur de la sanction consécutive à l’inaction du bénéficiaire de l’acte.

I. Le mécanisme de régularisation judiciaire confronté à l’inertie des parties

A. Le sursis à statuer fondé sur l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme

Le juge administratif dispose du pouvoir de suspendre sa décision lorsqu’un vice entachant un permis de construire paraît susceptible d’être régularisé par une mesure. En l’espèce, la cour a relevé que le projet méconnaissait les règles d’implantation ainsi que l’obligation de planter des végétaux à grand développement sur le terrain. Les magistrats ont souligné que le bâtiment « n’est implanté ni à l’alignement, ni au-delà de la bande des huit mètres à partir de l’alignement » du domaine public. Cette appréciation technique démontre la volonté juridictionnelle de favoriser la stabilité des autorisations d’urbanisme en évitant une annulation immédiate pour des irrégularités potentiellement rectifiables. La mise en œuvre de cette prérogative permet au pétitionnaire de solliciter un permis modificatif afin de mettre sa construction en conformité avec le règlement local.

B. L’exigence de notification d’un acte correctif dans le délai imparti

L’octroi d’un délai pour régulariser l’autorisation est assorti d’une condition stricte de transmission de la nouvelle décision administrative à la juridiction administrative saisie du litige. La cour avait accordé un délai de six mois à la commune et aux héritiers du pétitionnaire pour produire un acte venant corriger les vices identifiés. Cette période de temps est destinée à l’élaboration et à l’instruction d’un permis modificatif répondant précisément aux exigences formulées par le juge dans son arrêt initial. Cependant, la notification doit intervenir avant l’expiration du terme fixé afin de permettre aux magistrats de vérifier que les irrégularités constatées ont effectivement disparu. L’efficacité du dispositif repose exclusivement sur la diligence du bénéficiaire de l’autorisation et sur la coopération active de l’autorité municipale durant cette phase procédurale.

La carence dans cette démarche de mise en conformité transforme la possibilité de régularisation en une cause inéluctable d’annulation de l’autorisation d’urbanisme initialement délivrée.

II. L’aboutissement du contrôle juridictionnel par l’annulation de l’autorisation

A. Le constat de l’absence de mise en conformité du projet

Le juge administratif tire les conclusions juridiques de l’inaction des parties en constatant l’absence de tout élément nouveau versé au dossier durant la période de sursis. Il ressort des pièces de l’instance « qu’aucune mesure de régularisation n’a été notifiée à la cour » malgré le délai significatif qui avait été précédemment accordé. Cette observation factuelle suffit à sceller le sort du permis de construire car la juridiction ne peut pas se substituer au pétitionnaire pour corriger l’acte. L’inertie constatée prive le juge de la possibilité de valider le projet, obligeant ce dernier à statuer définitivement sur la requête en annulation des voisins. La protection de la légalité urbanistique impose ainsi de sanctionner le défaut persistant de conformité d’une construction aux règles impératives du plan local d’urbanisme.

B. La confirmation de l’illégalité des permis initial et modificatif

L’annulation de l’arrêté de 2018 et le rejet de l’appel concernant le permis de 2019 constituent la suite logique du constat de carence de régularisation. La cour administrative d’appel de Nantes juge que les requérants sont désormais « fondés à demander l’annulation de l’arrêté » initial en raison de la persistance des vices. Cette décision rétablit la situation juridique antérieure à la délivrance des autorisations illégales en protégeant les intérêts des tiers victimes des manquements aux règles. Ainsi, la portée de cet arrêt réside dans la réaffirmation du caractère contraignant des délais de régularisation dont le non-respect entraîne la disparition rétroactive du permis. Le bénéficiaire de l’acte supporte alors l’intégralité du risque juridique lié à son refus ou à son impossibilité technique de modifier son projet architectural.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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