Par un arrêt rendu le 18 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Nantes se prononce sur la légalité d’un plan local d’urbanisme intercommunal restreignant la constructibilité. Des particuliers possèdent des parcelles situées sur le territoire d’une commune littorale, classées en zone urbaine à vocation d’habitat mais à constructibilité limitée par le règlement. Ils ont sollicité l’abrogation de la délibération approuvant ce document d’urbanisme, essuyant un refus implicite de la part de l’autorité intercommunale compétente. Saisi d’un recours en annulation, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande par un jugement en date du 21 février 2023. Les requérants ont alors interjeté appel devant la juridiction nantaise en invoquant notamment l’irrégularité de la décision de première instance. La question posée est de savoir si un règlement peut légalement interdire toute construction nouvelle dans une zone classée urbaine pour prévenir l’étalement urbain. La Cour annule le jugement pour omission de statuer, puis, évoquant l’affaire, rejette les prétentions des requérants en validant les choix de zonage opérés par l’administration.
I. L’affirmation de la cohérence interne et externe du document d’urbanisme
A. L’annulation du jugement pour irrégularité et l’évocation du litige
La Cour administrative d’appel censure d’abord la décision des premiers juges qui n’avaient pas répondu à l’ensemble des moyens soulevés par les demandeurs lors de l’instance. Le Tribunal administratif de Rennes n’avait pas examiné le grief relatif à l’erreur manifeste d’appréciation entachant l’interdiction de toute construction nouvelle en zone urbaine. Cette omission de statuer entraîne l’annulation du jugement attaqué, la juridiction d’appel choisissant alors de faire usage de son pouvoir d’évocation pour trancher le fond. L’administration est tenue d’abroger un acte réglementaire illégal, comme le rappelle la Cour en citant l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration. Le juge doit apprécier cette légalité au regard des circonstances de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue sur le litige.
B. La souplesse de l’exigence de compatibilité avec les orientations supérieures
Les requérants soutenaient que le classement de leurs parcelles était incompatible avec le schéma de cohérence territoriale et le projet d’aménagement et de développement durables. La Cour précise que « l’inadéquation d’une disposition du règlement du plan local d’urbanisme à une orientation ou à un objectif (…) ne suffit pas nécessairement » à caractériser une incohérence. Le juge administratif privilégie une analyse globale à l’échelle du territoire couvert par le document d’urbanisme plutôt qu’une vérification ponctuelle parcelle par parcelle. Le classement contesté s’inscrit dans une stratégie de densification des centres-bourgs tout en préservant les espaces naturels périphériques conformément aux prescriptions du schéma de cohérence territoriale. Cette mise en œuvre de la loi littoral justifie une graduation de la constructibilité entre les secteurs d’agglomération dense et les zones d’urbanisation plus aérée.
II. La légitimité des restrictions au droit de construire en zone urbaine
A. La validité juridique de l’interdiction des constructions nouvelles en zone U
Le droit de l’urbanisme autorise l’autorité locale à définir des partis d’aménagement spécifiques pouvant aller jusqu’à l’interdiction totale de bâtir dans certains secteurs urbanisés. La Cour rappelle que « la légalité des prescriptions d’un plan local d’urbanisme ayant pour effet d’interdire dans une zone U la plupart des constructions nouvelles s’apprécie au regard du parti d’urbanisme retenu ». L’article L. 151-9 du code de l’urbanisme permet expressément au règlement de prévoir de telles interdictions en fonction des orientations générales définies par les auteurs du plan. Le classement en zone urbaine n’implique donc pas un droit inconditionnel à l’édification de nouveaux logements si le projet d’aménagement prévoit une modération de la consommation foncière. En l’espèce, le règlement permettait seulement l’extension substantielle des habitations existantes, ce qui concilie les intérêts des propriétaires avec les objectifs généraux de l’intercommunalité.
B. La justification environnementale excluant l’erreur manifeste d’appréciation
La restriction du droit de construire est validée dès lors qu’elle repose sur des motifs d’urbanisme objectifs et cohérents avec les caractéristiques physiques du secteur concerné. La zone litigieuse présentait une urbanisation plus faible et aérée dans un environnement où les éléments naturels demeurent prégnants aux abords immédiats du littoral breton. Le juge considère que les auteurs du plan ont agi avec le « souci d’éviter un étalement urbain, dans des secteurs sensibles de la commune littorale » pour préserver les paysages. Aucun détournement de pouvoir ni erreur de droit ne peut être utilement reproché à l’autorité publique qui limite la densification hors des centres-bourgs historiques. Le refus d’abroger la délibération est donc confirmé, la Cour rejetant les conclusions aux fins d’injonction présentées par les requérants à l’encontre de l’entité publique.