Cour d’appel administrative de Lyon, le 3 avril 2025, n°24LY01409

La cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 3 avril 2025, précise les conditions de contestation des coefficients de localisation des locaux professionnels. Cette décision s’inscrit dans le cadre du contentieux de la valeur locative des propriétés bâties, régie par les dispositions du code général des impôts. Une société propriétaire de surfaces commerciales au sein d’un grand ensemble urbain contestait le maintien d’un coefficient neutre appliqué à ses parcelles cadastrales. Elle invoquait des nuisances liées à des travaux de rénovation ainsi qu’une concurrence accrue pour obtenir une baisse significative de sa charge fiscale foncière. Saisi initialement, le tribunal administratif compétent a transmis l’affaire à la juridiction d’appel en raison de l’expiration du délai légal imparti pour statuer. La requérante a soulevé, par mémoire distinct, une question prioritaire de constitutionnalité visant le deuxième paragraphe de l’article 1518 ter du code général des impôts. Elle prétendait que l’absence de recours effectif contre ces décisions administratives portait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution française. Les juges d’appel devaient déterminer si le cadre législatif actuel respectait les exigences constitutionnelles et si l’administration avait commis une erreur d’appréciation manifeste. La juridiction refuse la transmission de la question prioritaire et rejette l’ensemble des conclusions tendant à l’annulation de la décision administrative contestée. Cette analyse portera d’abord sur la validation du cadre législatif des évaluations foncières avant d’étudier le contrôle restreint exercé sur l’attractivité des sites commerciaux.

I. La validation du cadre législatif relatif à la fixation des coefficients de localisation

A. Le rejet du grief constitutionnel tiré de l’absence de recours effectif

La société requérante soutenait que les dispositions législatives contestées faisaient obstacle à l’exercice d’un recours effectif devant une juridiction administrative compétente. Elle invoquait l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour critiquer les modalités de révision des évaluations foncières. La cour administrative d’appel rappelle toutefois que ces dispositions « ne limitent pas le droit pour les personnes intéressées d’introduire un recours pour excès de pouvoir ». La possibilité d’attaquer les refus de modification garantit pleinement le respect des principes constitutionnels de protection juridictionnelle devant un juge indépendant. Le caractère sérieux de la question est donc écarté puisque le justiciable dispose de voies de droit classiques pour contester les choix de l’administration.

B. L’interprétation stricte des obligations procédurales de la commission départementale

L’arrêt précise le champ d’application de l’obligation de consultation des instances locales de concertation lors de la procédure de révision des valeurs locatives. Selon le texte applicable, la commission départementale peut se réunir pour modifier les coefficients après avoir recueilli l’avis des commissions communales des impôts. La juridiction souligne qu’en « l’absence de modification de ces coefficients, la commission n’était pas tenue de saisir pour avis les commissions communales ou intercommunales ». Le maintien des tarifs existants dispense l’autorité administrative d’une formalité consultative qui ne s’impose qu’en cas de changement effectif des paramètres d’évaluation. Cette lecture littérale de la loi fiscale renforce la sécurité juridique des décisions prises par l’organe départemental chargé des évaluations foncières professionnelles.

II. Le contrôle restreint de l’appréciation administrative de l’attractivité commerciale

A. La reconnaissance d’une situation géographique et économique privilégiée

L’examen du bien-fondé du coefficient de localisation repose sur une analyse concrète de la situation géographique et économique de la parcelle d’assise concernée. La cour relève que le site constitue l’un des pôles commerciaux les plus importants du territoire et bénéficie d’une desserte exceptionnelle par les transports. Elle note que la présence de lignes de métro et de tramway, associée à une forte capacité de stationnement, justifie amplement l’attractivité constatée. Les juges soulignent également que l’implantation d’un hypermarché au sein de cet ensemble immobilier « favorise son activité commerciale » de manière substantielle et pérenne. Ces éléments objectifs permettent de maintenir un coefficient de localisation égal à l’unité sans entacher la décision d’une quelconque erreur manifeste d’appréciation.

B. L’incidence limitée des nuisances temporaires sur l’évaluation de la valeur locative

La société requérante tentait de justifier une minoration du tarif par l’existence de travaux de rénovation prolongés et par le développement de pôles concurrents. La cour écarte ces arguments en relevant que ces aménagements visaient précisément à « rendre ce centre commercial plus attractif » et à étendre ses surfaces. Le juge administratif considère que les difficultés passagères liées au chantier ne sauraient remettre en cause la valeur structurelle d’un emplacement commercial de premier ordre. L’absence de preuve chiffrée concernant une éventuelle baisse de fréquentation empêche la requérante de démontrer l’existence d’un désavantage réel par rapport au secteur. Le maintien de la valeur locative initiale apparaît donc cohérent avec l’état réel du marché locatif constaté lors de la période de référence.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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