Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 20 février 2025, n°22BX00744

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 20 février 2025, une décision précisant les conditions de légalité interne et externe d’un document d’urbanisme. Une commune a approuvé la révision de son plan local d’urbanisme afin de permettre l’extension de zones d’activités et la densification de certains secteurs résidentiels. Une association a alors saisi le tribunal administratif de Poitiers pour obtenir l’annulation de cette délibération, critiquant la cohérence du zonage et la procédure suivie. Les premiers juges ont annulé partiellement le texte et ont ordonné un sursis à statuer pour régulariser des vices tenant à l’insuffisance du rapport de présentation. La collectivité et les requérants ont interjeté appel de ce jugement, sollicitant respectivement l’infirmation des annulations et la censure totale de la procédure de révision municipale. Le juge d’appel devait examiner si les classements en zone à urbaniser étaient justifiés et si les modifications du projet d’aménagement respectaient les garanties procédurales. La solution retenue repose sur une distinction entre la validation de la stratégie d’aménagement et le rappel des exigences de motivation du diagnostic foncier.

I. La consécration de la liberté de zonage et de la souplesse procédurale

A. La validation souveraine du parti d’aménagement communal

La Cour rappelle qu’il appartient aux auteurs du plan de « déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan ». Les juges d’appel considèrent que le classement en zone à urbaniser d’un secteur industriel nord répond aux orientations économiques fixées par la communauté d’agglomération. Cette extension vise à conforter la position de locomotive économique de la ville en créant des espaces dédiés aux filières aéronautiques et logistiques en développement. Par ailleurs, le classement d’un secteur résidentiel central n’est pas entaché d’erreur manifeste car il permet de concilier la densification urbaine et la végétalisation. Les aménagements prévus assurent ainsi la cohérence des choix communaux entre l’accueil de nouveaux habitants et la préservation de lieux de nature en ville.

B. La régularité des ajustements du projet d’aménagement après enquête

La juridiction précise que le projet peut subir des modifications si elles ne remettent pas en cause l’économie générale et si elles procèdent de l’enquête. Il s’agit des « modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur » ou des observations formulées par le public consulté. En l’espèce, la réduction de l’objectif de modération de la consommation d’espaces, passée d’un tiers à un quart, résultait directement d’un avis préfectoral spécifique. Le commissaire enquêteur avait lui-même relevé une incohérence entre les prévisions de projets et les objectifs de consommation foncière affichés dans le document initial. La délibération ne méconnaît pas les dispositions législatives puisque cet ajustement technique clarifie la présentation sans altérer les orientations fondamentales du projet d’aménagement.

II. La rigueur maintenue des obligations de justification foncière

A. L’exigence d’un diagnostic économique précis dans le rapport de présentation

Malgré la validation de la procédure, le juge confirme que le rapport de présentation doit expliquer précisément les choix retenus pour établir le projet d’aménagement. Le rapport doit s’appuyer sur un diagnostic solide établi au regard des besoins répertoriés en matière de développement économique et des prévisions démographiques locales. La Cour relève qu’en dépit d’une identification correcte des filières industrielles, « aucun diagnostic ne justifie le volume des espaces consommés » par la commune. L’absence de ventilation par secteurs économiques des hectares ouverts à l’urbanisation empêche ainsi de vérifier l’adéquation entre les besoins réels et les surfaces mobilisées. Cette insuffisance documentaire constitue une illégalité que la collectivité doit corriger pour assurer la transparence et la justification des choix de planification foncière.

B. L’appréciation globale du principe d’équilibre entre urbanisation et préservation

Le contrôle de compatibilité avec les objectifs de développement durable s’exerce au regard de l’équilibre entre renouvellement urbain et lutte contre l’étalement urbain. Les juges d’appel estiment toutefois que les prévisions d’extension, bien que supérieures aux gains d’espaces naturels, ne rompent pas cet équilibre prescrit par la loi. Le décalage constaté s’explique par la volonté politique de concentrer le développement économique communautaire sur ce territoire spécifique pour inverser le déclin démographique local. Cependant, l’écart entre l’urbanisation en extension et la reconquête des espaces naturels reste justifié par les compétences déléguées à l’établissement public de coopération intercommunale. La décision de la Cour administrative d’appel de Bordeaux préserve ainsi la marge de manœuvre des élus tout en imposant une motivation technique rigoureuse.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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