Conseil constitutionnel, Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 28 juillet 1989, une décision fondamentale concernant la loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier. Les auteurs de la saisine contestaient plusieurs dispositions renforçant les prérogatives d’une autorité administrative, notamment son pouvoir de prononcer des sanctions pécuniaires importantes. Ils invoquaient une méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs, de l’indépendance nécessaire de l’organe de contrôle et du principe de légalité des délits. La question posée aux juges consistait à déterminer si une autorité administrative peut constitutionnellement infliger des sanctions punitives et cumuler ses pouvoirs avec des poursuites pénales. Le Conseil valide l’existence de ce pouvoir de sanction administratif sous réserve du respect de garanties procédurales strictes et d’un plafonnement global des amendes. La reconnaissance d’une compétence répressive administrative s’accompagne ainsi d’un encadrement rigoureux des garanties procédurales et du contrôle du cumul des sanctions.

I. La consécration encadrée d’un pouvoir de sanction administratif

A. La conformité constitutionnelle de la répression non juridictionnelle

Le Conseil constitutionnel affirme que le principe de la séparation des pouvoirs ne s’oppose pas à l’attribution d’un pouvoir de sanction à une autorité administrative. Cette prérogative de puissance publique est toutefois limitée par l’exigence que « la sanction susceptible d’être infligée est exclusive de toute privation de liberté ». Le législateur peut déléguer une part de la répression aux autorités de régulation pour assurer l’efficacité de la surveillance des marchés financiers spécialisés. L’exercice de ce pouvoir doit impérativement s’accompagner de « mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis » afin d’éviter tout arbitraire administratif. La nature non juridictionnelle de l’autorité ne dispense donc pas le législateur de définir précisément les incriminations et les échelles de sanctions applicables.

B. Les garanties d’indépendance et d’impartialité de l’autorité

La validité constitutionnelle des sanctions administratives repose sur l’indépendance effective des membres composant l’organe chargé de les prononcer devant les assujettis. Le Conseil examine la composition de la commission, relevant que le mode de désignation et la durée fixe des mandats garantissent son autonomie suffisante. L’absence d’un régime d’incompatibilité exhaustif pour l’ensemble des membres ne constitue pas une faille dès lors que l’organe est soumis à une « obligation d’impartialité ». Cette exigence déontologique s’applique à tout organisme administratif prenant des décisions individuelles ayant le caractère d’une punition dans le cadre de ses missions de régulation. Le financement de l’autorité par des redevances plutôt que par des crédits budgétaires directs est également jugé compatible avec son indépendance institutionnelle.

II. La limitation impérative du cumul répressif et la sauvegarde des droits

A. L’exigence de proportionnalité face à la pluralité des poursuites

Le cumul des sanctions administratives et pénales pour les mêmes faits est admis, mais il se heurte au principe de proportionnalité des peines. Si la règle interdisant de punir deux fois n’empêche pas la double poursuite, elle impose néanmoins que « le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé ». Les autorités administratives et judiciaires doivent veiller à ce que l’addition des amendes ne conduise pas à une sévérité excessive au regard du profit réalisé. Cette réserve d’interprétation garantit que la répression financière ne devienne pas manifestement disproportionnée par rapport à la gravité des manquements constatés lors de l’instruction. Le respect de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme s’impose ainsi à toute autorité investie d’un pouvoir de punition.

B. L’interdiction du cumul des fonctions de juge et de partie

Le Conseil constitutionnel censure la disposition permettant au président de l’autorité de régulation d’exercer les droits de la partie civile devant les juridictions pénales. Cette faculté de déclencher des poursuites et de demander des dommages-intérêts créerait un déséquilibre manifeste au détriment de la défense de la personne poursuivie. « Le respect des droits de la défense fait obstacle » à ce qu’une même autorité puisse être simultanément juge administratif et partie plaignante lors d’un procès criminel. L’exercice concurrent de ces prérogatives porterait atteinte au principe d’équité procédurale en permettant à l’accusateur public d’intervenir avec des pouvoirs exorbitants du droit commun. La protection constitutionnelle des droits de la défense impose de séparer strictement les fonctions de sanction administrative des interventions dans la procédure judiciaire répressive.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture