Le Conseil constitutionnel se prononce, le 25 juillet 1989, sur la conformité de la loi relative à la définition et à la mise en œuvre de principes d’aménagement. Les parlementaires auteurs de la saisine critiquent particulièrement les nouveaux critères de qualification des terrains à bâtir ainsi que le régime de déclaration préalable des divisions foncières. Ils soutiennent que ces dispositions méconnaissent la protection de la propriété privée, la compétence du juge judiciaire, le principe d’égalité et la réserve de compétence législative. La question posée au juge constitutionnel est de savoir si l’intervention de l’administration dans la qualification des biens et l’exercice du droit de propriété porte une atteinte inconstitutionnelle à ce dernier. Le Conseil constitutionnel écarte les griefs en distinguant la liberté individuelle du droit de propriété et en validant des limitations justifiées par l’intérêt général. L’analyse de cette décision suppose d’examiner l’encadrement du rôle du juge face aux critères administratifs avant d’étudier la légitimité des restrictions apportées à la libre disposition des sols.
I. L’encadrement juridictionnel de la propriété face aux critères administratifs
A. La distinction constitutionnelle entre liberté individuelle et droit de propriété
Les auteurs de la saisine affirment que le juge judiciaire, garant des libertés individuelles selon l’article 66 de la Constitution, doit impérativement intervenir dans la protection de la propriété. Le Conseil constitutionnel répond de manière restrictive en précisant que « celui-ci concerne la liberté individuelle et non le droit de propriété ». Cette solution écarte l’idée d’un bloc de garanties constitutionnelles fusionnant la protection physique des personnes et la protection de leur patrimoine immobilier. Le droit de propriété ne bénéficie donc pas de la protection automatique de l’autorité judiciaire au titre de l’article 66 précité. Cette distinction fondamentale permet au législateur d’attribuer des compétences à l’administration sans heurter frontalement les prérogatives constitutionnelles du juge judiciaire.
B. La préservation de l’office du juge judiciaire en matière d’expropriation
La loi modifie les critères du terrain à bâtir en ajoutant un critère de constructibilité déterminé par les documents d’urbanisme. Le juge constitutionnel estime que l’administration ne dispose pas pour autant d’une « faculté de déterminer arbitrairement la qualification des biens immobiliers ». La garantie offerte par l’autorité judiciaire demeure intacte car elle « demeure seule compétente pour déterminer la consistance, l’usage et la valeur des biens ». Le juge de l’expropriation conserve ainsi le pouvoir d’écarter les servitudes administratives s’il constate, de la part de l’expropriant, une « intention dolosive ». Cette compétence résiduelle garantit que l’évaluation du prix du bien reste une prérogative judiciaire souveraine malgré l’influence des règles administratives d’urbanisme.
II. La validité des restrictions à la libre disposition du domaine foncier
A. Le caractère non privatif des limitations imposées par l’intérêt général
L’article 13 de la loi soumet certaines divisions foncières à une déclaration préalable pour protéger les milieux naturels et les paysages. Les requérants voient dans ce mécanisme une dénaturation de la propriété par la perte de la libre disposition du bien par son titulaire. Le Conseil considère toutefois que la loi « n’a ni pour objet ni pour effet d’entraîner la privation du droit de propriété ». Il s’agit d’une simple « limitation à certaines modalités de son exercice » qui ne présente pas un caractère de gravité suffisant. Cette restriction est validée car elle poursuit des « fins d’intérêt général définies avec une précision suffisante » par le texte législatif. L’atteinte n’est pas jugée disproportionnée au regard des objectifs de sauvegarde des sites et des équilibres biologiques.
B. La conformité des mesures aux principes d’égalité et de légalité
Le grief tiré de la violation du principe d’égalité est également écarté car la loi permet d’appliquer des règles différentes à des situations concrètes distinctes. La protection des sites naturels nécessite des appréciations locales que l’administration peut légitimement fonder sur des critères géographiques et environnementaux spécifiques. Concernant l’article 34 de la Constitution, le Conseil juge que le législateur a fixé de façon assez précise les limitations apportées au droit de propriété. Le renvoi au pouvoir réglementaire pour déterminer les conditions d’application de la déclaration préalable ne constitue pas une « délégation de la compétence législative ». La loi définit les principes fondamentaux tandis que le décret précise les modalités techniques de mise en œuvre de la publicité et de la procédure.