Par l’arrêt commenté, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur les conséquences d’une inexécution prolongée par un État membre d’une de ses décisions antérieures. La Cour statue dans le cadre d’un contentieux relatif au non-respect d’une précédente condamnation en manquement.
En l’espèce, un État membre n’avait pas pris les mesures nécessaires pour exécuter un premier arrêt en manquement, rendu le 16 juillet 2015, le condamnant pour une infraction au droit de l’Union. Le manquement résiduel, objet du présent litige, concernait spécifiquement une parcelle cadastrale située sur le territoire de cet État. Face à cette inertie, la Commission européenne a introduit un second recours devant la Cour, fondé sur l’article 260, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Elle demandait la condamnation de l’État à des sanctions pécuniaires pour ne pas s’être conformé à l’arrêt initial.
La question de droit posée à la Cour était donc de déterminer si l’inexécution persistante et localisée d’un premier arrêt en manquement justifiait le prononcé d’une sanction financière, et notamment d’une somme forfaitaire, à l’encontre de l’État défaillant.
La Cour de justice répond par l’affirmative en déclarant que l’État membre « a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ». En conséquence, elle le condamne au paiement d’une « somme forfaitaire d’un montant de 1 200 000 euros » ainsi qu’à supporter l’ensemble des dépens. Cette décision illustre la rigueur du contrôle exercé par la Cour sur le respect de ses arrêts, en confirmant formellement le manquement persistant de l’État (I), avant de lui appliquer une sanction pécuniaire à finalité répressive (II).
I. La consécration judiciaire d’un manquement étatique persistant
La Cour fonde sa décision sur une double reconnaissance : celle, matérielle, de l’inexécution (A), et celle, formelle, de la base légale justifiant son intervention (B).
A. La matérialisation de l’inexécution
La Cour constate d’abord le manquement de manière factuelle et précise, en le circonscrivant à un élément matériellement identifiable. Le dispositif de l’arrêt vise en effet le fait de ne pas avoir « pris les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt du 16 juillet 2015 […] en ce qui concerne la parcelle n o 115/1 de la commune de Teharje (Bukovžlak) ». Cette approche factuelle permet d’objectiver l’infraction et de la rendre incontestable, en la liant à un lieu géographique déterminé.
En se concentrant sur ce point spécifique, la Cour évite un débat général sur la bonne volonté de l’État et ancre sa décision dans des faits tangibles. L’inexécution n’est pas une simple négligence administrative mais bien une défaillance concrète et persistante dans l’application du droit de l’Union. La précision de l’objet du litige démontre que même un manquement résiduel et localisé suffit à caractériser une violation des obligations découlant des traités.
B. L’application du mécanisme coercitif de l’article 260 du TFUE
Le fondement juridique de la décision repose sur l’article 260 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui organise la procédure dite de « manquement sur manquement ». Ce mécanisme confère à la Cour le pouvoir d’imposer des sanctions financières pour contraindre un État membre à exécuter un arrêt. La Cour agit ici en tant que garante de l’effectivité de ses propres décisions et, par extension, de l’autorité de l’ordre juridique de l’Union.
La constatation selon laquelle « la République de Slovénie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE » est le préalable nécessaire au prononcé de toute sanction pécuniaire. Ce faisant, la Cour ne crée pas une nouvelle obligation à la charge de l’État, mais se borne à constater la violation de l’obligation préexistante de se conformer à ses arrêts, conformément au principe de coopération loyale.
II. La sanction pécuniaire du manquement constaté
Une fois le manquement établi, la Cour en tire les conséquences financières en prononçant une condamnation pécuniaire (A), dont la finalité est à la fois punitive et dissuasive (B).
A. Le prononcé d’une somme forfaitaire
La Cour choisit de condamner l’État membre à payer à la Commission européenne « une somme forfaitaire d’un montant de 1 200 000 euros ». Contrairement à l’astreinte, qui est une pénalité par jour de retard visant à hâter l’exécution future, la somme forfaitaire a une fonction essentiellement répressive. Elle sanctionne la persistance du manquement depuis le prononcé de l’arrêt initial en 2015.
Le choix de cet instrument et de son montant est laissé à l’appréciation souveraine de la Cour. Celle-ci tient généralement compte de la gravité de l’infraction, de sa durée et de la capacité de paiement de l’État concerné. Le montant substantiel de la condamnation reflète la patience limitée de la Cour face à une inertie prolongée, même si les critères de calcul ne sont pas détaillés dans le dispositif. En outre, la condamnation aux dépens accentue le caractère répressif de la décision.
B. La double finalité punitive et dissuasive de la sanction
Au-delà de son aspect purement punitif, cette condamnation revêt une portée dissuasive indéniable. Elle envoie un signal fort à l’ensemble des États membres sur les conséquences financières directes d’une résistance à l’autorité de la chose jugée par la Cour de justice. La sanction n’a pas seulement pour but de clore le litige, mais aussi de prévenir la répétition de tels comportements à l’avenir.
La décision réaffirme que l’appartenance à l’Union européenne implique une soumission effective à son ordre juridique, y compris sous la contrainte financière. En sanctionnant lourdement un manquement qui peut paraître matériellement limité à une seule parcelle de terrain, la Cour rappelle que l’intégrité et l’uniformité du droit de l’Union ne sauraient tolérer d’exception, quelle que soit son ampleur géographique.