Première chambre civile de la Cour de cassation, le 18 juin 2025, n°24-17.251

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Rendue par la cour d’appel de Paris le 14 mai 2024 et censurée partiellement par la Cour de cassation, première chambre civile, le 18 juin 2025 (n° 441 FS-B, n° X 24-17.251), la décision commentée interroge la place du doute sur l’état civil dans une procédure d’acquisition de la nationalité par déclaration fondée sur la possession d’état. La demanderesse se prévalait de l’article 21-13 du code civil, soutenant avoir vécu dix années de possession d’état de Française avant sa déclaration, tandis que l’autorité d’enregistrement avait refusé l’inscription. La juridiction d’appel a dit la demanderesse non française, retenant des divergences entre deux actes de naissance étrangers. Saisie d’un moyen unique, la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt, jugeant que le seul doute sur l’état civil ne suffit pas à écarter l’acquisition par possession d’état. Elle énonce ainsi que « En statuant ainsi, par ce seul motif, impropre à écarter l’acquisition de la nationalité française par déclaration sur le fondement de la possession d’état, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

La question de droit se formule simplement. Le défaut d’« état civil certain » suffit‑il, à lui seul, à refuser l’acquisition de la nationalité par déclaration fondée sur la possession d’état prévue à l’article 21-13 du code civil ? La Cour de cassation répond négativement, puis prononce la cassation partielle et renvoie l’affaire à la cour d’appel de Paris autrement composée, en précisant « CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il constate que les formalités prévues par l’article 1043 du code de procédure civile ont été respectées » et « Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée. »

I. L’exigence probatoire de l’article 21-13 et l’insuffisance du seul doute sur l’état civil

A. Le contenu de la possession d’état de Français et la charge de la preuve

L’article 21-13 organise une voie d’accès déclarative fondée sur la possession d’état de Français pendant dix ans, antérieurement à la déclaration. La preuve vise des indices concordants, constants et publics, caractérisant une insertion juridique et sociale reconnue comme française. Les éléments démonstratifs s’agrègent autour de la renommée, du traitement par les autorités et du comportement du sujet.

Cette matière suppose une appréciation concrète et cumulative des faits, appréciation que les juges du fond doivent conduire sans substituer une exigence étrangère au texte. Le texte ne subordonne pas la déclaration à la parfaite certitude d’un acte d’état civil étranger. Il requiert l’établissement d’une possession d’état continue et non équivoque, dont l’examen ne se confond pas avec celui de la filiation ou de la naissance.

B. L’erreur de méthode imputée à la juridiction d’appel

La cour d’appel a centré son raisonnement sur la discordance de deux actes étrangers, en déduisant un état civil incertain et l’impossibilité de reconnaître la nationalité. Elle a ainsi fait prévaloir une objection documentaire ponctuelle sur l’analyse de la possession d’état alléguée durant dix années.

La Cour de cassation sanctionne cette substitution d’exigences, en qualifiant le motif unique d’« impropre à écarter l’acquisition de la nationalité française par déclaration sur le fondement de la possession d’état ». Le contrôle opéré rappelle que l’absence d’un « état civil certain » ne dispense pas d’examiner les indices caractérisant la possession d’état, lesquels sont au cœur du mécanisme de l’article 21-13.

II. La valeur normative de la censure et la portée pratique du renvoi

A. La dissociation nécessaire entre identité documentaire et possession d’état

La censure réaffirme une distinction méthodologique essentielle. L’examen de la possession d’état ne s’épuise pas dans la fiabilité intrinsèque d’un acte de naissance étranger. La preuve peut se construire par un faisceau d’indices autonomes et convergents, révélant une reconnaissance sociale et administrative stable.

Cette dissociation évite de transformer l’article 21-13 en un dispositif de filiation déguisé, centré exclusivement sur la preuve de la naissance. L’économie du texte confirme que la possession d’état constitue un titre propre, certes exigeant, mais conceptuellement distinct des voies fondées sur la filiation ou l’état civil.

B. Les conséquences pour le contrôle du juge du fond et la sécurité des parcours déclaratifs

Le renvoi invite la juridiction de fond à reconstituer la trame probatoire sur dix ans, en évaluant la constance, la notoriété et l’absence d’équivoque des indices produits. La cohérence attendue porte sur la globalité du vécu juridique et social, plus que sur la perfection formelle d’un acte étranger.

Cette orientation renforce la sécurité des demandes déclaratives, sans affaiblir la vigilance contre la fraude. Le juge demeure libre de combiner les éléments et de refuser la déclaration si la possession d’état n’est pas établie. Il ne peut toutefois s’arrêter au seul doute documentaire, incompatible avec la finalité probatoire propre à l’article 21-13.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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