Tribunal judiciaire de Marseille, le 13 juin 2025, n°24/05411
Rendue par le Tribunal judiciaire de Marseille le 13 juin 2025, l’ordonnance de référé statue sur une demande d’expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile et sur une demande de provision au titre de l’article 835. Deux sociétés, propriétaires d’un local commercial et d’une cave, invoquent des désordres récurrents dans un immeuble en copropriété, après des travaux entrepris en 2018 et une précédente expertise de 2020. Elles ont assigné le syndicat des copropriétaires, plusieurs copropriétaires et deux assureurs, en produisant des constats et rapports techniques récents. Les défendeurs s’opposent à l’expertise ou en sollicitent le strict encadrement, contestent toute provision et réclament le rejet des demandes accessoires.
La procédure révèle deux étapes déterminantes. D’abord, un premier référé en 2019 avait ordonné l’arrêt des travaux et désigné un expert, dont le rapport a été déposé en 2020. Ensuite, de nouvelles investigations et constats ont été produits en 2023 et 2024, puis une assignation en décembre 2024 a saisi le juge des référés aux fins d’une nouvelle mesure. Les demanderesses sollicitent une expertise complémentaire et une provision, les défendeurs opposent des réserves, invoquent des contestations de responsabilité et demandent le rejet des frais irrépétibles. La question posée tient à la caractérisation d’un motif légitime au sens de l’article 145, malgré des contestations sérieuses et un précédent rapport, et à l’octroi d’une provision en l’état de l’incertitude sur l’obligation. La décision ordonne une expertise limitée aux désordres listés dans les écritures et constats visés, met la consignation à la charge des demanderesses, rejette la provision ainsi que les demandes fondées sur l’article 700, et laisse les dépens à la charge des demanderesses.
L’ordonnance se fonde sur une jurisprudence constante pour définir le contrôle du juge des référés. Elle rappelle que « Il appartient uniquement au juge des référés de caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction, sans qu’il soit nécessaire de procéder préalablement à l’examen de la recevabilité d’une éventuelle action, non plus que de ses chances de succès sur le fond ». Elle ajoute qu’« Il suffit de constater qu’un tel procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée ». Elle s’inscrit enfin dans la lignée de « Civ. 2ème 10 décembre 2020 n° 19-22.619 » selon laquelle « Le motif légitime exigé par cet article doit être constitué par un ou plusieurs faits précis, objectifs et vérifiables », et de « Com. 18 janvier 2023 n° 22-19.539 » pour l’exigence que l’action au fond envisagée ne soit pas « manifestement compromise ». L’étude doit d’abord éclairer la consécration des critères de l’article 145 et le calibrage de la mission, puis apprécier la valeur du refus de provision et la portée des mesures accessoires.
I. Le contrôle du motif légitime et l’ordonnance d’expertise
A. Un standard probatoire confirmé et recentré sur l’utilité de la mesure
L’ordonnance reprend la grille classique qui dissocie nettement recevabilité de l’action future et utilité de la mesure d’instruction. Elle cite que « L’absence d’instance au fond […] doit s’apprécier à la date de la saisine du juge » et que l’existence de « contestations, même sérieuses […] ne constitue pas un obstacle » à l’article 145. Cette formulation, conforme à l’office du juge de l’évidence, préserve l’accès à la preuve lorsque le litige est plausible et déterminé, sans préjuger du bien-fondé de l’action.
Le cœur de la motivation retient une définition exigeante mais pragmatique du motif légitime. Est requis un faisceau d’indices « précis, objectifs et vérifiables » rendant l’instance future « plausible » et la mesure « utile » à sa solution. La présence de constats d’huissier, d’un rapport technique récent, et d’un différend persistant sur l’origine des désordres, répond à cette exigence, en cohérence avec « Civ. 2ème 10 décembre 2020 n° 19-22.619 ». L’évocation d’une action « non manifestement compromise » s’accorde avec « Com. 18 janvier 2023 n° 22-19.539 » et neutralise les contestations prématurées sur la prescription ou l’imputabilité.
B. Une application mesurée : limitation de l’objet et articulation avec l’expertise antérieure
Le juge ordonne l’expertise, mais « en la limitant aux désordres évoqués dans l’assignation et les dernières conclusions », tout en réintégrant ceux « constatés […] le 18 janvier 2019 » et non traités en 2020. La mission est donc circonscrite aux désordres dûment identifiés, avec un périmètre technique destiné à éviter les dérives investigatrices. Cette limitation garantit la proportionnalité de la mesure et prévient tout détournement de l’article 145 à des fins exploratoires.
L’ordonnance organise une articulation raisonnable avec le premier rapport. Elle n’ouvre pas un second débat général, mais comble les lacunes factuelles au regard d’éléments postérieurs, ce qui répond à l’exigence d’actualité des constatations. La charge de la provision initiale est logiquement mise à la charge des demandeurs de la mesure, corollaire de leur initiative probatoire. L’économie générale montre une fidélité à l’office du juge des référés, concentré sur l’utilité et la nécessité, sans préjuger des responsabilités finales.
II. Le refus de provision et les mesures accessoires
A. L’exigence d’une obligation non sérieusement contestable strictement entendue
Sur le fondement de l’article 835, la juridiction retient que « La demande de provision se heurte à des contestations sérieuses incontournables ». La motivation souligne que l’expertise « est précisément destinée à déterminer ou non l’existence d’un droit à indemnisation […] et […] à le quantifier ». Cette position traduit une application classique du critère d’évidence : l’obligation doit être certaine dans son principe et insusceptible de contestation sérieuse.
Dans un dossier où l’origine des désordres, l’imputation entre parties privatives et communes, et le rôle d’éventuels travaux restent débattus, l’évidence fait défaut. Le refus s’impose, afin d’éviter d’anticiper sur le jugement du fond. La cohérence interne de l’ordonnance est nette : l’utilité de l’expertise pour éclairer le fond postule l’absence d’évidence suffisante pour une provision immédiate.
B. Portée pratique et équilibre procédural des accessoires
Le rejet des demandes sur le fondement de l’article 700 s’inscrit dans une logique de neutralité financière en matière probatoire, d’autant qu’« l’équité ne commande pas, à ce stade, de faire application » de ces dispositions. Le rappel que la décision est « de plein droit, exécutoire par provision » conforte l’effectivité de la mesure ordonnée et prévient l’enlisement procédural.
Le choix de laisser les dépens à la charge des demandeurs de la mesure, dans un cadre de l’article 145, traduit un principe de responsabilisation de l’initiative probatoire. La portée de l’ordonnance est claire pour les litiges de copropriété et d’assurance : le juge réaffirme un standard d’accès à la preuve ouvert mais rigoureusement borné, refuse les avances indemnitaires en présence d’incertitudes techniques, et encadre strictement la mission pour servir le débat du fond sans le préempter. Cette ligne directrice sécurise la phase précontentieuse et protège la loyauté de l’instruction à venir.
Rendue par le Tribunal judiciaire de Marseille le 13 juin 2025, l’ordonnance de référé statue sur une demande d’expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile et sur une demande de provision au titre de l’article 835. Deux sociétés, propriétaires d’un local commercial et d’une cave, invoquent des désordres récurrents dans un immeuble en copropriété, après des travaux entrepris en 2018 et une précédente expertise de 2020. Elles ont assigné le syndicat des copropriétaires, plusieurs copropriétaires et deux assureurs, en produisant des constats et rapports techniques récents. Les défendeurs s’opposent à l’expertise ou en sollicitent le strict encadrement, contestent toute provision et réclament le rejet des demandes accessoires.
La procédure révèle deux étapes déterminantes. D’abord, un premier référé en 2019 avait ordonné l’arrêt des travaux et désigné un expert, dont le rapport a été déposé en 2020. Ensuite, de nouvelles investigations et constats ont été produits en 2023 et 2024, puis une assignation en décembre 2024 a saisi le juge des référés aux fins d’une nouvelle mesure. Les demanderesses sollicitent une expertise complémentaire et une provision, les défendeurs opposent des réserves, invoquent des contestations de responsabilité et demandent le rejet des frais irrépétibles. La question posée tient à la caractérisation d’un motif légitime au sens de l’article 145, malgré des contestations sérieuses et un précédent rapport, et à l’octroi d’une provision en l’état de l’incertitude sur l’obligation. La décision ordonne une expertise limitée aux désordres listés dans les écritures et constats visés, met la consignation à la charge des demanderesses, rejette la provision ainsi que les demandes fondées sur l’article 700, et laisse les dépens à la charge des demanderesses.
L’ordonnance se fonde sur une jurisprudence constante pour définir le contrôle du juge des référés. Elle rappelle que « Il appartient uniquement au juge des référés de caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction, sans qu’il soit nécessaire de procéder préalablement à l’examen de la recevabilité d’une éventuelle action, non plus que de ses chances de succès sur le fond ». Elle ajoute qu’« Il suffit de constater qu’un tel procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée ». Elle s’inscrit enfin dans la lignée de « Civ. 2ème 10 décembre 2020 n° 19-22.619 » selon laquelle « Le motif légitime exigé par cet article doit être constitué par un ou plusieurs faits précis, objectifs et vérifiables », et de « Com. 18 janvier 2023 n° 22-19.539 » pour l’exigence que l’action au fond envisagée ne soit pas « manifestement compromise ». L’étude doit d’abord éclairer la consécration des critères de l’article 145 et le calibrage de la mission, puis apprécier la valeur du refus de provision et la portée des mesures accessoires.
I. Le contrôle du motif légitime et l’ordonnance d’expertise
A. Un standard probatoire confirmé et recentré sur l’utilité de la mesure
L’ordonnance reprend la grille classique qui dissocie nettement recevabilité de l’action future et utilité de la mesure d’instruction. Elle cite que « L’absence d’instance au fond […] doit s’apprécier à la date de la saisine du juge » et que l’existence de « contestations, même sérieuses […] ne constitue pas un obstacle » à l’article 145. Cette formulation, conforme à l’office du juge de l’évidence, préserve l’accès à la preuve lorsque le litige est plausible et déterminé, sans préjuger du bien-fondé de l’action.
Le cœur de la motivation retient une définition exigeante mais pragmatique du motif légitime. Est requis un faisceau d’indices « précis, objectifs et vérifiables » rendant l’instance future « plausible » et la mesure « utile » à sa solution. La présence de constats d’huissier, d’un rapport technique récent, et d’un différend persistant sur l’origine des désordres, répond à cette exigence, en cohérence avec « Civ. 2ème 10 décembre 2020 n° 19-22.619 ». L’évocation d’une action « non manifestement compromise » s’accorde avec « Com. 18 janvier 2023 n° 22-19.539 » et neutralise les contestations prématurées sur la prescription ou l’imputabilité.
B. Une application mesurée : limitation de l’objet et articulation avec l’expertise antérieure
Le juge ordonne l’expertise, mais « en la limitant aux désordres évoqués dans l’assignation et les dernières conclusions », tout en réintégrant ceux « constatés […] le 18 janvier 2019 » et non traités en 2020. La mission est donc circonscrite aux désordres dûment identifiés, avec un périmètre technique destiné à éviter les dérives investigatrices. Cette limitation garantit la proportionnalité de la mesure et prévient tout détournement de l’article 145 à des fins exploratoires.
L’ordonnance organise une articulation raisonnable avec le premier rapport. Elle n’ouvre pas un second débat général, mais comble les lacunes factuelles au regard d’éléments postérieurs, ce qui répond à l’exigence d’actualité des constatations. La charge de la provision initiale est logiquement mise à la charge des demandeurs de la mesure, corollaire de leur initiative probatoire. L’économie générale montre une fidélité à l’office du juge des référés, concentré sur l’utilité et la nécessité, sans préjuger des responsabilités finales.
II. Le refus de provision et les mesures accessoires
A. L’exigence d’une obligation non sérieusement contestable strictement entendue
Sur le fondement de l’article 835, la juridiction retient que « La demande de provision se heurte à des contestations sérieuses incontournables ». La motivation souligne que l’expertise « est précisément destinée à déterminer ou non l’existence d’un droit à indemnisation […] et […] à le quantifier ». Cette position traduit une application classique du critère d’évidence : l’obligation doit être certaine dans son principe et insusceptible de contestation sérieuse.
Dans un dossier où l’origine des désordres, l’imputation entre parties privatives et communes, et le rôle d’éventuels travaux restent débattus, l’évidence fait défaut. Le refus s’impose, afin d’éviter d’anticiper sur le jugement du fond. La cohérence interne de l’ordonnance est nette : l’utilité de l’expertise pour éclairer le fond postule l’absence d’évidence suffisante pour une provision immédiate.
B. Portée pratique et équilibre procédural des accessoires
Le rejet des demandes sur le fondement de l’article 700 s’inscrit dans une logique de neutralité financière en matière probatoire, d’autant qu’« l’équité ne commande pas, à ce stade, de faire application » de ces dispositions. Le rappel que la décision est « de plein droit, exécutoire par provision » conforte l’effectivité de la mesure ordonnée et prévient l’enlisement procédural.
Le choix de laisser les dépens à la charge des demandeurs de la mesure, dans un cadre de l’article 145, traduit un principe de responsabilisation de l’initiative probatoire. La portée de l’ordonnance est claire pour les litiges de copropriété et d’assurance : le juge réaffirme un standard d’accès à la preuve ouvert mais rigoureusement borné, refuse les avances indemnitaires en présence d’incertitudes techniques, et encadre strictement la mission pour servir le débat du fond sans le préempter. Cette ligne directrice sécurise la phase précontentieuse et protège la loyauté de l’instruction à venir.