Conseil constitutionnel, Décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013

Par sa décision du 11 avril 2013, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité de la loi préparant la transition vers un système énergétique sobre. Les parlementaires requérants contestaient plusieurs mesures, notamment l’instauration d’un dispositif de bonus-malus sur les consommations domestiques d’énergies de réseau. Ils invoquaient principalement une méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques ainsi qu’une atteinte disproportionnée au droit de propriété. La question centrale résidait dans la validité constitutionnelle de critères de différenciation tarifaire au regard d’un objectif d’intérêt général de sobriété. Le Conseil constitutionnel a prononcé la censure du système de tarification progressive tout en validant les dispositions relatives à l’effacement électrique et à l’éolien.

I. La censure du dispositif de bonus-malus au nom de l’égalité devant les charges publiques

A. L’incohérence du périmètre d’application restreint aux seules consommations domestiques

Le législateur a entendu créer un mécanisme incitatif visant à réduire la consommation d’électricité, de gaz naturel et de chaleur en réseau. Pour respecter l’article 13 de la Déclaration de 1789, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels. Le Conseil constitutionnel souligne ici que « l’exclusion de toutes les consommations professionnelles est sans rapport avec l’objectif de maîtrise des coûts de production ». Cette distinction crée une rupture d’égalité injustifiée puisque des locaux identiques subiraient des régimes opposés selon leur usage domestique ou tertiaire. Le juge précise que « les différences de traitement qui résultent du choix de réserver le dispositif […] aux seules consommations domestiques méconnaissent l’égalité devant les charges publiques ».

B. L’échec de l’objectif de responsabilisation individuelle dans l’habitat collectif

Le mécanisme prévoyait des modalités de calcul spécifiques pour les immeubles pourvus d’installations communes de chauffage alimentées par une énergie de réseau. La loi imposait une répartition du bonus-malus au prorata des charges de chauffage en cas d’impossibilité technique d’installer des compteurs individuels. Le Conseil constate que pour les logements dotés de compteurs, la répartition « ne tient compte ni des unités de consommation […] ni […] de la distinction entre les résidences principales et les résidences occasionnelles ». Une telle organisation ne permettait pas de remplir l’objectif affiché de responsabilisation de chaque consommateur au regard de sa consommation réelle. Les dispositions de l’article 2 sont donc déclarées contraires à la Constitution car elles n’assurent pas le respect de l’égalité entre les usagers.

II. La validation des mécanismes de régulation technique et de promotion des énergies renouvelables

A. La préservation du droit de propriété face au dispositif d’effacement de consommation

L’article 14 de la loi autorise les opérateurs à procéder à des effacements de consommation indépendamment de l’accord préalable du fournisseur d’électricité. Les requérants dénonçaient une dépossession autoritaire et une atteinte injustifiée au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Le Conseil répond que l’effacement permet « d’éviter une consommation plus importante en particulier en cas de déséquilibre » sur un réseau non stockable. Le juge constitutionnel estime que le mécanisme ne prive pas le fournisseur de sa rémunération pour l’électricité effectivement injectée et consommée par ses clients. Les sages concluent alors que ces dispositions « ne portent aucune atteinte au droit de propriété » compte tenu de la nature particulière du bien concerné.

B. L’assouplissement encadré des règles d’implantation des installations éoliennes

La loi modifie les codes de l’énergie et de l’urbanisme pour faciliter le développement de l’éolien, notamment dans les départements d’outre-mer et le littoral. Les requérants invoquaient une atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ainsi qu’une méconnaissance de l’article 6 de la Charte de l’environnement. Le Conseil rejette ces griefs en soulignant que la suppression des zones de développement de l’éolien n’affecte pas les compétences fiscales ou administratives locales. Le législateur a simplement entendu « favoriser l’implantation des éoliennes et le développement des énergies renouvelables » dans un cadre juridique qui demeure contraignant. L’implantation reste assujettie aux règles générales d’urbanisme et à la législation des installations classées, assurant ainsi la conciliation entre développement économique et protection environnementale.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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