Par un arrêt rendu le 13 février 2025, la cour administrative d’appel de Douai s’est prononcée sur la légalité d’un plan local d’urbanisme intercommunal. Un établissement public de coopération intercommunale a approuvé son document d’urbanisme par une délibération en date du 25 février 2020. Plusieurs associations et des particuliers ont alors contesté cette décision devant la juridiction administrative pour obtenir son annulation contentieuse. Par un jugement du 21 mars 2023, le tribunal administratif d’Amiens a censuré la délibération en raison de multiples vices de procédure. L’établissement public a interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de ce jugement ou de bénéficier d’une procédure de régularisation différée.
Les requérants soutenaient que le droit à l’information des élus avait été méconnu et que les règles de majorité n’étaient pas respectées. Ils dénonçaient également une erreur manifeste d’appréciation dans le classement de parcelles privées au sein d’une zone de jardins protégée. La juridiction d’appel devait déterminer si ces irrégularités entachaient la validité de l’acte et si une régularisation était juridiquement envisageable. La cour confirme l’illégalité de la délibération pour vices de procédure mais écarte le grief tenant à l’erreur de zonage. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la sanction d’une procédure d’adoption irrégulière avant d’examiner le contrôle nuancé sur le fond.
I. La sanction d’une procédure d’adoption irrégulière
A. L’atteinte au droit à l’information des élus communautaires
Le droit à l’information des membres d’une assemblée délibérante constitue une garantie essentielle pour l’exercice normal de leur mandat électoral. La cour rappelle que les élus doivent disposer des projets de délibérations et des documents préparatoires dès l’ouverture de la séance de vote. En l’espèce, l’établissement public a admis qu’aucun document n’avait été remis aux membres du conseil avant l’approbation du projet litigieux. Les juges considèrent ainsi que « les membres du conseil communautaire ont été privés d’une garantie » fondamentale lors de cette consultation. Cette insuffisance d’information entache d’irrégularité la délibération, peu importe que le président ait procédé à un exposé oral en début de réunion. Ce vice de procédure s’ajoute à la méconnaissance des règles de majorité requises pour l’adoption du document face aux oppositions communales.
B. La méconnaissance des règles de majorité face aux avis communaux
Le code de l’urbanisme impose une procédure spécifique lorsque des communes membres émettent un avis défavorable sur les dispositions du règlement les concernant. L’article L. 153-15 exige alors une nouvelle délibération de l’organe délibérant à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés pour arrêter le projet. Plusieurs communes avaient formulé des réserves portant sur le classement de parcelles, lesquelles devaient être analysées comme de véritables avis défavorables. L’établissement public a toutefois adopté le plan sans respecter cette exigence de majorité renforcée après avoir écarté certaines observations communales. Ce manquement a exercé une influence déterminante sur le sens de la décision finale prise par le conseil communautaire au terme de l’instruction. Si les irrégularités procédurales justifient l’annulation, l’appréciation du fond de l’acte révèle une plus grande souplesse du juge concernant les choix d’urbanisme.
II. Un contrôle nuancé sur le fond et les modalités de régularisation
A. La validation du parti d’aménagement concernant le zonage des jardins
Les auteurs d’un plan local d’urbanisme disposent d’un large pouvoir pour déterminer le parti d’aménagement de leur territoire en fonction des besoins. Le juge administratif limite son contrôle à l’erreur manifeste d’appréciation concernant le choix du zonage et les possibilités de construction sur les parcelles. La cour censure ici le raisonnement des premiers juges qui avaient estimé que le classement de certains terrains en zone de jardins était excessif. Elle relève que les parcelles litigieuses bordent une coulée verte et se situent dans un quartier peu dense occupé par des habitations individuelles. Ce choix vise à « préserver les secteurs à vocation de jardins d’agréments » conformément aux orientations générales retenues par le projet d’aménagement. Malgré la validation du zonage, le juge refuse d’accorder à l’administration le bénéfice d’une régularisation ultérieure pour sauver le document d’urbanisme.
B. Le refus de mettre en œuvre la faculté de régularisation différée
L’article L. 600-9 du code de l’urbanisme permet au juge de surseoir à statuer pour permettre la régularisation d’un vice entachant l’acte administratif. Cette prérogative constitue une simple faculté que le juge d’appel peut décider de ne pas exercer selon les circonstances particulières de l’affaire. Malgré la possibilité technique d’une régularisation, la cour estime qu’il n’y a pas lieu de faire application de ces dispositions protectrices de l’acte. Le rejet des conclusions tendant au sursis à exécution confirme ainsi l’annulation totale de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme intercommunal. Cette solution rigoureuse illustre la sévérité du juge administratif face au cumul de plusieurs irrégularités procédurales substantielles lors de l’élaboration.