Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 25 juin 2025, n°22/16637
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 25 juin 2025, statue sur la validité d’une résolution d’assemblée interdisant les locations répétées à une clientèle de passage et sur sa compatibilité avec la destination de l’immeuble. Des copropriétaires louaient de manière saisonnière un lot situé dans un bâtiment régi par un règlement imposant l’habitation bourgeoise. Une résolution avait été adoptée pour prohiber de telles locations. Assignés en annulation, les copropriétaires ont été déboutés en première instance et condamnés à cesser l’activité, le tribunal retenant une contrariété au règlement. En appel, ils invoquaient la nature civile de la location meublée de tourisme, l’absence d’interdiction textuelle, la contrariété aux articles 8, 9 et 26 de la loi de 1965, l’équivalence des nuisances avec les professions libérales, ainsi qu’une autorisation administrative de changement d’usage. Le syndicat plaidait l’applicabilité du règlement de 1966, la clause d’habitation bourgeoise, l’incompatibilité d’un meublé de tourisme avec la destination, et l’exigence d’un vote unanime en cas de changement d’affectation. La question portait sur la compatibilité d’une location meublée de courte durée, exercée après changement d’usage, avec une clause d’habitation bourgeoise justifiée par la destination d’un immeuble de standing. La cour confirme le rejet de l’action en annulation par substitution de motifs, retenant l’incompatibilité d’un meublé de tourisme avec l’habitation bourgeoise.
I. Le sens de la décision
A. La clause d’habitation bourgeoise au regard de la destination de l’immeuble Le règlement applicable, antérieur et propre au bâtiment concerné, encadre strictement l’usage privatif en imposant une occupation bourgeoise. La cour cite l’article 6, selon lequel « les appartements ne pourront être occupés que “bourgeoisement”, sauf la possibilité d’y exercer une profession libérale ». Cette clause est replacée dans son cadre légal, la juridiction retenant que « suivant l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, une telle clause est parfaitement licite lorsqu’elle est justifiée par la destination de l’immeuble ». L’espèce révèle un ensemble de grand standing, à proximité de lieux touristiques, ce qui fonde la licéité et la rigueur de l’exigence. La clause borne la liberté d’usage des lots, sans effacer la faculté d’exercer des professions libérales explicitement prévues.
La résolution d’assemblée visant les locations répétées à une clientèle de passage éclaire le contexte. Elle mentionne l’interdiction des « locations impliquant une fréquence répétée à une clientèle de passage ». Toutefois, la cour ne fonde pas sa décision sur le seul vote collectif, mais sur la force normative du règlement, qui prime dès lors qu’il exprime la destination contractuelle. Le choix méthodologique est net. Les juges du fond abandonnent le critère incertain de la nature civile ou commerciale de l’activité pour privilégier le contrôle de compatibilité entre usage déclaré et destination fixée.
B. Le changement d’usage et la perte d’affectation à l’habitation en copropriété La clé du raisonnement réside dans l’articulation entre droit public de l’usage des locaux et droit privé de la copropriété. La cour rappelle que, hors résidence principale, l’activité suppose une autorisation administrative. Elle en tire une conséquence déterminante, énonçant que « il s’en déduit alors que le local n’est plus affecté à l’habitation au regard du droit de la copropriété ». Ce passage, central, opère une translation normative. Le changement d’usage, obtenu pour l’exercice d’un meublé de tourisme, fait écran à la qualification d’habitation au sens du règlement.
Sur ce fondement, l’incompatibilité est affirmée en des termes dépourvus d’ambiguïté. La cour retient que l’affectation en meublé de tourisme, « engendrant de nombreuses allées et venues de personnes étrangères à l’immeuble, est incompatible avec la clause d’habitation bourgeoise susvisée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère civil ou commercial de l’activité ». La distinction civil/commerce devient indifférente. Le contrôle opère par la destination et la finalité protectrice du standing, indissociables de la stabilité des occupations et de la prévisibilité des usages.
II. La valeur et la portée de la solution
A. La substitution de motifs et la hiérarchie des normes en copropriété La juridiction d’appel confirme la décision tout en substituant son propre raisonnement. Elle précise que « le jugement déféré sera donc confirmé par substitution de motifs ». Cette technique préserve le dispositif tout en rectifiant l’assise juridique. Elle conforte la hiérarchie des sources en copropriété. Le règlement, expression de la destination contractuelle, demeure le point d’ancrage du contrôle, tandis que la résolution d’assemblée est replacée dans un rôle d’appoint.
Cette approche présente une utilité méthodologique. Elle écarte un débat contingent sur la qualification économique de l’activité, afin de concentrer l’examen sur la compatibilité téléologique avec la clause d’habitation bourgeoise. Le contrôle se fait concret et finalisé. La destination intègre la qualité de vie et le standing, qui justifient l’admission des professions libérales mais refusent la rotation rapide des occupants. L’office du juge se précise ainsi autour d’un critère de cohérence interne du régime de l’immeuble.
B. Les incidences pratiques sur les régimes de location meublée La décision clarifie les lignes de partage. Une résidence principale louée ponctuellement, sans changement d’usage, relève d’un autre régime et appelle un contrôle distinct, toujours référé à la destination contractuelle. À l’inverse, l’obtention d’une autorisation de changement d’usage pour un meublé de tourisme emporte, en copropriété, un basculement d’affectation. Le lot sort du périmètre de l’habitation au sens du règlement et rencontre la barrière de la clause.
La portée est notable pour les immeubles de standing. Les règlements précis, qui distinguent l’habitation bourgeoise et les professions libérales, conservent une valeur structurante. La sécurité juridique s’en trouve renforcée. Les copropriétaires et gestionnaires disposent d’un critère fiable, centré sur la destination et la stabilité des usages, plutôt que sur des qualifications économiques discutables. Le dialogue entre autorisations administratives et engagements contractuels est mieux ordonné, chacun gardant son domaine et ses effets propres.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 25 juin 2025, statue sur la validité d’une résolution d’assemblée interdisant les locations répétées à une clientèle de passage et sur sa compatibilité avec la destination de l’immeuble. Des copropriétaires louaient de manière saisonnière un lot situé dans un bâtiment régi par un règlement imposant l’habitation bourgeoise. Une résolution avait été adoptée pour prohiber de telles locations. Assignés en annulation, les copropriétaires ont été déboutés en première instance et condamnés à cesser l’activité, le tribunal retenant une contrariété au règlement. En appel, ils invoquaient la nature civile de la location meublée de tourisme, l’absence d’interdiction textuelle, la contrariété aux articles 8, 9 et 26 de la loi de 1965, l’équivalence des nuisances avec les professions libérales, ainsi qu’une autorisation administrative de changement d’usage. Le syndicat plaidait l’applicabilité du règlement de 1966, la clause d’habitation bourgeoise, l’incompatibilité d’un meublé de tourisme avec la destination, et l’exigence d’un vote unanime en cas de changement d’affectation. La question portait sur la compatibilité d’une location meublée de courte durée, exercée après changement d’usage, avec une clause d’habitation bourgeoise justifiée par la destination d’un immeuble de standing. La cour confirme le rejet de l’action en annulation par substitution de motifs, retenant l’incompatibilité d’un meublé de tourisme avec l’habitation bourgeoise.
I. Le sens de la décision
A. La clause d’habitation bourgeoise au regard de la destination de l’immeuble
Le règlement applicable, antérieur et propre au bâtiment concerné, encadre strictement l’usage privatif en imposant une occupation bourgeoise. La cour cite l’article 6, selon lequel « les appartements ne pourront être occupés que “bourgeoisement”, sauf la possibilité d’y exercer une profession libérale ». Cette clause est replacée dans son cadre légal, la juridiction retenant que « suivant l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, une telle clause est parfaitement licite lorsqu’elle est justifiée par la destination de l’immeuble ». L’espèce révèle un ensemble de grand standing, à proximité de lieux touristiques, ce qui fonde la licéité et la rigueur de l’exigence. La clause borne la liberté d’usage des lots, sans effacer la faculté d’exercer des professions libérales explicitement prévues.
La résolution d’assemblée visant les locations répétées à une clientèle de passage éclaire le contexte. Elle mentionne l’interdiction des « locations impliquant une fréquence répétée à une clientèle de passage ». Toutefois, la cour ne fonde pas sa décision sur le seul vote collectif, mais sur la force normative du règlement, qui prime dès lors qu’il exprime la destination contractuelle. Le choix méthodologique est net. Les juges du fond abandonnent le critère incertain de la nature civile ou commerciale de l’activité pour privilégier le contrôle de compatibilité entre usage déclaré et destination fixée.
B. Le changement d’usage et la perte d’affectation à l’habitation en copropriété
La clé du raisonnement réside dans l’articulation entre droit public de l’usage des locaux et droit privé de la copropriété. La cour rappelle que, hors résidence principale, l’activité suppose une autorisation administrative. Elle en tire une conséquence déterminante, énonçant que « il s’en déduit alors que le local n’est plus affecté à l’habitation au regard du droit de la copropriété ». Ce passage, central, opère une translation normative. Le changement d’usage, obtenu pour l’exercice d’un meublé de tourisme, fait écran à la qualification d’habitation au sens du règlement.
Sur ce fondement, l’incompatibilité est affirmée en des termes dépourvus d’ambiguïté. La cour retient que l’affectation en meublé de tourisme, « engendrant de nombreuses allées et venues de personnes étrangères à l’immeuble, est incompatible avec la clause d’habitation bourgeoise susvisée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère civil ou commercial de l’activité ». La distinction civil/commerce devient indifférente. Le contrôle opère par la destination et la finalité protectrice du standing, indissociables de la stabilité des occupations et de la prévisibilité des usages.
II. La valeur et la portée de la solution
A. La substitution de motifs et la hiérarchie des normes en copropriété
La juridiction d’appel confirme la décision tout en substituant son propre raisonnement. Elle précise que « le jugement déféré sera donc confirmé par substitution de motifs ». Cette technique préserve le dispositif tout en rectifiant l’assise juridique. Elle conforte la hiérarchie des sources en copropriété. Le règlement, expression de la destination contractuelle, demeure le point d’ancrage du contrôle, tandis que la résolution d’assemblée est replacée dans un rôle d’appoint.
Cette approche présente une utilité méthodologique. Elle écarte un débat contingent sur la qualification économique de l’activité, afin de concentrer l’examen sur la compatibilité téléologique avec la clause d’habitation bourgeoise. Le contrôle se fait concret et finalisé. La destination intègre la qualité de vie et le standing, qui justifient l’admission des professions libérales mais refusent la rotation rapide des occupants. L’office du juge se précise ainsi autour d’un critère de cohérence interne du régime de l’immeuble.
B. Les incidences pratiques sur les régimes de location meublée
La décision clarifie les lignes de partage. Une résidence principale louée ponctuellement, sans changement d’usage, relève d’un autre régime et appelle un contrôle distinct, toujours référé à la destination contractuelle. À l’inverse, l’obtention d’une autorisation de changement d’usage pour un meublé de tourisme emporte, en copropriété, un basculement d’affectation. Le lot sort du périmètre de l’habitation au sens du règlement et rencontre la barrière de la clause.
La portée est notable pour les immeubles de standing. Les règlements précis, qui distinguent l’habitation bourgeoise et les professions libérales, conservent une valeur structurante. La sécurité juridique s’en trouve renforcée. Les copropriétaires et gestionnaires disposent d’un critère fiable, centré sur la destination et la stabilité des usages, plutôt que sur des qualifications économiques discutables. Le dialogue entre autorisations administratives et engagements contractuels est mieux ordonné, chacun gardant son domaine et ses effets propres.