Cour d’appel administrative de Douai, le 26 juin 2025, n°23DA00553

La cour administrative d’appel de Douai, dans son arrêt du 26 juin 2025, a tranché un litige portant sur la légalité d’un refus d’autorisation environnementale.

Une société a sollicité l’autorisation d’exploiter cinq éoliennes sur le territoire de deux communes avant de se heurter au silence puis au refus exprès du préfet.

L’administration a fondé son rejet sur la préservation de l’avifaune, la protection de sites naturels remarquables et la sauvegarde de l’aspect d’un château médiéval classé.

La société requérante a alors saisi le juge administratif pour obtenir l’annulation de cet acte ainsi que la délivrance, sous astreinte, de l’autorisation sollicitée.

Des acteurs locaux, incluant une association de défense de l’environnement et une commune limitrophe, sont intervenus à l’instance pour soutenir la position de l’État.

Le juge devait préciser si l’impact d’un parc éolien sur des paysages à dimension culturelle et mémorielle peut légalement justifier un refus d’autorisation administrative.

La juridiction administrative confirme la validité de l’arrêté préfectoral en estimant que la protection du patrimoine paysager et architectural prime sur les intérêts du pétitionnaire.

I. L’appréhension renouvelée de la protection paysagère par l’intégration d’une dimension culturelle

A. La consécration juridique de la dimension artistique du paysage

Le juge rappelle d’abord que l’autorité préfectorale doit apprécier la qualité du site ainsi que l’impact réel de l’installation projetée sur son environnement global.

La décision souligne que le paysage est une « partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels ».

Cette définition permet d’intégrer des « dimensions historiques, mémorielles, culturelles et artistiques, y compris littéraires » dans l’analyse de la légalité d’une décision prise par le préfet.

En l’espèce, l’autorité administrative a valablement pris en compte le caractère fantastique des lieux ayant inspiré des artistes renommés pour caractériser l’atteinte portée par les éoliennes.

B. L’objectivation de l’atteinte portée à un site naturel d’intérêt exceptionnel

L’arrêt précise que les sites concernés constituent un ensemble géologique et naturel présentant un « intérêt exceptionnel à l’échelle du département » et de la région entière.

La cour constate que malgré la végétation, le parc sera « presque totalement visible pour les visiteurs » en raison de la proximité immédiate entre les machines et le sommet.

L’insuffisance de l’étude paysagère, qui n’a pas été complétée malgré les demandes de l’autorité environnementale, conforte le juge dans son appréciation de l’erreur manifeste.

Cette visibilité importante porte une atteinte substantielle à la conservation d’un espace dont la beauté naturelle doit être impérativement préservée des modifications industrielles lourdes.

II. La sanction de l’atteinte patrimoniale et la validation de la décision administrative globale

A. La protection de l’intégrité visuelle des monuments historiques classés

La protection du patrimoine monumental constitue le second pilier du raisonnement tenu par la cour administrative d’appel de Douai pour rejeter les conclusions de la société.

Le monument historique en cause, bien que partiellement détruit, bénéficie d’une protection ancienne et d’un intérêt patrimonial majeur qui justifie une vigilance particulière lors de l’instruction.

L’instruction a révélé une covisibilité réelle entre les aérogénérateurs et l’édifice, car les machines seront visibles en période hivernale et partiellement durant la saison estivale.

Le juge écarte les conclusions de l’étude d’impact qui minimisait cette atteinte, jugeant au contraire que l’impact du projet sur le monument doit être considéré comme fort.

B. L’application de la théorie des motifs déterminants pour le maintien du refus

La cour examine enfin les différents motifs du refus pour déterminer si l’illégalité de l’un d’eux doit entraîner l’annulation totale de la décision administrative contestée.

Si le motif tiré de la protection du rapace migrateur semble entaché d’une erreur d’appréciation, les autres raisons invoquées par le préfet demeurent juridiquement solides et fondées.

L’administration « aurait pris la même décision de refus » si elle ne s’était fondée que sur les seules atteintes paysagères et patrimoniales dont la légalité est établie.

Cette substitution opérée par le juge permet de maintenir l’acte administratif, rejetant ainsi définitivement les demandes de la société pétitionnaire pour l’implantation de son parc.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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