2ème – 7ème chambres réunies du Conseil d’État, le 1 juillet 2025, n°502802

Le Conseil d’État a rendu, le 1er juillet 2025, un avis relatif aux garanties procédurales entourant le constat de péremption d’un permis de construire. Une société a obtenu une autorisation d’urbanisme en 2015, dont la péremption fut constatée par une autorité administrative six ans plus tard. Saisi d’un recours en annulation, le tribunal administratif de Grenoble a transmis une demande d’avis au Conseil d’État en application du code de justice administrative. La question de droit portait sur l’obligation de motivation et de procédure contradictoire préalable à une telle décision de constat. La haute juridiction considère que l’administration doit motiver son acte et recueillir les observations du pétitionnaire avant de confirmer la caducité. Cette garantie s’efface néanmoins lorsque l’autorité se trouve en situation de compétence liée par le simple écoulement des délais légaux. L’avis consacre l’importance des garanties du pétitionnaire avant d’en préciser les limites liées à la nature du pouvoir administratif.

**I. L’affirmation du principe de garantie procédurale**

*A. L’assimilation du constat de péremption à une mesure de déchéance*

La péremption d’un permis de construire sanctionne l’absence de travaux ou leur interruption prolongée selon les dispositions du code de l’urbanisme. Le Conseil d’État considère que cette décision manifeste « l’opposition de l’autorité administrative à la réalisation du projet du pétitionnaire ». L’acte est alors analysé comme opposant une déchéance au bénéficiaire de l’autorisation initiale de construire le projet immobilier. Cette qualification juridique impose l’application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. La décision doit donc être motivée car elle retire au pétitionnaire le droit de construire attaché à son titre.

*B. L’exigence corrélative d’une procédure contradictoire préalable*

L’obligation de motivation entraîne le respect d’une procédure contradictoire en vertu de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public. Le pétitionnaire doit pouvoir présenter ses observations avant que l’administration ne décide souverainement de la caducité de son permis de construire. « La décision de constater la caducité d’une autorisation d’urbanisme » doit ainsi respecter les droits de la défense pour être régulière. L’administration ne peut évincer le droit acquis sans permettre au destinataire de contester utilement les motifs de cette opposition. Cette protection procédurale garantit la sécurité juridique du bénéficiaire face à une mesure administrative individuelle jugée défavorable.

**II. Les limites inhérentes à la compétence liée**

*A. La distinction fondée sur l’appréciation des faits*

L’application des garanties dépend de l’étendue du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité administrative lors de son examen des faits. Si l’administration évalue la nature ou l’importance des travaux entrepris, les moyens tirés des vices de procédure sont alors opérants. « L’autorité administrative est conduite à porter une appréciation sur les faits » pour déterminer si la péremption est réellement acquise. Dans cette hypothèse, l’absence de motivation ou de procédure contradictoire suffit à justifier l’annulation de la décision attaquée. Le juge administratif exerce alors un contrôle strict sur le respect des formes protectrices imposées par la loi.

*B. L’inopérance des vices de forme face au constat objectif du délai*

La solution diffère lorsque la décision procède du seul écoulement d’un délai dont le terme est juridiquement incontestable. L’autorité administrative se trouve alors « en situation de compétence liée » et ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour statuer. Les moyens tirés de l’insuffisance de motivation ou d’une irrégularité de procédure deviennent alors inopérants devant la juridiction administrative. L’administration ne pouvait prendre qu’une seule décision possible au regard de la situation objective constatée par les services. Le formalisme protecteur s’efface ici devant l’évidence du calendrier qui s’impose aux parties sans aucune appréciation subjective.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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