Conseil constitutionnel, Décision n° 2010-13 QPC du 9 juillet 2010

Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 9 juillet 2010, s’est prononcé sur la validité des mesures d’évacuation forcée applicables aux résidences mobiles. Des personnes habitant de façon itinérante ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité concernant les articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000. Les requérants soutenaient que le pouvoir reconnu au préfet d’ordonner le départ de résidences mobiles méconnaissait le principe d’égalité et la liberté d’aller et venir. Cette procédure intervient lorsqu’une commune respecte ses obligations d’accueil mais subit un stationnement illicite portant atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques. Le litige opposait initialement des occupants de terrains privés à l’autorité administrative devant le Conseil d’État avant d’atteindre les juges de la rue de Montpensier. La question posée portait sur la légitimité d’une procédure administrative dérogatoire au droit commun pour mettre fin à des occupations de terrains sans titre. Le Conseil constitutionnel écarte les griefs en affirmant que les dispositions contestées assurent une conciliation équilibrée entre l’ordre public et les libertés individuelles.

I. La reconnaissance d’une différence de situation fondée sur le mode de vie

A. La validité constitutionnelle des critères objectifs de distinction Le Conseil rappelle que le principe d’égalité impose que la loi soit la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Cependant, cette exigence n’interdit pas au législateur de traiter différemment des situations dissemblables si la différence de traitement demeure en rapport avec l’objet. En l’espèce, les dispositions s’appliquent aux personnes dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles et ayant choisi un mode de vie itinérant. Les juges considèrent que cette distinction repose sur des « critères objectifs et rationnels » cohérents avec l’objectif de gestion de l’ordre public. La spécificité des problématiques liées au stationnement des résidences mobiles justifie l’existence d’un régime juridique propre à cette catégorie de la population. L’utilité commune permet d’établir ces distinctions dès lors qu’elles visent à concilier l’accueil des personnes avec les droits légitimes des tiers.

B. L’absence de discrimination liée à l’origine des personnes Le grief tiré d’une rupture d’égalité devant la loi est rejeté par les sages après un examen approfondi de la portée du texte. La décision souligne que la loi ne fonde pas ses critères d’application sur une origine ethnique mais sur la nature matérielle de l’habitat. Les textes visent les individus vivant en résidences mobiles « quelles que soient leurs origines » et sans égard pour leur appartenance à une communauté. Cette approche neutre permet au Conseil d’affirmer que les dispositions « n’instituent aucune discrimination fondée sur une origine ethnique » contraire à la Constitution. La distinction opérée par le législateur se limite à prendre en compte les contraintes spécifiques imposées par un habitat mobile aux autorités locales. Par cette interprétation, la juridiction constitutionnelle préserve l’universalité de la loi tout en validant une adaptation nécessaire aux réalités sociales et matérielles.

II. L’encadrement protecteur des mesures de police administrative

A. La subordination de l’évacuation à la préservation de l’ordre public La liberté d’aller et venir constitue une composante essentielle de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789. Le législateur doit toutefois opérer la « conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public » pour assurer la vie sociale. L’évacuation forcée ne peut être mise en œuvre que si le stationnement est de nature à porter « atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». La procédure exige également une demande préalable du maire ou du propriétaire ainsi qu’une mise en demeure assortie d’un délai minimal de vingt-quatre heures. Ces conditions limitatives garantissent que l’usage de la force publique reste exceptionnel et strictement proportionné aux nécessités du maintien du calme urbain. Le juge constitutionnel estime que ces précautions législatives empêchent tout arbitraire administratif lors de l’exécution des mesures de départ forcé des occupants.

B. La présence de garanties juridictionnelles effectives La conformité des articles contestés repose largement sur l’existence d’un recours suspensif devant le juge administratif pour les personnes visées par la mise en demeure. Les intéressés disposent de la faculté de demander l’annulation de la décision préfectorale avant toute exécution forcée sur le terrain occupé sans titre. Le président du tribunal administratif de la ville concernée doit statuer dans un délai de soixante-douze heures pour garantir une protection efficace des droits. Le Conseil conclut que ces mécanismes assurent une conciliation qui n’est pas « manifestement déséquilibrée » entre la sauvegarde de l’ordre public et les libertés. La possibilité de contester la légalité de l’intervention administrative constitue un rempart essentiel contre les atteintes disproportionnées à la liberté personnelle des individus. Par cette décision de principe, la juridiction valide un dispositif d’exception tout en l’insérant dans un cadre de contrôle judiciaire rigoureux.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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