Cour d’appel administrative de Marseille, le 24 juillet 2025, n°24MA02358

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 24 juillet 2025, un arrêt relatif à la responsabilité contractuelle d’une personne publique. Une société de transport bénéficiait d’une convention d’occupation du domaine public pour le stationnement de ses autocars sur un site communal. Entre le 21 et le 25 mars 2016, l’accès à cette aire de stationnement a été bloqué par un mouvement de grève. Les grévistes étaient des salariés de la société privée chargée par la commune du gardiennage des bâtiments et des espaces municipaux. S’estimant lésée par l’impossibilité d’exploiter ses véhicules, l’occupante a sollicité l’indemnisation de son préjudice auprès de la collectivité territoriale. Le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande indemnitaire par un jugement en date du 11 juillet 2024. La société requérante soutient en appel que la commune a manqué à son obligation contractuelle de surveillance et de jouissance paisible. Elle reproche également à l’autorité publique une inaction fautive face à l’occupation illicite du terrain par les manifestants. La juridiction d’appel doit déterminer si le blocage d’une dépendance domaniale par les employés d’un prestataire engage la responsabilité de la collectivité. Les juges confirment le rejet de la requête en écartant toute faute imputable à la personne publique dans la gestion du conflit. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’imperméabilité de la responsabilité communale aux agissements du prestataire (I) avant d’examiner l’absence de carence fautive (II).

I. L’imperméabilité de la responsabilité de la personne publique aux agissements du prestataire de services

La juridiction écarte d’abord la garantie pour les actes du tiers (A) avant de préciser l’étendue de l’obligation de surveillance (B).

A. L’exclusion d’une obligation de garantie pour les dommages causés par l’exécution des missions d’un cocontractant tiers

La société appelante invoquait la responsabilité de la commune pour les préjudices résultant des agissements des salariés de l’entreprise de gardiennage. La Cour écarte ce moyen en soulignant que « la commune n’est toutefois pas tenue de réparer les dommages causés par son prestataire ». Cette solution repose sur l’autonomie juridique du contrat de gardiennage par rapport à la convention d’occupation domaniale liant les parties. Les fautes commises par les agents d’une entreprise privée dans l’exécution de leurs missions n’engagent pas directement la collectivité publique. L’occupant du domaine ne peut donc pas se prévaloir d’un manquement contractuel de la commune du seul fait de ces nuisances.

B. L’interprétation rigoureuse de l’obligation de surveillance limitée à la protection préventive des biens mis à disposition

La convention prévoyait que la ville assurait « la surveillance du site, via la société de gardiennage des bâtiments municipaux » durant l’occupation. La requérante prétendait que l’impossibilité d’accéder à l’aire de stationnement caractérisait une violation de cette stipulation contractuelle spécifique. Les juges estiment pourtant que les dommages invoqués « ne sont pas liés à un défaut de surveillance du site mais à un mouvement de grève ». Cette distinction fondamentale limite l’objet de la surveillance à la protection des biens plutôt qu’au maintien de la libre circulation. L’obligation de moyens pesant sur la commune ne s’étend pas à la prévention d’un conflit social extérieur à ses propres services. L’absence de responsabilité du fait du tiers conduit à examiner la conduite propre de l’autorité communale durant les événements litigieux.

II. L’absence de carence fautive dans l’exercice des prérogatives administratives et des pouvoirs de sanction

La Cour rejette l’obligation d’agir en justice (A) tout en validant la célérité de la procédure de résiliation administrative (B).

A. L’inexistence d’une obligation d’agir par voie juridictionnelle pour obtenir l’expulsion de manifestants extérieurs à l’administration

L’occupante critiquait l’absence de diligence de la commune pour obtenir l’expulsion des salariés grévistes qui entravaient l’utilisation normale du domaine. La Cour administrative d’appel de Marseille répond que « la commune n’était pas l’employeur des salariés » concernés par ce blocage illicite. Elle précise fermement que l’autorité publique « n’était pas tenue d’engager une action juridictionnelle aux fins d’expulsion des occupants du site ». Ce raisonnement rappelle ainsi que le gestionnaire du domaine dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’engager des poursuites contentieuses. Le refus d’agir en justice ne constitue pas une faute contractuelle en l’absence de circonstances exceptionnelles non démontrées ici.

B. La reconnaissance de la réactivité de l’autorité publique dans la mise en œuvre des procédures de résiliation contractuelle

La société requérante soutenait enfin que la résiliation du marché de gardiennage par la commune était intervenue de manière trop tardive. Les juges relèvent cependant que la collectivité avait mis en demeure son prestataire dès le 9 février 2016 pour exiger l’exécution. La résiliation effective du contrat a été prononcée le 22 mars 2016, soit dès le début de l’occupation effective du site. La Cour conclut que l’occupante « ne peut utilement soutenir que la résiliation du marché de gardiennage aurait été prononcée tardivement ». Aucune négligence n’est donc retenue à l’encontre de la commune qui a agi avec une célérité suffisante pour sanctionner son cocontractant.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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