Le Conseil d’État, par une décision du 19 août 2025, se prononce sur la légalité du retrait d’un permis de construire tacitement obtenu par le pétitionnaire.
Une société sollicite l’autorisation d’édifier neuf logements, bénéficiant ainsi d’un accord implicite né du silence gardé par l’autorité municipale compétente pendant le délai d’instruction.
Le maire décide toutefois, par un arrêté postérieur, de refuser la délivrance de ce titre, procédant ainsi au retrait de la décision créatrice de droits illégale.
Saisi par la société, le tribunal administratif de Caen, dans un jugement du 1er décembre 2023, annule cet arrêté pour un vice de procédure affectant sa légalité.
Les premiers juges considèrent que l’administration a méconnu l’obligation d’une procédure contradictoire préalable prévue par le code des relations entre le public et l’administration.
La commune requérante demande alors l’annulation de ce jugement, soutenant que sa compétence était liée pour retirer une autorisation d’urbanisme manifestement contraire au règlement local.
La haute juridiction administrative doit déterminer si l’absence de procédure contradictoire entache d’illégalité le retrait d’un acte que l’administration était juridiquement tenue d’abroger.
Le Conseil d’État annule le jugement attaqué, jugeant inopérant le moyen tiré du défaut d’observations préalables en présence d’une situation de compétence strictement liée.
I. L’affirmation d’une compétence liée de l’autorité municipale
A. La méconnaissance caractérisée des règles d’urbanisme locales
L’annulation du retrait par les juges du fond reposait initialement sur une méconnaissance des garanties procédurales offertes aux administrés par la législation en vigueur.
Toutefois, le permis litigieux contrevenait aux dispositions de l’article U9 du règlement du plan local d’urbanisme limitant l’emprise au sol des constructions nouvelles.
Cette règle impérative dispose que « l’emprise au sol des constructions ne doit pas excéder 70% de la surface de la parcelle » concernée par le projet immobilier.
L’existence de cette violation flagrante du droit positif confère à la décision tacitement née un caractère illégal dès son apparition dans l’ordonnancement juridique administratif.
B. L’obligation de retrait d’un acte créateur de droits illégal
L’administration se trouve investie d’une obligation d’agir lorsqu’elle constate que l’autorisation accordée méconnaît les normes d’urbanisme applicables sur son propre territoire communal.
Le juge souligne que « l’application de ces dispositions n’appelait, en l’espèce, aucune appréciation de fait » de la part de l’autorité administrative saisie de la demande.
Le maire était donc « tenu de retirer le permis de construire tacitement accordé », sa marge d’appréciation étant totalement neutralisée par la situation factuelle de l’espèce.
La compétence liée s’oppose ici au pouvoir discrétionnaire, imposant une solution unique sans que les circonstances particulières ne puissent légalement en modifier l’issue.
II. L’éviction des garanties procédurales par l’inopérance du moyen
A. La neutralisation du défaut de procédure contradictoire préalable
L’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration impose normalement un échange contradictoire avant toute décision administrative individuelle défavorable.
Le non-respect de cette formalité constitue en principe un vice de forme substantiel de nature à entraîner l’annulation systématique de l’acte administratif contesté.
Néanmoins, le Conseil d’État juge ici que le moyen tiré de l’absence de cette procédure « était inopérant » face à la réalité d’une compétence liée.
L’administration n’ayant aucune alternative juridique, le respect du contradictoire n’aurait pu modifier le sens de la décision finale prise par l’autorité municipale compétente.
B. Une solution au service de la sécurité juridique des actes
La sanction d’un défaut de procédure serait vaine si l’administration devait nécessairement reprendre la même décision après avoir régularisé sa démarche administrative préalable.
En censurant le raisonnement du tribunal administratif de Caen, le juge privilégie la légalité interne de l’acte sur les exigences purement formelles du débat administratif.
Cette approche permet d’éviter des annulations contentieuses inutiles lorsque le résultat final est déterminé par la loi de manière strictement automatique et rigoureuse.
Le dossier est ainsi renvoyé devant le tribunal administratif de Caen afin que les magistrats statuent à nouveau sur la légalité de l’arrêté municipal contesté.