Par un arrêt en date du 11 juillet 2025, la cour administrative d’appel de Bordeaux s’est prononcée sur les modalités d’exécution d’une de ses précédentes décisions concernant la police de la publicité extérieure. En l’espèce, une association de protection de l’environnement avait obtenu, par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 novembre 2020 confirmé et précisé en appel le 16 mai 2023, la condamnation de l’État à agir contre des dispositifs publicitaires illégaux sur le territoire d’une commune. Suite à l’inaction persistante de l’administration, l’association a saisi la cour d’une demande d’exécution forcée de son arrêt du 16 mai 2023. Toutefois, entre la date de cet arrêt et la demande d’exécution, une loi nouvelle est entrée en vigueur au 1er janvier 2024, transférant la compétence de la police de la publicité du préfet au maire. Le préfet soutenait en conséquence ne plus être en mesure d’exécuter la décision de justice. La question posée à la cour était donc de déterminer quelle autorité devait assurer l’exécution d’un arrêt juridictionnel en cas de transfert de la compétence de police administrative de l’État vers la commune en cours de procédure. La juridiction d’appel répond que l’obligation d’exécution pèse désormais sur l’autorité nouvellement compétente, à savoir le maire, et sanctionne l’inertie de ce dernier. En substituant la commune à l’État comme débitrice de l’obligation d’exécution (I), la cour assure la continuité de l’action administrative et l’effectivité de la chose jugée, tout en adaptant les instruments de contrainte au nouveau contexte juridique (II).
I. La substitution de la commune à l’État dans l’obligation d’exécution
La cour administrative d’appel tire les conséquences d’une évolution législative pour identifier le nouveau débiteur de l’obligation d’exécuter la chose jugée. Elle constate d’abord l’extinction de l’obligation préfectorale résultant du transfert de compétence (A), avant d’opérer le report de cette même obligation sur l’autorité municipale (B).
A. L’extinction de l’obligation du préfet consécutive au transfert de compétence
L’arrêt du 16 mai 2023 avait enjoint au préfet de mettre en œuvre les pouvoirs coercitifs prévus par le code de l’environnement, incluant le recouvrement d’astreintes et l’exécution d’office de travaux. Cependant, le juge de l’exécution constate que le représentant de l’État est désormais dépourvu du pouvoir d’agir. La décision commentée retient que « en application des dispositions de l’article L. 581-3-1 du code de l’environnement, entrées en vigueur le 1er janvier 2024, qui transfère les compétences en matière de police de la publicité au maire agissant au nom de la commune, le préfet de la Gironde n’a plus compétence pour poursuivre l’exécution de l’arrêt ». Ce faisant, le juge applique sans détour le principe selon lequel la compétence conditionne l’action administrative. Une autorité ne saurait être contrainte d’exécuter une mesure pour laquelle la loi lui a retiré toute prérogative. L’injonction initiale, bien que légalement fondée au jour où elle fut prononcée, est devenue matériellement et juridiquement inexécutable par son destinataire originel. La cour entérine donc l’argumentaire du préfet et le décharge de son obligation, évitant ainsi de maintenir une injonction dépourvue d’effet.
B. Le report de l’obligation d’exécution sur l’autorité municipale
L’extinction de la compétence du préfet ne saurait pour autant anéantir le droit à l’exécution de la décision de justice. Le juge administratif, garant de l’effectivité de ses propres décisions, se tourne logiquement vers l’autorité désormais investie du pouvoir de police. L’arrêt énonce clairement qu’« il appartient donc au maire de la commune de Le Barp, à qui la présente procédure a été communiquée le 8 mars 2024, d’exécuter cet arrêt ». Cette solution assure la continuité de l’action publique et préserve l’autorité de la chose jugée. En considérant que l’obligation d’exécution est attachée à la compétence administrative elle-même, la cour opère une substitution de débiteur de plein droit. Peu importe que la commune n’ait pas été partie à l’instance initiale ayant conduit à l’arrêt du 16 mai 2023 ; sa qualité de nouvelle détentrice du pouvoir de police de la publicité la rend responsable de la mise en conformité de la situation sur son territoire. Cette transmission de l’obligation garantit qu’un changement de législation ne crée pas un vide juridique permettant de faire échec à une décision de justice exécutoire.
II. L’adaptation des mesures de contrainte pour garantir l’effectivité de la décision
Face à l’inertie de la nouvelle autorité compétente, la cour administrative d’appel recourt à son pouvoir d’astreinte pour forcer l’exécution. Elle prononce une sanction pécuniaire directement à l’encontre de la commune (A), tout en exerçant son pouvoir d’appréciation quant aux autres demandes présentées par l’association requérante (B).
A. Le prononcé d’une astreinte à l’encontre de la nouvelle autorité défaillante
Le juge de l’exécution constate que « le maire de la commune de Le Barp n’a accompli aucune diligence utile à l’exécution de l’arrêt de la cour malgré le large délai dont il a disposé depuis le transfert de compétence ». Cette carence justifie l’usage des prérogatives que le juge tient de l’article L. 911-4 du code de justice administrative. La décision prononce en conséquence « à l’encontre de la commune de Le Barp une astreinte d’un montant de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt ». Le choix de viser la commune en tant que personne morale est juridiquement fondé, car c’est elle qui est redevable, même si l’action relève des attributions de son maire. Le montant modéré de l’astreinte et le délai de trois mois accordé pour s’exécuter témoignent d’une approche pragmatique, laissant à la collectivité un temps raisonnable pour organiser son action. Cette mesure coercitive est l’instrument essentiel par lequel la juridiction entend surmonter l’obstruction passive de l’administration et donner son plein effet à la décision antérieure.
B. Le périmètre de la sanction et le rejet des demandes accessoires
En complément du prononcé de l’astreinte, la cour statue sur les autres conclusions de l’association. Elle rejette notamment la demande formulée au titre des frais de justice, considérant qu’« il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce de faire droit aux conclusions présentées par l’association Paysages de France sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme d’argent ». Cette décision illustre le pouvoir souverain d’appréciation du juge en la matière. Le refus de condamner l’État pourrait s’expliquer par le fait que la défaillance actuelle dans l’exécution n’est plus imputable à ses services, mais bien à ceux de la commune. La charge de la preuve de l’inexécution et la nécessité de l’instance actuelle pesant sur la commune, il pouvait paraître inéquitable de faire supporter les frais en résultant à l’État. L’arrêt se concentre ainsi sur la mesure principale et nécessaire à l’exécution, à savoir l’astreinte, écartant les prétentions financières annexes qui ne relèvent plus directement de la responsabilité de l’interlocuteur initial.