Cour d’appel administrative de Paris, le 9 janvier 2025, n°24PA03649

Par une ordonnance du 9 janvier 2025, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Paris se prononce sur la recevabilité d’un appel formé contre une décision d’incompétence de la juridiction administrative.

En l’espèce, une locataire d’un logement social était redevable d’une dette de loyers impayés. Souhaitant se prévaloir de la prescription triennale de sa dette, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Elle demandait à ce qu’il soit enjoint au bailleur social d’appliquer cette prescription.

Par une ordonnance du 12 juin 2024, le juge des référés a rejeté sa demande. Il a estimé que le litige relevait du droit privé et échappait ainsi à la compétence de la juridiction administrative. La requérante a alors interjeté appel de cette ordonnance devant la cour administrative d’appel de Paris.

Il revenait au juge d’appel de déterminer si une requête d’appel, totalement dépourvue de moyens contestant les motifs de la décision de première instance, pouvait être accueillie.

Le juge des référés d’appel rejette la requête. Il juge que l’absence de toute argumentation visant à contester le bien-fondé de l’ordonnance attaquée rend la requête manifestement mal fondée, justifiant son rejet sans instruction ni audience.

La décision commentée illustre ainsi la sanction procédurale appliquée à un appel défaillant (I), confirmant par voie de conséquence la solution initiale quant à la répartition des compétences juridictionnelles (II).

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I. La sanction procédurale d’un appel non motivé

Le juge des référés d’appel fonde sa décision de rejet sur une application rigoureuse des règles de procédure applicables aux référés (A), tirant les conséquences de l’absence totale d’argumentation de la part de la requérante (B).

A. L’application de l’article L. 522-3 du code de justice administrative

L’ordonnance s’appuie sur les dispositions de l’article L. 522-3 du code de justice administrative. Ce texte confère au juge des référés la faculté de rejeter par une ordonnance motivée, et ce sans même tenir d’audience, les requêtes qui apparaissent manifestement irrecevables ou mal fondées. L’objectif est d’écarter rapidement les demandes qui n’ont aucune chance de prospérer.

Dans cette affaire, le juge d’appel exerce cette prérogative en constatant que la requête est « manifestement vouée au rejet ». Cette analyse se fonde non pas sur le fond du droit, c’est-à-dire la question de la prescription de la dette locative, mais exclusivement sur la forme de l’appel. Le juge constate une carence procédurale qui rend inutile tout examen plus approfondi de l’affaire.

B. L’absence de moyen, cause d’un rejet manifeste

Le cœur de la motivation du juge d’appel réside dans le constat que la requérante « n’articule aucun moyen pour contester le bien fondé de cette ordonnance ». En procédure administrative, l’appel a pour objet de critiquer la décision rendue par les premiers juges. Il ne suffit pas de manifester son désaccord ; il est impératif de présenter des arguments de fait ou de droit tendant à démontrer que la première décision était erronée.

En l’absence de toute critique dirigée contre le motif d’incompétence retenu par le tribunal administratif, la cour ne peut que constater que l’appel est dépourvu de substance. Le juge d’appel n’a pas à rechercher d’office les arguments que la requérante aurait pu ou dû soulever. Cette absence de motivation rend l’appel manifestement mal fondé et justifie son rejet immédiat.

En rejetant la requête pour ce motif procédural, le juge d’appel entérine indirectement, mais nécessairement, l’analyse du premier juge sur la question de la compétence.

II. La confirmation de l’incompétence de la juridiction administrative

Le rejet de l’appel pour un motif de pure procédure a pour effet de rendre définitive la solution de première instance (A), réaffirmant ainsi la compétence du juge judiciaire pour les litiges relatifs aux baux d’habitation, y compris dans le parc social (B).

A. Le caractère définitif du motif d’incompétence

En ne contestant pas le motif d’incompétence soulevé par le juge du tribunal administratif de Paris, la requérante a laissé ce point de droit en dehors du champ de l’appel. Le juge des référés de la cour administrative d’appel n’était donc pas invité à se prononcer à nouveau sur la question de savoir si le litige relevait de l’ordre administratif ou judiciaire.

La décision de première instance, qui qualifie le différend de « droit privé entre un bailleur social et un locataire », acquiert donc une autorité sur ce point. Le rejet de l’appel pour irrecevabilité formelle a pour conséquence pratique de valider la solution adoptée initialement. Le litige sur la prescription de la dette locative ne pourra être tranché que par le juge compétent en la matière.

B. La réaffirmation de la compétence judiciaire pour les litiges locatifs

Cette affaire, bien que traitée sous l’angle de la procédure, rappelle une règle fondamentale de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Le contentieux né de l’exécution d’un contrat de bail, même lorsque le bailleur est un organisme de logement social agissant dans le cadre d’une mission de service public, relève de la compétence du juge judiciaire.

La relation contractuelle entre le locataire et le bailleur est régie par le droit privé. Les questions relatives au paiement des loyers, aux charges, et à la prescription des dettes correspondantes sont donc de la compétence exclusive des juridictions civiles. L’ordonnance du tribunal administratif était donc juridiquement fondée, et le rejet de l’appel, bien que pour un motif de forme, conforte cette orthodoxie juridique.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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