Conseil constitutionnel, Décision n° 2014-691 DC du 20 mars 2014

Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2014-691 DC du 20 mars 2014, se prononce sur la conformité de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Cette décision traite des équilibres complexes entre le respect du droit de propriété et la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle du logement décent. Plusieurs membres du Parlement ont saisi la juridiction afin de contester diverses dispositions encadrant les loyers et renforçant la protection des locataires les plus fragiles. La saisine invoque principalement l’atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et l’absence d’adéquation entre les moyens législatifs et les objectifs d’intérêt général. Le Conseil devait déterminer si les restrictions imposées par le législateur aux propriétaires bailleurs respectaient les exigences constitutionnelles relatives à la protection de la propriété privée. Les juges valident l’essentiel du dispositif tout en censurant certaines mesures jugées excessives ou entachées d’irrégularités procédurales au regard de la Déclaration de 1789. L’examen de cette décision commande d’analyser la conciliation entre droit de propriété et intérêt général (I), avant d’étudier la protection des droits individuels (II).

I. La conciliation proportionnée entre le droit de propriété et l’intérêt général

A. L’admission de l’encadrement des loyers comme mesure de régulation sociale

Le législateur a souhaité instaurer un mécanisme de régulation des loyers dans les zones géographiques marquées par un fort déséquilibre entre l’offre et la demande. La juridiction constitutionnelle reconnaît que cet objectif de lutte contre les difficultés d’accès au logement répond à un but d’intérêt général parfaitement légitime. Les juges précisent qu’il est loisible au législateur d’apporter des limitations à la liberté contractuelle « à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées ». Cette validation repose sur le constat que le dispositif ne s’applique que dans des secteurs urbains spécifiquement définis par des critères de tension immobilière. L’autorité administrative devra définir les secteurs géographiques avec une précision suffisante pour que le loyer de référence soit en adéquation avec les caractéristiques du marché.

B. La censure des restrictions excessives à la liberté contractuelle des bailleurs

Le Conseil censure toutefois la limitation des compléments de loyer aux seules caractéristiques exceptionnelles du logement car cela interdit de prendre en compte certains éléments déterminants. En réservant cette faculté au caractère « exceptionnel », le législateur a porté au droit de propriété « une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi » par la loi. La décision souligne également une méconnaissance du principe d’égalité concernant la fixation des loyers de référence en fonction de la seule dispersion des niveaux observés. Une telle modulation géographique, indépendante des catégories réelles de logement, ne garantit pas une égalité de traitement suffisante entre les contractants sur le territoire. Ces censures partielles rappellent que l’encadrement des prix ne peut faire fi de la réalité économique des biens immobiliers sans violer les droits fondamentaux.

II. La protection renforcée des droits individuels face aux régulations législatives

A. L’encadrement strict de la protection des locataires vulnérables

La loi renforce la protection des locataires âgés en abaissant le seuil d’âge et en modifiant les critères de ressources qui sont imposés aux propriétaires bailleurs. Si le Conseil valide l’harmonisation de l’âge de soixante-cinq ans, il rejette l’extension de la protection sans une prise en compte réelle des ressources globales. En permettant qu’un propriétaire supporte une « charge disproportionnée » sans examen des revenus du locataire, le législateur viole le principe d’égalité devant les charges publiques. Cette censure protège le bailleur contre une solidarité sociale dont le poids reposerait indûment sur ses seules épaules sans être justifié par une fragilité avérée. La juridiction impose ainsi une nécessaire corrélation entre le bénéfice d’une mesure dérogatoire et la situation de précarité économique des occupants bénéficiaires.

B. L’indépendance de la propriété privée contre l’arbitraire des groupements collectifs

L’article 19 de la loi permettait à l’assemblée générale des copropriétaires de soumettre à son accord préalable toutes les locations de meublés de courte durée. Le Conseil constitutionnel juge que cette mesure confère un pouvoir discrétionnaire à la copropriété, portant une « atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires ». Le droit de disposer librement de son bien ne saurait être subordonné au veto arbitraire d’un groupement privé sans motif impérieux lié à la sécurité. Enfin, la décision écarte des dispositions étrangères au texte initial pour garantir la sincérité et la clarté des débats parlementaires au sein des deux assemblées. Cette rigueur procédurale assure que les réformes de fond ne soient pas adoptées par des voies détournées contraires à l’équilibre classique des pouvoirs législatifs.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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