La Cour administrative d’appel de Nantes, par un arrêt rendu le 24 juin 2025, s’est prononcée sur la légalité d’un permis de construire industriel. L’autorité préfectorale avait accordé, en octobre 2020, l’autorisation de réaliser une unité de méthanisation agricole sur le territoire d’une commune rurale. Des riverains ont formé un recours gracieux puis contentieux devant le tribunal administratif de Nantes qui a rejeté leur demande en mars 2023. Les appelants soutenaient notamment que le dossier était insuffisant et que le projet méconnaissait les règles de sécurité ainsi que le plan local d’urbanisme. La juridiction devait déterminer si l’implantation d’une telle installation industrielle en zone agricole respectait les impératifs de salubrité publique et d’insertion paysagère. Elle écarte l’ensemble des moyens et confirme la validité de l’autorisation d’urbanisme en soulignant le caractère d’intérêt collectif de l’opération projetée.
I. La reconnaissance de la compatibilité du projet avec le zonage agricole
A. La consécration du caractère d’intérêt collectif de l’installation
Le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal autorise en zone agricole l’implantation des équipements d’intérêt collectif et des services publics nécessaires. La Cour administrative d’appel de Nantes relève que le processus de méthanisation produit du biogaz destiné à être injecté dans le réseau public. Elle juge que « l’usine de méthanisation qui fait l’objet du permis en litige (…) constitue un équipement d’intérêt collectif, autorisé par les dispositions précitées ». Cette qualification juridique permet d’asseoir la légalité de l’implantation industrielle au sein d’un espace normalement réservé aux seules activités strictement agricoles. L’intérêt général attaché à la production d’énergies renouvelables justifie ainsi une dérogation aux principes habituels de préservation des sols à vocation culturale.
B. La validation de l’insertion paysagère de l’unité de méthanisation
Les requérants contestaient l’intégration du projet dans son environnement en invoquant les dispositions restrictives applicables aux constructions liées aux exploitations agricoles. Le juge administratif considère toutefois que la condition de bonne intégration prévue par le règlement local ne s’applique pas aux équipements d’intérêt collectif. La décision souligne que « cette condition prévue par le PLUi ne trouve pas à s’appliquer à cette catégorie de construction autorisée au sein de la zone ». L’appréciation de l’autorité administrative n’a pas été faussée car la demande comprenait des documents graphiques permettant de mesurer l’impact visuel réel. L’existence de plantations prévues pour constituer un écran végétal suffit à garantir que le projet architectural ne porte pas une atteinte excessive au paysage.
II. Le contrôle restreint des risques d’atteinte à la sécurité et à la salubrité
A. La séparation des polices de l’urbanisme et des installations classées
Le litige portait également sur l’application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme relatif aux atteintes à la salubrité ou à la sécurité. La Cour administrative d’appel de Nantes rappelle fermement le principe d’indépendance des procédures administratives entre l’urbanisme et les installations classées. Elle précise qu’« il n’appartient pas à l’autorité administrative d’assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation ». Les nuisances susceptibles d’être occasionnées par le fonctionnement même de l’usine relèvent exclusivement de la police spéciale des installations classées pour l’environnement. Le juge de l’excès de pouvoir limite son contrôle aux risques intrinsèques liés à la situation et aux caractéristiques générales de la construction.
B. L’appréciation factuelle de l’absence de risques manifestes pour le voisinage
Les appelants invoquaient des nuisances olfactives, des risques de pollution des eaux et des dangers d’incendie sans apporter de preuves matérielles suffisantes. La juridiction administrative constate que le digesteur et les fosses de stockage seront fermés et étanches pour limiter les émanations vers les habitations. L’arrêt affirme ainsi que « le risque s’agissant des nuisances olfactives n’est pas établi par les pièces du dossier » au regard de la configuration. Les dispositifs de rétention des eaux et les moyens de lutte contre l’incendie, validés par les services de secours, apparaissent adaptés au projet. L’absence de démonstration d’un risque grave et certain conduit le juge à rejeter l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de l’autorité préfectorale.