10ème – 9ème chambres réunies du Conseil d’État, le 17 février 2025, n°469979

Le Conseil d’État a rendu, le 17 février 2025, une décision précisant le champ d’application des exonérations de taxe d’aménagement pour les bâtiments des exploitations agricoles. Une exploitation agricole a obtenu un permis de construire pour l’édification d’un haras comprenant un manège couvert de 1 400 m² destiné au dressage des chevaux. L’administration a assujetti l’intégralité de la construction à la taxe d’aménagement, refusant d’appliquer l’exonération spécifique aux surfaces dédiées à l’activité équestre au sein du manège. Le tribunal administratif de Caen a rejeté, par un jugement du 30 décembre 2021, la demande de réduction de la cotisation de taxe d’aménagement formulée par l’exploitation. Le Conseil d’État se trouve saisi d’un pourvoi en cassation assorti d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’égalité de traitement entre les structures équestres. La question posée est de savoir si un manège affecté au dressage peut bénéficier de l’exonération prévue pour les locaux de transformation et de conditionnement de produits agricoles. La haute juridiction considère que le manège constitue un local de transformation, justifiant ainsi l’annulation du jugement pour erreur de droit et le prononcé du dégrèvement sollicité.

I. L’assimilation du dressage équin à une opération de transformation de produits agricoles

A. Une interprétation fonctionnelle des locaux de production et de stockage

Le Conseil d’État analyse la nature de l’activité exercée sous le manège pour déterminer si les surfaces de plancher répondent aux critères d’exonération fixés par la loi. L’article L. 331-7 du code de l’urbanisme prévoit l’exonération des surfaces de plancher des locaux de transformation et de conditionnement des produits provenant directement de l’exploitation agricole. Le juge estime que « les locaux accueillant les manèges des centres équestres agricoles doivent être regardés, eu égard à la nature des activités qui y sont exercées », comme tels. Il précise que le manège sert à « la transformation, au sein d’un centre équestre agricole, de chevaux non dressés en chevaux dressés et entraînés » par l’exploitant. Cette approche repose sur une lecture concrète de l’usage du bâtiment, lequel participe directement à la valorisation commerciale des équidés nés ou élevés sur l’exploitation considérée.

B. L’articulation nécessaire avec les qualifications du code rural

La solution retenue par la juridiction administrative s’inscrit dans une cohérence globale avec les définitions législatives des activités agricoles données par le code de la pêche maritime. L’article L. 311-1 de ce code dispose que sont réputées agricoles les activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation économique. Le Conseil d’État lie la qualification fiscale de transformation à cette définition rurale, confirmant que le dressage constitue une étape nécessaire au cycle biologique de l’animal. Le tribunal administratif de Caen avait commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions fiscales ne prévoyaient pas l’exonération pour les centres équestres agricoles. Le juge de cassation rectifie cette interprétation en affirmant que l’entraînement équestre s’assimile juridiquement à une activité de transformation d’un produit brut en un produit fini.

Cette clarification sur la nature agricole de l’activité permet au Conseil d’État d’écarter toute rupture d’égalité entre les différents acteurs du secteur équestre national.

II. La garantie de l’égalité de traitement entre les différentes structures équestres

A. Le rejet motivé de la question prioritaire de constitutionnalité

L’exploitation soutenait que la loi méconnaissait les principes d’égalité devant les charges publiques en instaurant une différence de traitement injustifiée entre centres de loisir et agricoles. Le texte exonère explicitement les surfaces des bâtiments affectées aux activités équestres dans les centres de loisir, sans mentionner initialement les structures ayant un caractère agricole. Le Conseil d’État écarte ce grief en affirmant que « les dispositions contestées n’établissant ainsi aucune différence de traitement » réelle entre les deux catégories de centres équestres. Dès lors que l’exonération s’applique uniformément par le biais de la qualification de locaux de transformation, la question de constitutionnalité ne présente aucun caractère de sérieux. L’absence de transmission de la question au Conseil constitutionnel est justifiée par cette interprétation jurisprudentielle qui neutralise la distinction apparente opérée par le législateur fiscal.

B. La sécurisation fiscale des investissements dans les centres équestres agricoles

Le juge administratif assure une neutralité fiscale bienvenue pour les exploitants agricoles qui développent des infrastructures lourdes nécessaires au dressage et à la valorisation de leur cheptel. La décision entraîne la réduction de la cotisation de taxe d’aménagement par l’exclusion de l’assiette taxable de la surface de 1 400 m² correspondant au manège. Cette solution garantit que les centres équestres agricoles bénéficient d’un régime au moins aussi favorable que celui réservé par la loi aux centres équestres de pur loisir. Le Conseil d’État rappelle toutefois que les conclusions tendant au versement d’intérêts moratoires sont prématurées tant qu’un litige né et actuel relatif à leur paiement n’existe pas. La condamnation de l’État aux frais de procédure souligne la légitimité du combat mené par l’exploitation agricole pour faire reconnaître le caractère productif de ses bâtiments couverts.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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