Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-1142 QPC du 13 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le treize juin deux mille vingt-cinq, une décision importante concernant les pouvoirs de l’administration sur les règlements des lotissements privés. La haute juridiction examinait la conformité de l’article L. quatre cent quarante-deux onze du code de l’urbanisme aux droits et libertés garantis par la Constitution. Cette disposition autorise l’autorité compétente à modifier unilatéralement le cahier des charges d’un lotissement pour assurer sa mise en concordance avec le plan local d’urbanisme. Le litige opposait plusieurs propriétaires colotis à une collectivité locale souhaitant adapter les documents contractuels aux nouvelles exigences réglementaires de la politique d’urbanisme communale. Les requérants soutenaient que cette faculté administrative portait une atteinte injustifiée au droit de propriété ainsi qu’à la force obligatoire des conventions légalement conclues.

Le Conseil d’État a transmis cette question prioritaire de constitutionnalité par une décision numéro quatre cent quatre-vingt-dix-neuf mille sept cents rendue le douze mars deux mille vingt-cinq. Les parties invoquaient la méconnaissance des articles deux, quatre, seize et dix-sept de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de mille sept cent quatre-vingt-neuf. Elles critiquaient l’absence de garanties suffisantes concernant l’information des colotis et la protection de l’affectation des parties communes lors de la mise en œuvre de la procédure. La question posée au Conseil constitutionnel résidait dans le caractère proportionné de cette ingérence législative dans les relations contractuelles privées au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi.

Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions contestées conformes à la Constitution sous réserve d’un encadrement strict de la finalité et des modalités de la modification administrative. Il souligne que la mesure ne permet pas de modifier les clauses intéressant les seuls colotis mais vise exclusivement la mise en concordance avec les documents d’urbanisme. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la légitimation d’une atteinte aux prévisions contractuelles par l’intérêt général puis d’envisager la conciliation opérée avec les libertés constitutionnelles.

**I. La légitimation d’une atteinte aux prévisions contractuelles par l’intérêt général**

**A. La promotion d’une politique publique de densification de l’habitat**

Le législateur a entendu « faciliter l’évolution, dans le respect de la politique publique d’urbanisme, des règles propres aux lotissements » pour permettre aux propriétaires de bénéficier de nouveaux droits. Cette volonté s’inscrit dans un objectif d’intérêt général visant à favoriser la densification des quartiers résidentiels afin de répondre aux besoins croissants en matière de logement. Le Conseil constitutionnel valide cette orientation politique en considérant que la poursuite d’un tel but justifie une limitation raisonnable de la liberté contractuelle des colotis. Cette solution confirme la primauté des impératifs d’aménagement du territoire sur le maintien de règles privées devenues obsolètes au regard des orientations actuelles du droit de l’urbanisme.

**B. La restriction du champ d’application de la mise en concordance administrative**

Le Conseil précise que les modifications autorisées n’ont « ni pour objet, ni pour effet de permettre la modification des clauses de nature contractuelle intéressant les seuls colotis ». Le pouvoir de l’autorité administrative se limite strictement à la mise en conformité du cahier des charges avec les prescriptions impératives du plan local d’urbanisme. Cette distinction fondamentale garantit que l’administration n’intervient pas dans les rapports de droit privé qui ne sont pas affectés par l’évolution des règles d’urbanisme locales. La décision circonscrit ainsi l’atteinte portée au droit au maintien des conventions en interdisant toute dénaturation des engagements contractuels étrangers à l’ordre public urbain.

**II. La conciliation opérée entre prérogatives administratives et libertés constitutionnelles**

**A. La soumission de la procédure de modification à des garanties procédurales**

La mise en œuvre de la modification administrative est conditionnée par le respect d’une procédure rigoureuse incluant notamment une enquête publique préalable conforme au code de l’environnement. Les propriétaires intéressés bénéficient d’un droit à l’information par voie dématérialisée et par affichage au moins quinze jours avant l’ouverture de l’enquête pour présenter leurs observations. Cette phase de concertation permet d’assurer la transparence de la décision et de recueillir les critiques éventuelles des colotis sur les changements projetés par la municipalité. La délibération du conseil municipal constitue une garantie supplémentaire de contrôle démocratique avant l’adoption définitive de l’arrêté modifiant les documents du lotissement concerné.

**B. Le maintien de la protection juridictionnelle du droit de propriété**

Le juge administratif exerce un contrôle vigilant sur la régularité du déroulement de l’enquête publique et sur la finalité réelle des modifications apportées au cahier des charges. Il « s’assure notamment que les modifications apportées à un cahier des charges ont été effectuées dans le seul objectif de sa mise en concordance » avec la réglementation. Ce contrôle juridictionnel effectif garantit que l’atteinte au droit de propriété reste proportionnée et qu’elle ne détourne pas la procédure de son but d’intérêt général. En confirmant la conformité des dispositions, le Conseil constitutionnel s’appuie sur la présence de ces garde-fous pour rejeter les griefs tirés d’une violation disproportionnée des libertés fondamentales.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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