Par un arrêt en date du 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a sanctionné un État membre pour manquement à ses obligations découlant du droit de l’Union. En l’espèce, la Commission européenne a introduit un recours en manquement à l’encontre d’un État membre, lui reprochant de ne pas avoir correctement transposé certaines dispositions de la directive 2002/91/CE sur la performance énergétique des bâtiments. Plus précisément, il était reproché à cet État de ne pas avoir instauré une obligation de remise d’un certificat de performance énergétique lors de la vente ou de la location d’un immeuble, et d’avoir manqué à son obligation de notifier les mesures de transposition d’un autre article de la même directive.
La procédure a donc été initiée par la Commission en sa qualité de gardienne des traités, face à ce qu’elle considérait comme une transposition incomplète et incorrecte de la législation européenne. Les prétentions de la Commission visaient à faire constater par la Cour de justice le manquement de l’État membre concerné. La question de droit posée à la Cour était de savoir si l’omission de prévoir une obligation de remise d’un certificat de performance énergétique et l’absence de notification de certaines mesures nationales constituaient une violation des obligations incombant à l’État membre en vertu du droit de l’Union.
La Cour de justice de l’Union européenne a répondu par l’affirmative, en jugeant que l’État « a manqué aux obligations qui lui incombent ». Elle a ainsi pleinement accueilli le recours de la Commission, condamnant l’État membre pour sa défaillance. Cette décision, bien que classique dans son application du mécanisme de recours en manquement, réaffirme la rigueur des obligations de transposition qui pèsent sur les États membres (I), tout en soulignant la portée de cet instrument au service des politiques communes de l’Union, notamment en matière environnementale (II).
I. La consécration du manquement de l’État membre à ses obligations de transposition
La solution retenue par la Cour de justice s’inscrit dans une jurisprudence constante relative au devoir de transposition des directives, lequel doit être à la fois intégral et effectif (A). En l’espèce, la Cour caractérise sans difficulté une transposition défaillante de la part de l’État membre mis en cause (B).
A. L’obligation de transposition intégrale et effective des directives
En vertu de l’article 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Cette obligation de résultat impose une transposition dans le droit interne qui soit non seulement formelle mais également complète, claire et précise, afin de garantir la pleine effectivité des objectifs poursuivis par l’acte de l’Union. Les justiciables doivent être en mesure de connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui découlent de la directive.
Par conséquent, une transposition partielle, incorrecte ou ambiguë équivaut à une absence de transposition et constitue un manquement susceptible d’être sanctionné par la Cour de justice sur le fondement de l’article 258 du traité. La Cour a maintes fois rappelé que les États membres ne sauraient se prévaloir de dispositions, pratiques ou situations de leur ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union.
B. La caractérisation d’une transposition défaillante en matière de performance énergétique
Dans la présente affaire, la Cour de justice applique ces principes avec rigueur. Elle constate que la législation nationale n’assurait pas l’un des objectifs centraux de la directive, à savoir l’information des acquéreurs ou locataires potentiels sur la performance énergétique d’un bâtiment. Le manquement est doublement caractérisé. D’une part, sur le plan substantiel, la Cour relève le fait de ne pas avoir prévu « l’obligation de remettre un certificat relatif à la performance énergétique en cas de vente ou de location d’un immeuble ». Cette omission vide de sa substance l’une des dispositions clés de la directive, privant ainsi l’instrument de son effet utile.
D’autre part, sur le plan formel, la Cour sanctionne également le défaut de notification des mesures de transposition d’une autre disposition de la directive. Cette obligation d’information envers la Commission est essentielle pour permettre à cette dernière d’exercer son contrôle sur la correcte application du droit de l’Union. En jugeant que ces deux défaillances constituent un manquement, la Cour réaffirme que l’obligation de transposition est un tout indivisible, couvrant à la fois le contenu matériel de la norme et les exigences procédurales qui l’accompagnent.
La condamnation prononcée par la Cour, bien que prévisible au vu des faits, n’en demeure pas moins une illustration de la portée de ce type de contentieux, qui dépasse la simple technique juridique pour servir les ambitions politiques de l’Union.
II. La portée de la décision au service des objectifs de l’Union
Cette décision de manquement met en lumière le rôle fondamental de la Commission européenne en tant que gardienne de l’application du droit de l’Union (A). Au-delà de l’aspect institutionnel, elle confirme également la place centrale de la politique énergétique et environnementale dans le projet européen (B).
A. Le rôle de gardienne des traités exercé par la Commission européenne
Le recours en manquement est l’un des instruments les plus importants garantissant la primauté et l’uniformité du droit de l’Union. La présente décision en est une parfaite illustration. En agissant contre l’État membre défaillant, la Commission européenne ne fait pas seulement usage d’une prérogative procédurale, elle remplit sa mission fondamentale de veiller à la bonne exécution des traités et des actes qui en découlent. La procédure précontentieuse, qui a nécessairement précédé la saisine de la Cour, a pour but de permettre à l’État de se conformer volontairement à ses obligations, le recours juridictionnel n’intervenant qu’en dernier ressort.
La condamnation par la Cour n’est pas seulement déclaratoire ; elle oblige l’État membre à prendre sans délai les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt. À défaut, il s’expose à une nouvelle procédure, cette fois pour manquement sur manquement, pouvant aboutir à des sanctions financières en application de l’article 260 du traité. Ainsi, cet arrêt rappelle que l’appartenance à l’Union implique des contraintes juridiques strictes et que leur respect est assuré par un mécanisme de contrôle rigoureux.
B. L’affirmation de la politique énergétique et environnementale de l’Union
Le commentaire de cet arrêt ne saurait être complet sans analyser la nature de la législation non transposée. La directive sur la performance énergétique des bâtiments s’inscrit dans un cadre plus large de politiques de l’Union visant à lutter contre le changement climatique, à améliorer l’efficacité énergétique et à réduire la dépendance énergétique. L’obligation de fournir un certificat énergétique lors d’une transaction immobilière n’est pas une simple formalité administrative ; elle vise à créer un marché plus transparent où la performance énergétique devient un critère de valorisation des biens, incitant ainsi les propriétaires à investir dans la rénovation.
En sanctionnant le manquement de l’État membre, la Cour ne se contente donc pas de rappeler une règle de droit. Elle envoie un signal fort sur l’importance de ces politiques et sur la nécessité pour les États membres de les mettre en œuvre sérieusement et sans délai. La décision a une portée qui dépasse le cas d’espèce : elle rappelle à l’ensemble des États membres que les objectifs environnementaux de l’Union sont contraignants et que leur réalisation dépend de la coopération loyale et de la diligence de chacun.