Cour d’appel administrative de Marseille, le 21 janvier 2025, n°23MA02302

La cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 21 janvier 2025, un arrêt relatif à la responsabilité de la puissance publique pour des dommages de travaux publics. Cette décision s’inscrit dans le contentieux de l’indemnisation des préjudices résultant des inondations exceptionnelles survenues dans la vallée du fleuve au cours du mois de décembre 2003. Un groupement agricole a sollicité la condamnation de l’État en réparation des pertes subies par ses installations suite à la submersion de ses terres par les eaux. Le tribunal administratif de Marseille ayant rejeté sa demande initiale en juin 2023, le requérant a interjeté appel devant la juridiction supérieure. La question posée aux juges consistait à déterminer si le caractère exceptionnel des intempéries constituait un cas de force majeure exonérant totalement l’administration de sa responsabilité. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en écartant toute faute ou défaut d’entretien imputable aux services étatiques. L’analyse portera d’abord sur la caractérisation de la force majeure avant d’étudier l’absence de manquements techniques ou administratifs de la puissance publique.

I. L’affirmation de la force majeure résultant de phénomènes naturels exceptionnels

A. Le caractère imprévisible d’une crue fluviale sans précédent

La cour souligne que les précipitations de décembre 2003 ont présenté une « ampleur exceptionnelle » ayant provoqué la saturation complète des sols et des ouvrages hydrauliques. Cet événement météorologique est qualifié par les magistrats de « sans précédent » par rapport aux données pluviométriques historiques connues sur une période de deux siècles. L’intensité du phénomène est étayée par les conclusions d’une conférence de consensus ayant relevé un débit particulièrement fort pour cette crue majeure du fleuve. La juridiction d’appel retient l’imprévisibilité de la situation pour rejeter les prétentions indemnitaires fondées sur la responsabilité sans faute du maître de l’ouvrage public.

B. L’irrésistibilité liée à la conjonction de facteurs météorologiques

L’arrêt précise que la conjonction d’une crue fluviale et d’une tempête marine caractérise une situation présentant un « caractère imprévisible et irrésistible ». La tempête marine a freiné le déversement des eaux vers la mer, aggravant ainsi mécaniquement le risque de submersion des parcelles agricoles situées en bordure. Cette accumulation de facteurs extérieurs permet de retenir la qualification de force majeure malgré les contestations du requérant sur l’origine exacte des désordres constatés. Les juges administratifs considèrent que ces éléments naturels constituent la cause déterminante et exclusive des dommages subis par l’exploitation agricole concernée. Une fois la force majeure établie, il convient d’examiner si des fautes de l’administration ont pu contribuer à l’aggravation des dommages.

II. L’exclusion de la responsabilité pour manquement aux obligations de service public

A. L’absence de lien de causalité avec les ouvrages de protection

Le requérant n’établit pas de lien de causalité direct entre « un quelconque ouvrage public identifié appartenant à l’État » et les dommages accidentels subis lors de l’inondation. La cour relève que le système d’endiguement incriminé appartient à une association syndicale et non aux services de l’État chargés de la police du fleuve. Les magistrats rappellent que la responsabilité du maître d’ouvrage ne peut être engagée sans la preuve d’un défaut de conception ou d’un mauvais entretien. En l’espèce, le collège d’experts n’a identifié aucun comportement « anormal » des aménagements de protection susceptible d’avoir eu des conséquences aggravantes sur le sinistre.

B. La régularité de l’action administrative en matière d’urbanisme

L’administration n’a commis aucune faute dans l’élaboration du plan de prévention des risques d’inondation ni dans la délivrance des autorisations d’urbanisme sur la zone. La cour observe que le document de planification n’a pas été sous-évalué au regard des méthodes scientifiques de prévision disponibles à la date de son approbation. Le bénéficiaire des permis de construire avait été dûment informé du « caractère inondable et submersible » de ses terres par des mentions explicites dans les arrêtés. Le juge conclut à l’absence de lien de causalité suffisant entre l’action administrative et le préjudice pour écarter toute indemnisation au titre de la faute.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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