Cour d’appel administrative de Nantes, le 10 juin 2025, n°24NT01503

Par un arrêt rendu le 10 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Nantes précise les conditions de légalité d’un permis de construire collectif en zone littorale. Cette décision traite de la conformité d’un projet immobilier aux règles d’urbanisme locales et aux exigences de salubrité publique liées à la pollution des sols. Le maire d’une commune a délivré une autorisation pour l’édification de trente logements sur un terrain ayant accueilli une ancienne station-service automobile. Les voisins requérants contestent ce permis en invoquant notamment l’incomplétude du dossier de demande et la méconnaissance des orientations d’aménagement du plan local d’urbanisme. Le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande par un jugement rendu le 22 mars 2024 dont les intéressés font désormais appel. La question posée porte sur la régularité d’un projet immobilier face aux contraintes d’implantation routière et aux risques sanitaires découlant d’une pollution souterraine. Les juges d’appel confirment la solution de première instance en estimant que les critiques soulevées ne sont pas fondées au regard des pièces du dossier. L’arrêt sera commenté en examinant d’abord la régularité de la procédure d’instruction, puis l’appréciation portée sur l’insertion environnementale et sanitaire du projet.

I. La régularité de la procédure d’instruction et la conformité aux règles d’implantation

A. La portée limitée de l’incomplétude du dossier de demande de permis

Le juge administratif rappelle que l’insuffisance d’un dossier n’entraîne l’illégalité de l’autorisation que « dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative ». En l’espèce, la notice architecturale détaillait précisément l’insertion du bâtiment dans son environnement proche composé de villas de style Belle Époque. La cour souligne que le maire disposait des informations nécessaires sur la localisation des parcelles environnantes grâce au règlement graphique du plan local d’urbanisme. De plus, les prescriptions de l’architecte des bâtiments de France invitant à une simple coordination paysagère ne sauraient caractériser une quelconque incomplétude du dossier initial. Cette approche pragmatique protège la stabilité des autorisations d’urbanisme contre des griefs purement formels n’ayant aucune incidence réelle sur l’examen du projet.

B. La souplesse de l’implantation en l’absence de front urbain régulier

Concernant l’alignement par rapport aux voies, le règlement local imposait une implantation suivant la ligne des constructions existantes sous réserve d’un ordonnancement marqué. Les magistrats constatent qu’il n’existe pas aux abords du terrain « une ligne de construction, assimilable à un front urbain marqué par la régularité des constructions existantes ». En l’absence d’une telle continuité visuelle, les dispositions réglementaires permettaient au pétitionnaire d’implanter librement le bâtiment, y compris de manière perpendiculaire au boulevard. La cour refuse d’étendre les contraintes d’alignement dès lors que les parcelles voisines présentent des retraits disparates ou des clôtures sans organisation claire. Cette solution favorise la densification urbaine voulue par le droit contemporain tout en respectant la lettre des règlements d’urbanisme locaux alors applicables.

II. L’appréciation de l’insertion architecturale et de la sécurité sanitaire

A. La compatibilité globale avec les orientations d’aménagement et le paysage

L’examen de l’atteinte au paysage urbain suppose d’évaluer la qualité du site et l’impact de la construction en tenant compte des bâtiments remarquables environnants. La cour observe que le projet adopte des codes architecturaux variés tels que des modénatures, des corbeaux ou des épis de faîtage pour s’insérer harmonieusement. S’agissant des orientations d’aménagement et de programmation, le juge précise que la « compatibilité s’apprécie en procédant à une analyse globale des effets du projet sur l’objectif » poursuivi. Le projet n’est pas jugé incompatible avec la trame verte et bleue malgré l’abattage de deux arbres car il prévoit une restauration végétale significative. Les recommandations des orientations d’aménagement ne constituent pas des objectifs contraignants dont la méconnaissance ponctuelle suffirait à entacher l’arrêté d’une illégalité.

B. Le contrôle restreint sur les risques de pollution des sols

La sécurité publique peut justifier un refus de permis si l’opération expose les futurs occupants ou les tiers à des risques de pollution grave. Pour apprécier ce risque, l’autorité compétente doit tenir « compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences ». Le pétitionnaire a produit une attestation d’un bureau technique certifié garantissant la compatibilité sanitaire du projet avec l’état des sols après étude. La cour estime que la pose de dalles à engazonner sur trente centimètres de terres saines constitue une mesure de gestion suffisante et proportionnée. Le juge refuse de sanctionner l’absence de prescriptions plus contraignantes ou de dispositifs de contrôle pérennes en l’absence d’une erreur manifeste d’appréciation du maire. La validation de cette étude technique souligne la confiance accordée aux organismes spécialisés pour la requalification des anciens sites industriels en zone urbaine.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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