Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-1138 QPC du 7 mai 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 7 mai 2025, une décision relative au mécanisme de lissage de la valeur locative des locaux industriels. La question prioritaire de constitutionnalité portait sur la conformité de l’article 1518 A sexies du code général des impôts au principe d’égalité.

Une société contestait les modalités de calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties après un changement d’affectation de ses locaux professionnels. La cessation de l’activité industrielle entraînait une baisse de la valeur locative, mais le bénéfice de cette baisse était étalé sur six années.

Saisi par le Conseil d’État le 18 février 2025, le juge constitutionnel devait déterminer si ce dispositif imposait le contribuable sur une assiette fictive. La requérante soutenait que le maintien temporaire d’une valeur élevée méconnaissait ses facultés contributives réelles devant les charges publiques de l’État.

Le Conseil constitutionnel écarte le grief en jugeant que le législateur a utilisé des critères objectifs pour préserver les ressources des collectivités locales. L’examen de cette décision permet d’analyser la légitimité du lissage budgétaire avant d’étudier la protection des garanties constitutionnelles accordées au contribuable.

I. La justification d’un mécanisme de lissage budgétaire

A. La poursuite d’un objectif de rendement pour les collectivités

Le législateur a instauré ce dispositif pour « atténuer la perte immédiate de ressources » consécutive à une baisse brutale de la valeur locative. Cette mesure vise à sécuriser le budget des collectivités territoriales percevant la taxe foncière sur les propriétés bâties sur leur propre territoire. Le Conseil constitutionnel reconnaît la validité de cet objectif financier au regard de l’intérêt général et de la continuité des services publics. La transition progressive permet d’éviter un choc budgétaire immédiat pour les administrations locales concernées par ces changements d’affectation de locaux industriels.

L’application de ce mécanisme de lissage n’est pas automatique et répond à des conditions précises définies par les dispositions du code fiscal.

B. L’encadrement strict de la réduction dégressive

Le lissage ne concerne que les variations significatives excédant un seuil de « 30 % de la valeur locative calculée avant » le changement. La réduction de la variation est répartie sur six années selon des taux dégressifs allant de 85 % à 10 % du montant total. Cette dégressivité assure une adaptation lissée du montant de l’imposition tout en garantissant une convergence finale vers la valeur réelle du bien immobilier. Le dispositif cesse également de s’appliquer si l’exploitant change ou si le bâtiment subit une modification importante de sa propre consistance physique.

La rationalité de ces critères techniques fonde la décision de conformité du juge constitutionnel par rapport aux objectifs initiaux fixés par la loi.

II. La préservation du principe d’égalité devant les charges publiques

A. L’absence de rupture caractérisée de l’égalité

Le juge rappelle qu’il ne dispose pas d’un pouvoir de décision identique à celui du Parlement en matière de grande politique fiscale. Il vérifie simplement que les modalités retenues par le législateur ne sont pas « manifestement inappropriées à l’objectif visé » par la loi votée. En l’espèce, la fixation d’une période transitoire de six ans est jugée conforme aux exigences de l’article 13 de la Déclaration de 1789. La différence de traitement entre contribuables repose sur une situation de changement d’affectation justifiant une règle dérogatoire limitée dans le temps.

L’égalité devant l’impôt est ainsi maintenue grâce au caractère parfaitement objectif des paramètres de calcul retenus pour la réduction de la variation.

B. La corrélation maintenue entre l’imposition et les facultés contributives

La société requérante craignait que l’assiette de l’impôt ne devienne fictive en raison du maintien partiel de l’ancienne valeur locative plus élevée. Le Conseil répond que « l’imposition reste assise sur la valeur locative du local », malgré l’application temporaire du mécanisme de réduction dégressive. Il en déduit que le contribuable n’est pas assujetti à une charge fiscale déconnectée de ses capacités réelles de financement de l’impôt. Le dispositif de lissage n’inclut pas de « capacité contributive dont il ne disposerait pas », préservant ainsi la justice fiscale globale demandée.

La décision confirme que la technique du lissage budgétaire respecte les droits et libertés garantis par la Constitution tout en protégeant les finances.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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