La Cour administrative d’appel de Paris a rendu le 14 mai 2025 une décision précisant les formalités d’urbanisme requises pour la modification d’une devanture commerciale. Une société souhaitait transformer une ancienne boulangerie en établissement de restauration en réalisant divers travaux sur la façade et les menuiseries extérieures du local. Le maire de la commune s’est opposé à la déclaration préalable déposée en estimant que l’ampleur des modifications imposait le dépôt d’un permis de construire. Par un jugement du 3 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé cette opposition au motif que les travaux ne modifiaient pas la façade. L’administration a alors interjeté appel afin de rétablir la légalité de son refus initial devant la juridiction de second degré. La question posée aux juges consistait à déterminer si un changement de sous-destination accompagné d’une modification de façade impose systématiquement l’obtention d’un permis de construire.
I. L’unification du régime des autorisations d’urbanisme pour les changements d’affectation
A. La portée juridique des sous-destinations définies par le code de l’urbanisme
L’arrêt précise d’abord l’articulation entre les destinations et les sous-destinations introduites par le décret du 28 décembre 2015 au sein du code de l’urbanisme. Les juges soulignent que le contrôle administratif ne porte plus uniquement sur les cinq grandes destinations mais s’étend désormais aux sous-destinations prévues à l’article R. 151-28. Il résulte de l’analyse textuelle que le passage d’une boulangerie à un restaurant constitue bien un changement de sous-destination au sein de la catégorie artisanat. Cette distinction est fondamentale car elle déclenche l’application des règles relatives aux travaux sur constructions existantes prévues par les articles R. 421-14 et R. 421-17. La Cour administrative d’appel de Paris confirme ainsi que la nature de l’activité nouvelle doit être précisément qualifiée pour déterminer le régime de protection applicable.
B. L’obligation de permis de construire pour la modification conjointe de la façade
La juridiction affirme que « des travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade d’un bâtiment sont soumis à permis de construire ». Cette exigence s’applique tant en cas de changement de destination qu’en cas de changement de sous-destination au sens des dispositions réglementaires en vigueur. La Cour censure ici le raisonnement des premiers juges qui avaient limité l’exigence du permis de construire aux seuls changements affectant les grandes catégories de destination. Cette interprétation garantit une harmonisation du contrôle des travaux dès lors qu’ils s’accompagnent d’une altération de l’enveloppe architecturale ou de la structure du bâtiment concerné. La solution retenue assure une protection renforcée du paysage urbain en soumettant les modifications de devantures à une instruction plus approfondie de la part de l’administration.
II. La qualification factuelle des travaux affectant l’enveloppe extérieure du bâtiment
A. Le rejet de la catégorie des réparations ordinaires pour les devantures commerciales
Pour statuer sur le litige, la Cour procède à un examen détaillé de la consistance des travaux envisagés sur la devanture de l’ancien commerce de détail. Elle relève que le projet prévoyait la création de parties ouvrantes en acier et la réfection complète des profils moulurés des pilastres de la structure. Ces interventions « ne peuvent être regardées comme de simples travaux d’entretien ou de réparations ordinaires » compte tenu de l’utilisation de matériaux nouveaux et de vitrages. L’arrêt rappelle que l’entretien courant se limite au maintien en bon état d’une construction sans en modifier les caractéristiques essentielles ou les matériaux de composition. En écartant cette qualification, les juges d’appel imposent au pétitionnaire de respecter les formalités les plus contraignantes prévues par la législation nationale sur l’urbanisme.
B. La reconnaissance souveraine d’une transformation substantielle de la façade bâtie
La décision conclut finalement que les travaux litigieux modifient réellement la façade du bâtiment au sens de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme. La Cour administrative d’appel de Paris infirme le jugement du 3 novembre 2023 en considérant que la modification de l’aspect extérieur atteignait un seuil significatif. Le juge d’appel estime que la substitution de vitrines fixes par des châssis ouvrants constitue une modification structurelle de l’unité architecturale du rez-de-chaussée de l’immeuble. Par conséquent, l’opposition du maire était légalement justifiée car les travaux entrepris dans le cadre d’un changement de sous-destination devaient impérativement faire l’objet d’un permis. L’annulation du jugement initial rétablit ainsi l’obligation pour la société de présenter une demande d’autorisation conforme à la réalité technique de son projet de transformation.