Cour d’appel administrative de Paris, le 14 mars 2025, n°23PA03932

Par un arrêt en date du 14 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a statué sur les conditions d’éligibilité à une réduction d’impôt sur le revenu pour des dépenses de restauration immobilière. En l’espèce, un contribuable résidant fiscalement hors de France a sollicité le bénéfice de cet avantage fiscal pour des travaux réalisés sur un bien situé dans un secteur sauvegardé. Suite au silence de l’administration fiscale valant rejet de sa réclamation, il a saisi le tribunal administratif de Montreuil, lequel a écarté sa demande par un jugement du 4 juillet 2023. Le requérant a alors interjeté appel de cette décision, contestant l’interprétation des conditions déclaratives et probatoires attachées au dispositif.

Le contribuable soutenait d’une part que les exigences de production de pièces justificatives, fixées par une disposition réglementaire, ne pouvaient légalement aboutir à le priver d’un droit consacré par la loi. D’autre part, il estimait avoir apporté des preuves suffisantes de la réalité et du montant des dépenses engagées. Se posait ainsi à la Cour la double question de savoir, premièrement, si le pouvoir réglementaire pouvait préciser les obligations déclaratives d’un avantage fiscal sans excéder sa compétence et, deuxièmement, si les éléments fournis par le contribuable suffisaient à établir son droit à la réduction d’impôt.

La Cour administrative d’appel a rejeté l’ensemble des prétentions du requérant. Elle a d’abord jugé que les dispositions réglementaires contestées se bornaient à fixer les modalités d’application de la loi à des fins de contrôle, sans instituer une condition de déchéance non prévue par le législateur. Elle a ensuite estimé que le contribuable ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, de la réalité des dépenses de travaux et du respect des engagements de location, les pièces produites étant jugées insuffisantes.

I. La légalité confirmée des exigences probatoires réglementaires

La Cour administrative d’appel commence par examiner la légalité des obligations documentaires imposées au contribuable, écartant l’argument d’une atteinte à la hiérarchie des normes. Elle rappelle ainsi la fonction purement probatoire de ces formalités.

A. Le rejet de l’argument tiré de la hiérarchie des normes

Le requérant articulait sa contestation sur l’idée que les dispositions de l’article 46 AZC de l’annexe III du code général des impôts, de nature réglementaire, créaient une cause de déchéance du droit à la réduction d’impôt non prévue par l’article 199 tervicies du même code, qui a valeur législative. Selon cette thèse, le décret outrepassait la compétence du pouvoir réglementaire en subordonnant le bénéfice de l’avantage fiscal à des conditions plus strictes que celles définies par le législateur.

La Cour écarte ce moyen en clarifiant la portée du texte réglementaire. Elle juge que ces dispositions « n’instituent pas une règle de déchéance […] et ont seulement pour objet de permettre à l’administration fiscale de s’assurer de l’éligibilité du contribuable au dispositif ». Ce faisant, le juge administratif adopte une lecture orthodoxe des rapports entre la loi et le règlement d’application en matière fiscale. Le pouvoir réglementaire n’ajoute pas une condition de fond au dispositif, mais se limite à définir les moyens de preuve nécessaires à la vérification par l’administration du respect des conditions légales. La solution est conforme à une jurisprudence constante qui valide les décrets précisant les obligations déclaratives, dès lors qu’ils ne modifient pas la portée de la loi.

B. La fonction probatoire des obligations déclaratives

En précisant que la liste de documents a pour seul objet de permettre le contrôle de l’éligibilité du contribuable, la Cour souligne la nature purement instrumentale des formalités déclaratives. Celles-ci ne constituent pas un droit autonome pour l’administration ou une charge excessive pour le contribuable, mais le support nécessaire à l’exercice du pouvoir de vérification de l’administration. La charge de la preuve d’un droit à un avantage fiscal incombant au demandeur, il est logique que le pouvoir réglementaire définisse les documents jugés pertinents pour apporter cette démonstration.

La décision rappelle implicitement que sans ces précisions réglementaires, l’application de la loi serait rendue difficile, voire impossible, laissant l’administration sans moyen uniforme et objectif pour apprécier les demandes. En validant ces dispositions, la Cour confirme que le renvoi opéré par la loi à un décret pour fixer « les modalités d’application » autorise le pouvoir réglementaire à édicter des règles de preuve détaillées, pourvu qu’elles soient nécessaires et proportionnées à l’objectif de contrôle poursuivi par le législateur.

II. L’insuffisance caractérisée des éléments de preuve fournis par le contribuable

Après avoir validé le cadre normatif, la Cour examine les pièces concrètement produites par le requérant pour en conclure à leur insuffisance manifeste, tant pour la demande principale que pour les prétentions subsidiaires.

A. L’appréciation souveraine du juge sur la force probante des pièces

Le second temps du raisonnement de la Cour est factuel. Elle procède à un inventaire minutieux des éléments versés au dossier par le contribuable, qu’elle confronte aux exigences de l’article 46 AZC de l’annexe III du code général des impôts. Le requérant produisait notamment l’acte d’acquisition, un permis de construire, un avis de l’architecte des bâtiments de France, ainsi qu’un descriptif technique et la preuve d’un virement bancaire de 100 000 euros.

Toutefois, la Cour relève l’absence de pièces essentielles, telles que les factures des entreprises, la déclaration d’achèvement des travaux, la justification de la levée des réserves émises par l’architecte, et surtout, le bail attestant de l’engagement de location. Concernant le virement, elle juge que cette pièce « ne permet pas à elle seule d’établir la destination finale de ce versement en l’absence de tout autre document susceptible de justifier de son utilisation ». Cette appréciation souveraine des faits illustre la rigueur attendue du contribuable qui sollicite un avantage fiscal. La preuve d’une dépense ne se limite pas à la justification d’un flux financier, mais exige la démonstration de son affectation précise aux travaux éligibles.

B. Le rejet conséquent des prétentions subsidiaires

À titre subsidiaire, le contribuable demandait que la somme de 100 000 euros soit admise en déduction de ses revenus fonciers en tant que dépenses de réparation et d’entretien. La Cour rejette également cette demande, appliquant une logique implacable. Les carences probatoires qui ont conduit à écarter le bénéfice de la réduction d’impôt emportent nécessairement le rejet de la demande subsidiaire, qui repose sur la même base factuelle.

Le requérant, selon la Cour, « ne démontre pas par la seule production du versement de cette somme et du descriptif technique des travaux […] le caractère fiscalement déductible de son revenu foncier des charges qu’il a supportées ». Cette conclusion souligne que l’insuffisance des preuves n’affecte pas seulement le régime fiscal dérogatoire, mais également le droit commun. L’arrêt rappelle ainsi avec force que la justification des charges déductibles obéit à des exigences de preuve similaires à celles requises pour les crédits ou réductions d’impôt, et qu’une argumentation factuelle défaillante ne saurait prospérer, quelle que soit la qualification juridique invoquée.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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