Cour d’appel administrative de Versailles, le 30 janvier 2025, n°22VE00605

La Cour administrative d’appel de Versailles, par un arrêt rendu le 30 janvier 2025, précise les conditions de recevabilité de l’appel et les modalités d’indemnisation décennale. Un groupement conjoint a réalisé la reconstruction d’une station d’épuration pour un syndicat intercommunal d’assainissement dans le cadre d’un marché de conception-réalisation. L’exploitation de l’ouvrage a révélé une saturation prématurée des bassins de traitement, initialement prévus pour une capacité de dix-sept mille cinq cents équivalents-habitants. Une expertise judiciaire a conclu à un défaut de conception de l’installation, entraînant une condamnation provisionnelle du mandataire du groupement au profit du maître d’ouvrage. Le tribunal administratif de Versailles a ensuite fixé le montant définitif de l’indemnité mais a rejeté la demande de financement d’un ouvrage supplémentaire de traitement. Le syndicat, le sous-traitant et son assureur ont interjeté appel de ce jugement pour contester soit le montant alloué, soit le principe même de la responsabilité. Le litige soulève la question de la recevabilité de l’appel des intervenants ainsi que celle de l’intégration des plus-values dans le calcul du préjudice décennal. La juridiction administrative rejette les requêtes en rappelant les limites strictes de la qualité pour agir et les principes régissant l’évaluation des dommages immobiliers. L’examen des conditions de recevabilité des appels précédera l’analyse des règles relatives à la détermination de l’indemnité due par les constructeurs.

I. L’irrecevabilité des appels formés par les intervenants et observateurs

A. Le défaut d’intérêt à agir du sous-traitant

La cour rappelle que l’intervenant en première instance ne peut interjeter appel que s’il aurait eu qualité pour introduire lui-même le recours principal. Le sous-traitant ne disposait pas de cette faculté puisque l’action visait la fixation d’une indemnité consécutive à une ordonnance de référé provision. Le juge précise que « le recours prévu à l’article R. 541-4 du code de justice administrative n’est ouvert qu’au seul débiteur de la provision ». Le requérant n’étant pas le débiteur direct de la somme versée au maître d’ouvrage, sa requête est rejetée comme irrecevable malgré ses intérêts économiques. Cette irrecevabilité procédurale s’étend également aux tiers dont la participation devant les premiers juges s’est limitée à une simple observation du litige.

B. L’exclusion de l’assureur en qualité de simple observateur

La recevabilité de l’appel suppose que le requérant ait eu la qualité de partie ou d’intervenant lors de l’instance devant le tribunal administratif de Versailles. L’assureur a reçu communication de la demande de première instance sans toutefois faire l’objet de conclusions dirigées à son encontre par les autres parties. La juridiction estime que « la société n’avait ni la qualité d’intervenant, ni la qualité de défendeur mais la qualité de simple observateur » au cours de l’instruction. Cette position exclut toute possibilité pour l’assureur de contester le bien-fondé du jugement, faute d’avoir acquis la qualité de partie au litige initial. La définition de la qualité des parties conditionne l’accès au juge d’appel et précède l’examen du fond du droit relatif aux dommages immobiliers.

II. L’évaluation de l’indemnité au titre de la garantie décennale

A. Le rappel de la méthode de calcul du préjudice

L’indemnisation des désordres de nature décennale obéit à une règle stricte de comparaison entre le coût réel et le coût théorique de l’ouvrage commandé. Le juge définit l’indemnité comme la « différence entre le coût de construction de l’ouvrage défectueux… et le coût… dudit ouvrage sans aucun vice ». Cette méthode vise à compenser le préjudice réellement subi par le maître d’ouvrage sans pour autant lui procurer un enrichissement sans cause légitime. La cour confirme ainsi que la responsabilité des constructeurs ne saurait couvrir les dépenses que le propriétaire aurait dû engager pour un ouvrage conforme. Cette rigueur méthodologique dans l’appréciation du préjudice conduit logiquement à l’exclusion des travaux constituant une amélioration non prévue au contrat initial.

B. Le rejet de l’indemnisation pour cause de plus-value

Le maître d’ouvrage demandait le remboursement des travaux de création d’un cinquième lit de roseaux afin de pallier le sous-dimensionnement de l’installation existante. La juridiction rejette cette demande au motif qu’une telle réalisation constitue une plus-value par rapport au projet initialement prévu dans le marché public. Le coût de cet ouvrage supplémentaire « correspond à celui qu’aurait dû, en tout état de cause, s’acquitter le maître d’ouvrage » pour obtenir une capacité suffisante. La décision consacre l’exclusion des améliorations nécessaires à la destination de l’ouvrage du périmètre de la réparation due par les locateurs d’ouvrage. Cette exclusion des avantages indus garantit que la réparation se limite au strict rétablissement de la situation contractuelle initialement convenue entre les parties.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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