Cour d’appel administrative de Lyon, le 3 juillet 2025, n°23LY03904

La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt du 3 juillet 2025, définit les conditions d’application des pénalités dans un marché public de services. Un office public de l’habitat décide de résilier deux contrats portant sur le nettoyage de résidences après avoir constaté plusieurs manquements du titulaire. Le prestataire évincé saisit la juridiction administrative afin d’obtenir le versement d’un arriéré de rémunération en contestant la régularité du décompte de résiliation. Le Tribunal administratif de Lyon rejette cette demande par un jugement rendu le 19 octobre 2023 dont l’entreprise demande l’annulation devant le juge d’appel. La requérante affirme que les sanctions financières sont irrégulières car l’administration n’a pas prouvé la matérialité des faits par un constat contradictoire préalable. La question posée au juge porte sur la validité des preuves unilatérales produites par l’acheteur public pour justifier l’application de pénalités contractuelles. La cour rejette la requête en validant l’usage de documents internes dès lors que les clauses du marché organisent un tel mode de preuve. L’examen de cette décision invite à analyser la rigueur de l’application des pénalités contractuelles puis la souplesse admise dans l’administration des preuves.

I. La mise en œuvre rigoureuse des stipulations contractuelles relatives aux pénalités

A. La nature forfaitaire et automatique des sanctions pécuniaires

Les magistrats rappellent que ces sanctions « ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice » causé par l’inexécution des obligations nées du contrat de service. Leur application ne suppose pas la démonstration d’un dommage effectif subi par l’acheteur public puisque le seul constat d’une inexécution contractuelle suffit. Le juge administratif doit en principe appliquer les clauses pécuniaires convenues entre les parties sans pouvoir en modifier le montant ou les modalités habituelles. Cette solution confirme le caractère automatique de la sanction financière dès lors que le fait générateur prévu au contrat est effectivement caractérisé par l’acheteur.

B. L’encadrement temporel de la sanction par la résiliation

Le litige portait également sur la durée d’application des retenues financières après la fin effective de la relation contractuelle entre les deux parties signataires. La cour observe que l’administration a limité les pénalités à la période précédant la prise d’effet de la décision de résiliation unilatérale du marché. Toute sanction appliquée pour une absence de prestation postérieure au 15 septembre 2019 aurait été dépourvue de fondement juridique dans l’espèce soumise au juge. La validité du décompte de résiliation repose ainsi sur la distinction précise entre les fautes passées du titulaire et l’extinction de ses obligations futures.

II. Un régime probatoire assoupli au profit de la personne publique

A. La licéité des constats non contradictoires de l’administration

La société requérante invoquait l’absence de vérifications contradictoires pour nier la réalité des manquements qui lui étaient reprochés par son ancien cocontractant public. L’arrêt souligne pourtant qu’aucune règle générale n’impose la présence du prestataire lors de la constatation des défauts d’exécution par les agents de l’administration. Le cahier des clauses techniques particulières permettait au pouvoir adjudicateur de réaliser des « évaluations inopinées à tout moment » selon les termes cités par le juge. Cette faculté contractuelle écarte l’exigence d’une procédure contradictoire préalable à l’application des sanctions prévues par le cahier des clauses administratives particulières du marché.

B. L’aménagement conventionnel de la charge de la preuve

L’administration apporte la preuve des manquements en produisant des courriels circonstanciés ainsi que des photographies des lieux prises par ses propres responsables de résidence. Le contrat stipule qu’en cas de contestation, « il appartiendra au titulaire de prouver que les conditions d’application » des pénalités ne sont pas remplies. Cette inversion conventionnelle de la charge de la preuve renforce considérablement la position du pouvoir adjudicateur dans le règlement du litige né de l’exécution. Le prestataire ne parvenant pas à démontrer la bonne exécution des tâches commandées voit sa requête rejetée par la Cour administrative d’appel de Lyon.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture