Cour de justice de l’Union européenne, le 27 janvier 2022, n°C-234/20

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 6 octobre 2025, une décision fondamentale concernant l’indemnisation des contraintes environnementales pesant sur les propriétaires fonciers. Un exploitant agricole contestait le refus d’octroi d’aides financières liées au réseau Natura 2000 pour une tourbière acquise en connaissance des restrictions d’usage. L’interdiction de procéder à une plantation de canneberges sur ce terrain constituait le cœur du litige porté devant la juridiction de renvoi par le requérant. La juridiction nationale a sollicité une interprétation du règlement n o 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole. Il s’agissait de déterminer si une tourbière pouvait être exclue des paiements compensatoires malgré son intégration géographique dans une zone de protection naturelle. La Cour souligne que ces zones peuvent bénéficier des paiements si elles relèvent juridiquement des notions de « surface agricole » ou de « forêt ». Elle précise toutefois que les États conservent une marge de manœuvre pour limiter ces versements aux situations d’entraves économiques réelles et imprévues. L’examen portera d’abord sur les critères d’éligibilité des tourbières avant d’analyser les limites du droit à l’indemnisation fondées sur la connaissance préalable des charges.

I. L’éligibilité conditionnée des tourbières aux aides Natura 2000

A. L’inclusion de principe dans le champ d’application du soutien rural

La Cour affirme que l’article 30 du règlement n o 1305/2013 n’exclut pas, par principe, les tourbières du bénéfice des paiements environnementaux de l’Union. L’éligibilité demeure toutefois subordonnée à l’inclusion de ces espaces dans les catégories juridiques de « surface agricole » ou de « forêt ». La jurisprudence précise que ces terrains doivent être situés dans des zones désignées en vertu des directives concernant la conservation des habitats naturels. Ces surfaces peuvent ainsi être qualifiées de « zones agricoles et forestières Natura 2000 » pour prétendre aux soutiens financiers prévus par la réglementation européenne. Cette interprétation assure une cohérence entre la préservation des habitats fragiles et les mécanismes de compensation économique mis en œuvre par le fonds. Les tourbières ne constituent donc pas une catégorie à part mais s’insèrent dans le cadre général des surfaces éligibles au développement rural.

B. La marge d’appréciation étatique dans la mise en œuvre des paiements

Le droit de l’Union permet explicitement aux États membres d’exclure certaines zones agricoles de l’octroi des aides compensatoires prévues par la législation. Les autorités nationales disposent d’un pouvoir de décision pour limiter les versements aux situations où la protection environnementale entrave réellement une exploitation économique. La Cour admet que cette limitation s’applique notamment lorsque la désignation d’un site a pour effet d’ « entraver l’exercice d’un type spécifique d’activité ». Cette faculté de modulation garantit une utilisation efficiente des fonds publics tout en respectant les objectifs écologiques fixés par les directives de protection. La décision valide ainsi la possibilité pour un État de subordonner l’aide à l’existence d’une perte économique effective pour l’exploitant concerné.

II. L’encadrement du droit à l’indemnisation par la connaissance du risque

A. La subordination de l’aide à l’existence d’une entrave économique réelle

La juridiction souligne que les paiements compensatoires visent à réparer les inconvénients spécifiques découlant de la mise en œuvre des mesures de conservation. L’octroi d’un soutien financier peut être restreint aux cas où la désignation d’un site Natura 2000 porte une atteinte concrète à l’activité. Cette restriction est particulièrement pertinente lorsque la protection de la biodiversité empêche le développement de projets nouveaux sur des terrains déjà classés en réserve. L’absence d’entrave directe à une exploitation économique licite et installée justifie l’absence de compensation financière de la part de l’organisme payeur national. La Cour lie ainsi intrinsèquement le droit au paiement à la réalité d’un sacrifice économique imposé par l’intérêt général environnemental de l’Union.

B. La validité des restrictions préexistantes au regard du droit de propriété

L’article 30 du règlement doit être lu en combinaison avec l’article 17 de la charte des droits fondamentaux protégeant le droit de propriété individuelle. Un paiement ne doit pas être octroyé au propriétaire qui connaissait les restrictions d’usage au moment de l’acquisition du bien immobilier litigieux. Le refus de l’indemnisation pour l’interdiction de plantation de canneberges ne constitue pas une atteinte disproportionnée si la contrainte était connue de l’acquéreur. L’acquéreur d’un terrain situé en zone protégée ne peut légitimement ignorer les servitudes environnementales qui grèvent la valeur et l’usage de son bien. La Cour consacre ici le principe de responsabilité de l’acheteur face aux limitations administratives d’ordre public dont il a pu prendre connaissance.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture