Tribunal judiciaire de Marseille, le 20 juin 2025, n°24/04721

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Tribunal judiciaire de Marseille, ordonnance de référé du 20 juin 2025. Le litige naît de désordres récurrents d’infestation de rongeurs affectant des locaux loués à usage de laboratoire. Le preneur sollicite, avant tout procès, une expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. Le bailleur s’y oppose partiellement, demande une orientation vers un processus amiable et conclut aux dépens.

Le bail a été consenti en 2011. Le preneur se plaint de la persistance des infestations malgré des interventions de dératisation et l’absence de travaux structurels. Assignation en référé en octobre 2024, débats en mai 2025. Le juge des référés est saisi de demandes d’expertise, de médiation et d’accessoires.

La question posée tient à la caractérisation d’un motif légitime au sens de l’article 145, malgré des contestations sérieuses, et à l’office du juge des référés pour ordonner et articuler une mesure d’instruction avec une médiation judiciaire. L’ordonnance retient le texte de l’article 145, rappelant que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées ». Elle énonce que « L’existence de contestations, même sérieuses, ne constitue pas un obstacle » et conclut qu’« Il y a lieu de faire droit à la demande d’expertise ». Le juge organise, en outre, une médiation judiciaire avec une réunion d’information préalable, précisant que « Tant que cette réunion ne se sera pas tenue, l’expertise ne pourra pas commencer ». L’ordonnance éclaire ainsi, d’une part, le contrôle du motif légitime et, d’autre part, l’articulation opératoire entre expertise et médiation.

I. L’admission d’une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145

A. Le motif légitime caractérisé au regard des désordres allégués
Le juge rappelle la finalité conservatoire et probatoire de l’article 145 et son déclenchement ex ante. La décision souligne qu’il « appartient uniquement au juge des référés de caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction, sans qu’il soit nécessaire de procéder […] à l’examen de la recevabilité d’une éventuelle action, non plus que de ses chances de succès ». Les infestations décrites, leur récurrence et les incertitudes techniques sur leurs causes constituent des éléments pertinents justifiant une investigation neutre. L’ordonnance rattache utilement l’objet et le fondement du procès possible aux obligations nées du bail, en particulier l’aptitude des lieux à leur destination contractuelle.

Le contrôle exercé demeure concret et proportionné. La mission d’expertise est calibrée pour établir un état des lieux, rechercher les causes, décrire les désordres et proposer des remèdes avec chiffrage. Le juge précise un calendrier, les modalités contradictoires et le régime des provisions, afin d’éviter toute dérive dilatoire. La mesure apparaît ainsi strictement nécessaire à l’administration de la preuve dans la perspective d’un fond, sans préjuger des responsabilités.

B. La portée du contrôle et la neutralité du référé
L’ordonnance pose nettement le principe selon lequel « Il suffit de constater qu’un tel procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés ». Elle indique encore que la mesure « ne porte aucune atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d’autrui ». Le juge des référés se borne à la preuve, sans trancher le fond ni apprécier la validité des prétentions au-delà du besoin probatoire. Ce standard préserve l’économie du procès ultérieur et limite les risques d’atteinte aux droits de la défense.

Le choix de l’expertise avant tout procès clarifie les données techniques, sécurise les échanges contradictoires et permet d’orienter utilement une éventuelle action au fond. Le cadre procédural fixé, incluant la caducité en cas de défaut de consignation, garantit l’efficacité et la célérité attendues d’une mesure probatoire autonome.

II. L’articulation entre expertise et médiation judiciaire

A. Le pouvoir d’enjoindre une rencontre préalable avec un médiateur
Le juge constate que « les parties sont amenées à poursuivre des relations contractuelles, qui gagneraient à se pacifier à l’avenir ». Il motive l’orientation amiable en relevant que « La poursuite d’une procédure au fond, précédée d’une expertise, […] apparaît très longue et coûteuse au regard des bénéfices d’un accord ». Sur ce fondement, il vise les textes applicables et affirme que, « lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible, le juge peut […] leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu’il désigne ».

La décision combine l’article 22-1 de la loi du 8 février 1995 et les articles 131-1 et suivants du code de procédure civile pour encadrer une réunion d’information, obligatoire et gratuite, portant sur l’objet et le déroulement de la médiation. Cette étape d’information renforce le consentement éclairé, évite un échec artificiel et prépare un choix utile entre médiation et poursuite de l’expertise.

B. Le séquençage procédural, ses garanties et ses limites
L’ordonnance institue un séquençage en quatre temps. D’abord, « la participation à la réunion d’information […] est obligatoire ». Ensuite, l’expert tient un accedit initial, limité à un « état de la situation et [à] des pistes de réflexions », tout en informant sur « la durée et le montant prévisible de la mesure d’expertise ». Le juge ajoute, à ce stade, qu’« aucune demande de consignation ou de délai complémentaire par l’expert n’est possible ». Puis, les parties notifient leur accord ou leur refus d’entrer en médiation, la médiation n’étant ordonnée que de manière concordante. Enfin, « En cas de refus ou d’échec de la médiation, les parties pourront automatiquement revenir à l’expertise ».

Ce dispositif ménage plusieurs équilibres. Il favorise la résolution amiable sans priver les parties de la voie probatoire, grâce à une passerelle automatique vers l’expertise en cas d’échec. Il lutte contre les coûts inutiles en cantonnant l’expert, avant la décision sur la médiation, à une mission informative. Il respecte le contradictoire et la liberté de ne pas transiger, puisque la médiation demeure consensuelle après information. Le choix de mettre les dépens à la charge du demandeur, tout en laissant les frais irrépétibles à la charge de chacun, évite d’inciter artificiellement à la judiciarisation et reflète l’équité procédurale de l’ensemble.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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