Par une décision rendue le 25 juillet 2025, le Conseil d’État précise les critères de qualification des limites de fond d’un terrain en matière d’urbanisme. L’administration municipale avait assorti un permis d’aménager d’une prescription imposant un recul minimal par rapport à certaines bordures considérées comme des limites de fond. La bénéficiaire de l’autorisation a alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise afin d’obtenir l’annulation de cette condition spécifique et l’établissement des limites exactes. Par un jugement du 20 septembre 2022, les premiers juges ont annulé l’article litigieux de l’arrêté sans toutefois faire droit au surplus des conclusions présentées. La commune a formé un pourvoi en cassation, lequel fut transmis à la haute juridiction administrative par un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles. Le juge de cassation doit déterminer si l’omission d’une note en délibéré vicie la procédure et comment définir les limites de fond d’une parcelle. Le Conseil d’État annule le jugement pour irrégularité avant de trancher le litige au fond en apportant une définition supplétive à la notion de limite séparative.
I. La protection des garanties procédurales et le contrôle de l’acte décisoire
A. Le rappel de l’obligation de mentionner la note en délibéré
Le Conseil d’État censure d’abord l’irrégularité du jugement rendu par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 20 septembre 2022 pour un défaut de visa. Il rappelle que « lorsqu’il est régulièrement saisi […] d’une note en délibéré émanant de l’une des parties, il appartient dans tous les cas au juge administratif d’en prendre connaissance ». Cette obligation de lecture s’accompagne d’une exigence formelle impérative consistant à mentionner la production de ladite note dans les visas de la décision juridictionnelle. En l’espèce, bien que la commune ait déposé un tel document après l’audience du 6 septembre 2022, les mentions obligatoires de la minute étaient absentes. Une telle omission méconnaît les dispositions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative et entraîne nécessairement l’annulation de la décision attaquée par le juge de cassation.
B. La nature juridique de la prescription comme acte faisant grief
Réglant l’affaire au fond, la haute juridiction rejette l’argument de la municipalité qui voyait dans la mention critiquée un simple rappel du droit existant. Le juge précise que ces dispositions « constituent non pas un simple rappel des obligations légales applicables […] mais une prescription dont le respect conditionne l’octroi du permis d’aménager ». Cette qualification est déterminante puisque la mesure affecte directement l’ordonnancement juridique et les droits du titulaire de l’autorisation d’urbanisme en modifiant son projet. La prescription possède donc un caractère décisoire suffisant pour que la requérante soit déclarée recevable à en contester la légalité devant la juridiction administrative. Le juge administratif peut ainsi contrôler si l’exigence imposée par l’autorité compétente repose sur une interprétation exacte des règles locales d’urbanisme.
II. L’identification technique des limites de fond et l’étendue de l’annulation
A. Le critère jurisprudentiel de l’absence de contact avec la voie publique
Le fond du litige repose sur l’interprétation de l’article UD 7-2 du règlement local, lequel impose un recul de six mètres par rapport aux limites de fond. Le Conseil d’État pallie le silence du texte municipal en affirmant que « les limites de fond d’un terrain […] doivent s’entendre comme celles qui ne constituent pas des limites latérales ». Il définit ces dernières comme les bordures de la parcelle ayant un contact direct avec une voie publique, une voie privée ou une emprise publique. La commune avait commis une erreur de qualification juridique en classant comme limites de fond des segments aboutissant pourtant à la rue Ernest Renan. Ces bordures constituaient des limites latérales en raison de leur contact avec la voirie, sans que la géométrie complexe de la parcelle ne puisse modifier cette analyse.
B. La divisibilité de la prescription et l’interdiction de substitution
La décision précise ensuite les conditions de l’annulation partielle en soulignant que le juge administratif doit vérifier la divisibilité de la prescription illégale. L’annulation n’est possible que si elle n’est pas « susceptible de remettre en cause la légalité de l’autorisation d’urbanisme » et si la condition ne forme pas un ensemble indivisible. En l’espèce, le retrait de la prescription relative à l’implantation n’affectait pas l’économie générale du permis d’aménager délivré le 18 mai 2020 par le maire. Le Conseil d’État prononce donc l’annulation du seul sixième alinéa de l’article 2 de l’arrêté contesté tout en rejetant les conclusions tendant à l’établissement juridictionnel des limites. Une telle demande de substitution est déclarée irrecevable car elle excède les pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir qui ne peut se substituer à l’administration.