Conseil constitutionnel, Décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 27 novembre 2015, s’est prononcé sur la conformité de l’article L. 4614-13 du code du travail à la Constitution. Cette disposition législative concerne précisément la prise en charge financière des expertises sollicitées par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Une société a contesté la légalité d’une délibération ordonnant une expertise technique au sein de son établissement pour évaluer des risques professionnels identifiés. La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 mai 2013, a confirmé l’imputation définitive des frais à l’employeur. Cette solution s’applique même si l’annulation judiciaire de l’expertise intervient après l’achèvement de la mission réalisée par l’expert agréé désigné par le comité.

La requérante soutient que cette interprétation jurisprudentielle constante méconnaît le droit au recours juridictionnel effectif ainsi que le droit de propriété garanti par la Déclaration de 1789. Les parties intervenantes invoquent également une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre de l’employeur découlant de l’absence d’effet suspensif du recours judiciaire.

La question posée au Conseil constitutionnel est de savoir si l’obligation pour l’employeur de rémunérer une expertise ultérieurement annulée constitue une violation des droits constitutionnels. Les juges soulignent le manque de garanties légales entourant cette procédure de contestation judiciaire dépourvue de délai de jugement contraignant et d’efficacité réelle.

L’inconstitutionnalité prononcée repose sur l’absence de conciliation équilibrée entre les exigences de protection de la santé des travailleurs et le respect des droits de l’employeur. Les développements suivants analyseront l’insuffisance du recours juridictionnel avant d’examiner la protection concrète apportée au droit de propriété des entreprises.

I. L’insuffisance manifeste du recours juridictionnel effectif

A. Un recours dépourvu d’efficacité pratique

La Haute Juridiction observe que « l’expert peut accomplir sa mission dès que le comité […] fait appel à lui, nonobstant un recours formé par l’employeur ». Cette possibilité d’exécution immédiate rend la contestation de la nécessité de l’expertise purement théorique lorsque les travaux sont déjà achevés. En effet, l’employeur se trouve contraint de financer des diligences dont le bien-fondé juridique a pourtant été formellement infirmé par une décision de justice.

B. L’absence de garanties procédurales de célérité

Le Conseil relève qu’aucune disposition n’impose au juge judiciaire « de statuer dans un délai déterminé » sur le recours formé contre la délibération du comité. Le président du tribunal de grande instance siège certes en urgence, mais la durée réelle de l’instance permet souvent à l’expertise d’arriver à son terme. Dès lors, la combinaison de l’absence d’effet suspensif et de l’incertitude temporelle du jugement vide de sa substance le droit au recours effectif.

II. La sauvegarde nécessaire du droit de propriété de l’employeur

A. Une atteinte disproportionnée au patrimoine de l’entreprise

Les juges considèrent que l’employeur est « privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l’exercice d’une voie de recours » légalement prévue. L’obligation de payer les honoraires d’une mission indue constitue une charge financière injustifiée qui ne saurait être compensée par la simple participation des travailleurs. Ainsi, le législateur a méconnu les principes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 en n’organisant pas de procédure garantissant la restitution des sommes.

B. La modulation temporelle de la décision de censure

Le Conseil constitutionnel déclare le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4614-13 du code du travail contraires à la Constitution. Toutefois, l’abrogation immédiate créerait un vide juridique préjudiciable à la mise en œuvre des expertises nécessaires à la sécurité et à la santé des salariés. Le juge reporte donc les effets de cette déclaration au 1er janvier 2017 pour permettre au législateur d’adopter de nouvelles dispositions conformes aux exigences constitutionnelles.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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