Le Conseil constitutionnel a rendu, le 26 avril 2013, une décision relative à l’exercice du droit de préemption par le représentant de l’État dans le département. Cette espèce soulève la question de la constitutionnalité du pouvoir de substitution conféré au préfet en cas de carence constatée en matière de logement social. Une personne morale a contesté les dispositions du code de l’urbanisme permettant ce transfert de compétence automatique au détriment des autorités locales initialement compétentes. La requérante soutenait que ce dispositif portait une atteinte disproportionnée à la libre administration des collectivités territoriales sans garantir un contrôle juridictionnel réel. Saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a examiné si cette mesure d’exécution respectait les équilibres fixés par le texte suprême. Les juges ont considéré que la poursuite d’un but d’intérêt général justifiait amplement ces modalités d’intervention exceptionnelle des services déconcentrés de la République. L’étude du transfert de compétence préfectorale précèdera l’analyse des garanties juridictionnelles entourant ce mécanisme de substitution.
I. La substitution préfectorale au service de l’intérêt général
A. Le mécanisme de carence et le transfert de compétence
Le législateur a prévu que le droit de préemption est exercé par le représentant de l’État pendant la durée d’un arrêté préfectoral de carence spécifique. Ce mécanisme s’applique lorsque l’aliénation porte sur un terrain « affecté au logement ou destiné à être affecté à une opération ayant fait l’objet de la convention ». Cette substitution intervient suite au non-respect par la commune de ses objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux fixés par le programme local d’habitat. La décision précise que ces dispositions « ont pour objet de remédier au non-respect par la commune en cause de l’objectif de construction » légalement poursuivi. Le transfert de compétence ne constitue pas une sanction arbitraire mais une modalité technique visant à garantir l’application effective de la loi sur le territoire.
B. Une atteinte encadrée à la libre administration
L’article 72 de la Constitution dispose que les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus dans les conditions strictement prévues par la loi ordinaire. Le Conseil constitutionnel souligne toutefois que le représentant de l’État a la charge des intérêts nationaux et du contrôle administratif du respect des lois. La haute instance affirme que l’atteinte à la libre administration « ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi » par le législateur. Celui-ci peut valablement prévoir l’intervention préfectorale pour pallier l’absence de décision des autorités décentralisées lorsque la mise en œuvre des lois est compromise. Cette conciliation entre autonomie locale et prérogatives régaliennes assure la pérennité des politiques publiques de solidarité nationale au sein de la République décentralisée.
Si la substitution préfectorale sert un but d’intérêt général, elle doit néanmoins s’accompagner d’un encadrement rigoureux pour préserver l’État de droit.
II. La préservation de l’équilibre par le contrôle juridictionnel
A. La définition précise du pouvoir de substitution
Le juge constitutionnel exige que les conditions posées pour l’exercice par le représentant de l’État de ses pouvoirs de substitution soient toujours clairement définies. L’objet et la portée de la compétence ainsi déléguée au préfet sont ici « précisément définis en adéquation avec l’objectif poursuivi » par l’autorité publique. La décision restreint strictement le champ d’application de la préemption aux seules opérations nécessaires à la réalisation des objectifs du programme local de l’habitat. Cette précision évite tout usage abusif ou excessif du pouvoir de substitution qui viderait totalement de sa substance la compétence originelle de la commune. La limitation temporelle et matérielle de l’intervention étatique garantit ainsi le respect des principes fondamentaux relatifs à la répartition des compétences territoriales françaises.
B. Le maintien de l’accès effectif au juge
La partie requérante craignait que le pouvoir de substitution ne soit soustrait à tout contrôle efficace du juge administratif ou du juge judiciaire compétent. Le Conseil constitutionnel rejette cet argument en rappelant que l’arrêté constatant la carence de la commune intervient nécessairement après une procédure contradictoire dûment menée. Ce constat de carence peut faire l’objet d’un « recours de pleine juridiction » permettant au magistrat de vérifier la réalité des manquements reprochés à l’autorité. La décision d’exercer effectivement le droit de préemption reste également susceptible d’un recours juridictionnel classique devant le tribunal administratif territorialement compétent pour statuer. Il n’en résulte pas que la mise en œuvre des dispositions contestées soit soustraite au contrôle effectif du juge garantissant les droits constitutionnels.